Tim Berners-Lee
Dans une colonne publiée dans The Guardian aux allures du bilan inquiet, Tim Berners-Lee s’alarme et met en garde contre les dangers qui menacent les idéaux sur lesquels s’est bâti le web dans les années 1990. « J’ai inventé le web. Voici trois choses que nous devons changer pour le sauver », introduit-il.
La perte de contrôle sur nos données personnelles
Le premier défi concerne la perte de contrôle sur nos données personnelles qui remet en cause le principe de base du Web, selon lequel l’utilisateur cède une part de ses données contre la gratuité du contenu. L’ingénieur britannique attaque le modèle économique actuel qui consiste à marchander les données personnelles. Souvent, les conditions d’utilisation sont troubles, ce qui permet à nos données personnelles de se retrouver dans des mains que nous n’avions pas choisies.
Pire encore, ces données sont stockées dans des silos centralisés, ce qui ne manque pas d’attirer d’autres acteurs notamment étatiques. L’affaire Snowden en 2013 avait déjà dénoncé les programmes de surveillance massive déployés par la NSA. « Quand nos données sont conservées dans des silos propriétaires, hors de notre vue, nous perdons les bénéfices que nous pourrions en tirer », estime Tim Berners-Lee. Pour lutter contre cette tendance lourde, le directeur de la fondation W3C, qui "gère" le Web, veut développer de nouveaux outils permettant aux webinautes de reprendre le contrôle, mais aussi de discuter avec les géants du net.
Les “Fake news”
Le second défi, la facilité avec laquelle les fausses news et rumeurs se diffusent sur la Toile. Ce sujet a fait les unes du monde entier après l’élection présidentielle américaine de 2016. Là encore, Tim pointe du doigt les géants du NET, notamment les réseaux sociaux et les moteurs de recherche dont les algorithmes permettent de propager rapidement les fausses nouvelles. « La plupart des gens découvrent les actualités et les informations sur le web par l’intermédiaire d’une petite poignée de réseaux sociaux et de moteurs de recherche », dont le business repose principalement sur l’économie du clic, analyse Tim Berners-Lee.
Ces sites « sélectionnent le contenu proposé en fonction d’algorithmes qui apprennent de nos données personnelles récoltées en permanence. Le résultat net est que ces sites nous présentent des liens vers des contenus sur lesquels selon eux nous allons cliquer », pour faire face à ce problème, Tim Berners-Lee veut faire impliquer les géants du NET et surtout instaurer plus de transparence dans les algorithmes qui sont de plus en plus secrets et donc incontrôlables. Ces véritables “boites noires doivent devenir plus transparentes et loyales. « Google et Facebook doivent poursuivre leurs efforts, sans pour autant créer des structures centrales devant décider ce qui est vrai ou non », affirme Tim Berners-Lee.
L’exploitation des données personnelles à des fins politiques
« La publicité politique ciblée permet à une même campagne de présenter des messages radicalement différents, voire contradictoires, à différents groupes de personnes. Est-ce démocratique ? », se demande Tim Berners-Lee. Cette pratique est d’autant plus facile grâce à des plateformes comme Facebook qui concentre près de deux-milliards d’utilisateurs. De plus, certaines entreprises se sont aujourd'hui spécialisées dans ce domaine et offrent leurs services notamment aux candidats à l'élection présidentielle française en leur permettant de cibler très précisément leurs soutiens potentiels. Pour le père du web, ce phénomène constitue un “angle mort” du web. « On soupçonne que certaines publicités politiques, aux États-Unis et dans le reste du monde, sont utilisées sans éthique pour diriger des internautes vers des sites de fausses informations, par exemple ou pour en dissuader d’autres d’aller voter », s’inquiète Tim Berners-Lee.
Source : The Guardian
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