Les essais sur simulateur reproduisant les conditions réelles en vol effectués par les pilotes de la FAA (Federal Aviation Administration) ont révélé un nouveau risque en matière de sécurité sur les 737 Max de Boeing qui sont interdits de vol depuis trois mois, ont indiqué deux sources proches du dossier ayant requis l’anonymat. Ce « risque potentiel que Boeing doit atténuer » ne serait, cependant, pas lié aux derniers accidents mortels ayant impliqué un 737 Max d’Ethiopan Airlines cette année et un autre 737 Max de Lion Air en 2018.
Lors de ces tests, la FAA a découvert que le traitement des données par l’ordinateur de bord du 737 Max pouvait causer un décrochage soudain et imprévisible que les pilotes avaient beaucoup de mal à corriger pour reprendre rapidement le contrôle de l’avion. Et comme l’a confié une des sources, « si vous ne pouvez pas reprendre le contrôle en quelques secondes, c’est un risque déraisonnable ». Les effets de ce dysfonctionnement sont similaires à ceux qui ont été observés avec la version initiale et défectueuse du dispositif de stabilisation en vol (Maneuvering Characteristics Augmentation System ou MCAS) du 737 Max même s’ils ont des origines différentes.
Le MCAS utilise un moteur pour déplacer une petite aile située à la queue de l’avion - connue comme un stabilisateur horizontal – qui permet d’ajuster les mouvements ascendants et descendants – trim – de l’avion. La nouvelle défaillance relevée par les pilotes de la FAA pourrait inciter cette même aile à se déplacer sans que le pilote ait au préalable initié la réalisation de cette opération. Un signe de négligence aggravée de la part de Boeing ?
Depuis la découverte de cette nouvelle défaillance, l’autorité de réglementation de l’aviation civile aux USA a ordonné à l’avionneur américain d’apporter de nouvelles modifications à la conception de son jet, des changements qui vont probablement rallonger le processus de certification du 737 MAX modifié quand on sait que cet avion représente plus de 75 % du carnet de commandes de la société. Mais, pour le moment, il est difficile de savoir si l’atténuation de cette faille exige une simple mise à jour du logiciel du bord ou des changements plus en profondeur de l’avion lui-même, sachant que certains experts du milieu tels que Gregory Travis, ingénieur logiciel chevronné et un pilote expérimenté, estiment qu’une mise à jour logicielle ne peut pas compenser les défauts de conception de cet avion et préconisent une révision complète du design de l’appareil.
Dans un document adressé à la SEC, Boeing explique que la FAA lui a demandé de « s’occuper d’un problème spécifique en vol que les changements de logiciel du 737 MAX sur lesquels Boeing travaille depuis huit mois ne prennent pas en compte ». Mais l’entreprise n’a pas souhaité divulguer la nature exacte du problème, soulignant simplement par la voix d’un porte-parole, Gordon Johndroe, que sa résolution devrait « réduire la charge de travail des pilotes » en facilitant la réaction à un mouvement non commandé du stabilisateur.
Le fabricant d’aéronefs basé à Chicago qui travaille déjà d’arrache-pied pour corriger le dispositif de stabilisation en vol (MCAS) défectueux de son 737 Max a par ailleurs précisé qu’il ne soumettra pas la version modifiée de son jet à la FAA pour la certification finale tant qu’il n’aura pas satisfait à toutes les exigences « pour un retour en service en toute sécurité ».
Le retour en service du 737 MAX dans les meilleurs délais était déjà sérieusement compromis par la demande des pilotes de bénéficier d’une meilleure formation, ce qui implique l’usage de simulateurs de vol quand il n’en existe que quatre dans le monde qui sont capables de reproduire exactement les conditions de vol du 737 Max : un aux États-Unis, deux au Canada et un en Éthiopie. L’absence de consensus sur un calendrier de redéploiement jusqu’à l’heure actuelle laisse, en outre, supposer que les autorités de régulation devraient au mieux aboutir à une nouvelle certification en ordre dispersé de l’appareil. Le calvaire de Boeing se poursuit donc, ses 737 MAX devant probablement rester cloués au sol plus longtemps que prévu. L’entreprise a déjà tellement de 737 Max immobilisés et en attente de révision qu’elle utilise le parking de ses employés sur certains de ses sites de production ou d’essai pour stocker ses avions.
L’interdiction de vol prolongée des 737 MAX risque d’affecter lourdement les comptes de Boeing. Le coût important lié au stationnement prolongé et à la maintenance n’est que le début de l’exposition financière de Boeing. L’avionneur basé à Chicago devra dédommager les compagnies aériennes qui possèdent l’un des 737 MAX livrés avant l’interdiction mondiale de vol. Il devra aussi s’occuper de ses autres clients, notamment du manque à gagner qu’ils accusent à cause du retard de livraison des 737 MAX déjà commandés qui devaient être livrés depuis le 13 mars dernier.
Trois mois après le début de l’immobilisation des 737 MAX, un analyste de Bloomberg estime à 1,4 milliard de dollars la facture de Boeing pour les vols annulés des compagnies aériennes clientes et le manque à gagner d’exploitation si la flotte de 737 MAX est toujours clouée au sol d’ici fin septembre. Il faut également préciser que la société fait déjà face aux actions en justice intentées par les familles des victimes des deux accidents. Des spécialistes du secteur estiment à ce sujet que les malheurs du 737 MAX vont couter des milliards au constructeur américain qui devra mobiliser toutes ses ressources pour résoudre cette affaire.
Source : Bloomberg, CNN
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Le , par Christian Olivier
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