
Le Web est une ressource qui nous a rapprochés de nos proches à distance, qui nous a offert des divertissements sans fin et qui a élargi nos connaissances culturelles en nous invitant dans des mondes inconnus. Mais pour les milliers de femmes et de filles qui sont confrontées à une "crise croissante" des préjudices en ligne, le harcèlement sexuel, les messages menaçants et la discrimination faisant du web un lieu dangereux, il reste un endroit très dangereux.
« Le monde a fait d'importants progrès en matière d'égalité des sexes grâce à l'action incessante de champions engagés partout dans le monde. Mais je crains sérieusement que les préjudices subis en ligne par les femmes et les filles - en particulier celles de couleur, issues des communautés LGBTQ+ et d'autres groupes marginalisés - ne menacent ces progrès », a écrit M. Berners-Lee. Il a exhorté donc ceux qui façonnent la technologie - des PDG aux universitaires, en passant par les ingénieurs et les fonctionnaires - à s'attaquer en priorité aux préjudices causés aux femmes en ligne.
Cette discrimination sur Internet « devrait nous concerner tous ». Selon lui, les droits des femmes sont des droits humains et sont fondamentaux pour une société saine, qu'il s'agisse de réduire la pauvreté et la maladie ou d'améliorer l'éducation et la croissance économique. « Et c'est donc à nous tous qu'il incombe de faire en sorte que le Web fonctionne pour tout le monde », lit-on dans la lettre ouverte. M. Berners-Lee a déclaré que l'appel à l'action était « convaincant et urgent ».
Cet avertissement intervient après que M. Berners-Lee ait lancé l’année dernière le « Contract for the Web », un plan d'action mondial visant à sauver le Web des forces qui menacent d'entraîner le monde dans une "dystopie numérique". « Je pense que la crainte des gens que de mauvaises choses se produisent sur Internet devient, à juste titre, de plus en plus grande », avait déclaré l'inventeur du Web dans un communiqué lors du lancement du plan. Sans une lutte contre les abus misogynes en ligne, les objectifs du contrat ne peuvent être atteints, a-t-il déclaré.
Trois domaines nécessitant une attention « urgente » pour que le Web fonctionne pour tous
La lettre ouverte mentionne que trois domaines nécessitent une attention "urgente". Le premier est la fracture numérique qui maintient plus de la moitié des femmes du monde hors ligne, en grande partie parce que l’Internet est trop coûteux, ou parce qu'elles n'ont pas accès à l'équipement ou aux compétences nécessaires pour l'utiliser, selon M. Berners-Lee. « Les hommes ont toujours 21 % de chances de plus d'être en ligne que les femmes, ce chiffre passant à 52 % dans les pays les moins avancés du monde », lit-on. Selon la lettre, « ce fossé renforce les inégalités existantes et empêche des millions de personnes d'utiliser le Web pour apprendre, gagner de l'argent et se faire entendre ».
Deuxièmement, la sécurité en ligne est mise en question pour beaucoup de personnes qui sont en ligne. Selon une enquête de la Berners-Lee's Web Foundation, plus de la moitié des jeunes femmes ont subi des violences en ligne, notamment le harcèlement sexuel, les messages de menace et le partage d'images privées sans leur consentement. Selon l’enquête, 84 % d'entre elles estiment que le problème s'aggrave.
L'inventeur du World Wide Web a déclaré que la "tendance dangereuse" des abus en ligne contraignait les femmes à quitter leur emploi, poussait les filles à sécher l'école, nuisait aux relations et faisait taire les opinions féminines. Cette situation met en péril les énormes possibilités qu'offre la technologie numérique, ce qui l’a amené à conclure que « le Web ne fonctionne pas pour les femmes et les filles ».
Enfin, la troisième menace provient de systèmes d'intelligence artificielle mal conçus, selon M. Berners-Lee, qui répètent et exacerbent la discrimination. Les systèmes d'intelligence artificielle sont de plus en plus utilisés pour juger de nos capacités et définir nos opportunités. Le problème, selon M. Berners-Lee, c’est que trop souvent les algorithmes reproduisent et même approfondissent les inégalités existantes. Toutefois, il reconnait les efforts des entreprises pour rendre l’IA inoffensive.
« De nombreuses entreprises travaillent dur pour lutter contre cette discrimination. Mais si elles ne consacrent pas de ressources et ne diversifient pas leurs équipes pour atténuer les préjugés, elles risquent d'étendre la discrimination à une vitesse et à une échelle jamais vues auparavant », écrit-il.
« L'épidémie de coronavirus montre à quel point il est urgent d'agir ». En effet, alors que les bureaux et les écoles ferment, « le Web est une bouée de sauvetage qui nous permet de continuer à travailler, à éduquer nos enfants et à lire des informations vitales pour notre sécurité et notre santé ». Priver tant de femmes et de filles de ces éléments de base n’est pas une option pour l’inventeur du Web. Selon lui, les efforts des gouvernements restent lents et trop limités face à cette crise croissante.
Les recommandations du fondateur du Web pour un Internet sûr pour les femmes et les filles
Alors que l’année 2020 marque le 25e anniversaire de l'adoption par 189 pays d'un plan mondial ambitieux pour l'autonomisation des femmes, et que nous sommes à dix ans seulement de l'échéance mondiale pour atteindre l'égalité des sexes, « faire fonctionner le web pour les femmes, les filles et les autres groupes marginalisés - et donc pour nous tous » doit être au cœur des engagements des décideurs mondiaux. Encore en 2020 et au-delà, la Web Foundation continuera à étudier les préjudices et les lacunes des politiques en ligne, à œuvrer pour réduire la fracture numérique entre les sexes et à plaider en faveur de politiques qui renforcent l'autonomie des femmes, écrit-il.
Dans ses recommandations, le fondateur du Web exhorte que 2020 soit l'année où les gouvernements et les entreprises doivent faire de la lutte contre les préjudices en ligne contre les femmes une priorité absolue. Il propose également que les entreprises et les gouvernements s'attaquent au manque « de données sur la violence en ligne en enregistrant et en publiant systématiquement des données sur ce que les femmes vivent en ligne ». Il recommande qu’en se basant sur ces données et sur les commentaires des femmes de tous horizons, les gouvernements et les entreprises créent des produits, politiques et services pour traiter le problème.
M. Berners-Lee demande également que chacun de nous puisse s’exprimer lorsque nous constatons des préjudices à l'encontre des femmes et des filles en ligne. Dans une lettre ouverte en 2018, il s'était exprimé sur la « concentration du pouvoir » parmi les plateformes dominantes.
Source : World Wide Web Foundation
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