« Actuellement, un petit nombre de grandes entreprises technologiques détiennent une grande partie des données mondiales. C'est une faiblesse majeure pour les entreprises axées sur les données d'émerger, de croître et d'innover aujourd'hui, y compris en Europe, mais d'énormes opportunités s'offrent à nous », est-il noté dans un document faisant la présentation de la proposition. Le document de 25 pages souligne également l'urgence de la tâche à accomplir.
« Des concurrents tels que la Chine et les États-Unis innovent déjà rapidement et projettent leurs concepts d'accès et d'utilisation des données à travers le monde », peut-on lire. En capitalisant sur les grandes quantités de données industrielles et professionnelles et d’innovations technologiques de l’Europe, l'UE pourrait prendre de l’avance, selon le document : « Les gagnants d'aujourd'hui ne seront pas nécessairement les gagnants de demain ».
Dans ce document, il est noté que l'objectif est de « créer un espace de données européen unique, un véritable marché unique pour les données ». Les mesures pour atteindre cet objectif comprennent un ensemble de nouvelles règles couvrant l'utilisation transfrontalière des données, l'interopérabilité des données et les normes liées à la fabrication, au changement climatique, à l'industrie automobile, aux soins de santé, aux services financiers, à l'agriculture et à l'énergie.
Au cours des prochains mois, d'autres règles ouvriront davantage de données publiques sur les données géospatiales, l'environnement, la météorologie, les statistiques et les entreprises à travers l'UE pour que les entreprises puissent les utiliser gratuitement.
Le document proposait également de supprimer les règles de concurrence pertinentes qui entravent le partage des données et éventuellement d'introduire des règles pour empêcher les grandes plateformes en ligne d'imposer unilatéralement des conditions d'accès et d'utilisation des données ou d'en bénéficier de manière disproportionnée.
La Commission européenne et un groupe d'experts mis en place l'année dernière pour l'aider examinent actuellement la grande quantité de données collectées par les grandes entreprises technologiques et la manière dont elles utilisent et partagent les données. « Sur la base de cette constatation des faits, la Commission examinera la meilleure façon de résoudre les problèmes plus systémiques, y compris par une réglementation ex ante le cas échéant, pour garantir que les marchés restent ouverts et équitables », est-il inscrit dans le document.
Les initiatives vers un marché européen numérique unique se multiplient
En avril 2017, la commission Marché intérieur du Parlement européen a voté en faveur d’un texte visant à interdire aux commerçants en ligne de traiter les consommateurs différemment selon leur localisation. L’eurodéputée française Virginie Rozière a indiqué que ce texte a été motivé par le fait que Bruxelles ne souhaite pas qu’internet devienne une zone de non-droit.
En premier, le texte vise les sites de commerce électronique comme Amazon, Zalando ou eBay. Cependant, d’autres services en ligne comme les services de diffusion musicale, tels que Spotify, iTunes ou Apple Music, se trouvent également concernés par cette mesure. En clair, les entreprises seraient tenues de ne plus empêcher les consommateurs de visiter les versions d’un autre pays de leur site internet ou d’acheter des produits en ligne simplement parce qu’ils habitent dans un autre pays. La redirection automatique vers la version domestique du site Web sans le consentement des utilisateurs deviendra alors interdite si le texte venait à être adopté.
Juridiquement, cela signifierait par exemple que les services de diffusion de musique ne pourraient pas empêcher un client français d'acheter un abonnement moins cher à Malte, si le service possède les droits de diffusion. Dans l’optique de la création d’un marché unique pour les services numériques, mettre fin à la géolocalisation est devenu une priorité pour Bruxelles.
Le mois qui suivait, Bruxelles a voté en faveur de la fin du géoblocage lors de déplacements temporaires en UE. Être un client abonné à un service de streaming tel que Spotify ou Netflix comporte des complexités lors de déplacements. Les abonnés de Netflix, par exemple, ont accès à différentes bibliothèques, selon leur localisation. Cela signifie qu'un spectateur aux Pays-Bas pourrait commencer à regarder un film à la maison, voyager en France pour un week-end et trouver à son arrivée que le contenu qu'il a payé n'y est pas disponible.
Mais le Parlement a indiqué qu’il était en faveur de l’introduction de nouvelles règles de « transférabilité transfrontalière », qui allaient donner aux citoyens la liberté de profiter de leurs médias partout où ils se trouvent dans l'UE, sans avoir à se tourner par exemple vers le piratage.
« Si vous vivez par exemple en Allemagne, mais que vous partez en vacances, que vous rendez visite à votre famille ou que vous travaillez en Espagne, vous pourrez accéder aux services que vous aviez en Allemagne dans tout autre pays de l'Union, car le texte couvre l'UE », a expliqué Jean-Marie Cavada, membre de l'ALDE.
« J'apprécie le vote favorable du Parlement européen sur la portabilité du contenu en ligne à travers les frontières, suite à l'accord conclu entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission au début de l'année. Je remercie chaleureusement le rapporteur du Parlement européen, Jean-Marie Cavada, pour son travail en ce sens et j'attends l'approbation définitive des États membres dans les prochaines semaines », a commenté Andrus Ansip, vice-président, chargé du Marché numérique unique.
« Les règles votées aujourd'hui signifient que, dès le début de l'année prochaine, les personnes qui ont souscrit à leurs séries préférées, de la musique et des événements sportifs à la maison pourront les apprécier lors de leur voyage dans l'Union européenne. Combiné à la fin des frais d'itinérance, cela signifie que regarder des films ou écouter de la musique pendant les vacances à l'étranger n'entraînera aucun coût supplémentaire pour les personnes qui utilisent des réseaux mobiles », s’est-il réjoui.
Ce n'est qu'en novembre de la même année que le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont conclu un accord politique mettant fin aux blocages géographiques injustifiés pour les consommateurs désirant acheter des produits ou des services en ligne dans l'Union. Ils estimaient alors que les nouvelles règles allaient dynamiser le commerce électronique et profiter aux consommateurs ainsi qu’aux entreprises qui tireront parti de la croissance du marché en ligne européen.
Ansip, vice-président chargé du marché unique numérique, a déclaré à ce propos : « Nous mettons fin aujourd'hui aux discriminations injustifiées lors des achats en ligne. C'est une excellente nouvelle pour les consommateurs. Les nouvelles règles permettront aux Européens de choisir le site web sur lequel ils souhaitent acheter, sans être bloqués ni redirigés. Ce vœu se réalisera d'ici à Noël de l'année prochaine. »
Pour les citoyens, cela signifie qu'ils pourront acheter leurs appareils électriques en ligne, louer une voiture ou acheter des places de concert à l'étranger comme ils le font dans leur propre pays. Ils ne seront plus confrontés à des obstacles tels que la contrainte de payer avec une carte de débit ou de crédit émise dans un autre pays que le leur. Pour les entreprises, cela signifie une plus grande sécurité juridique pour exercer des activités à l'étranger.
Comme l'a déclaré Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, lors du sommet numérique de Tallinn qui s'est tenu en septembre 2017, les législateurs de l'UE doivent mener à bien les 24 propositions législatives que la Commission a présentées depuis le début de son mandat pour réaliser le marché unique numérique. La Commission européenne s'est dit disposée à aider le Parlement européen et le Conseil à négocier de bons accords, et elle l'a prouvé en permettant ce rapprochement des positions.
Ces nouvelles règles définissaient trois situations spécifiques dans lesquelles il n'existe ni justification ni critères objectifs permettant de concevoir un traitement différent a priori entre les clients de différents États membres. Ces cas sont les suivants :
- La vente de biens sans livraison physique. Exemple : un consommateur belge souhaite acheter un réfrigérateur et trouve la meilleure offre sur un site web allemand. Il pourra commander le produit et le retirer dans les locaux du négociant ou organiser lui-même la livraison à son domicile.
- La vente de services fournis par voie électronique. Exemple : une consommatrice bulgare souhaite acheter à une société espagnole des services d'hébergement pour son site web. Elle aura désormais accès au service, pourra s'enregistrer et acheter ce service sans avoir à payer de frais supplémentaires par rapport à un consommateur espagnol.
- La vente de services fournis dans un lieu physique précis. Exemple : une famille italienne peut acheter directement un voyage vers un parc d'attractions en France sans être redirigée vers un site internet italien.
Source : Reuters
Et vous ?
Que pensez-vous en général des initiatives prises par Bruxelles pour développer un marché unique des services numériques en UE ?
Que pensez-vous de cette mesure en particulier ?
L'objectif de briser l'emprise des grandes enseignes technologiques US sur les données européennes vous semble-t-il utopique ou réalisable ? Dans quelle mesure ?