La résistance contre les robots tueurs animés par l’intelligence artificielle continue difficilement, mais de façon engagée afin d’emmener le maximum de pays, surtout ceux qui sont impliqués dans la recherche et le développement pour concevoir ces armes meurtrières, à rejoindre le mouvement. Selon un article publié hier par Deutsche Welle, le service international de diffusion de l’Allemagne, des militants de 35 pays s’étaient réunis à Berlin la semaine dernière pour demander l'interdiction des armes autonomes meurtrières. Ces militants engagés contre l’utilisation des armes autonomes veulent attirer l’attention des pays non encore engagés et surtout l’Allemagne dans la perspective de nouvelles négociations sur ces armes à Genève.
Noel Sharkey, l'une des figures de proue de la campagne pour arrêter les robots tueurs était présent à Berlin pour participer à la réunion internationale de la Campagne pour arrêter les robots tueurs qui s'est terminée vendredi. Noel Sharkey est un professeur émérite de l'université de Sheffield, aussi un spécialiste reconnu de la robotique et de l'intelligence artificielle. « Je peux vous construire un robot tueur en seulement deux semaines », a-t-il dit lors du rassemblement avec un regard avertisseur.
Sharkey s'oppose à l'idée de parler de « systèmes d'armes autonomes mortels » comme s'il s'agissait d'un roman de science-fiction, d’après Deutsche Welle. Le militant des droits de l’homme dit que, les systèmes d'armes entièrement autonomes sont une réalité bien établie. Pour lui, il n'est pas nécessaire de discuter de leur définition qui est déjà assez connue comme étant des armes qui cherchent, sélectionnent et attaquent des cibles par leurs propres moyens. C'est, par ailleurs, la définition que le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) leur donne.
En effet, les soldats n'ont plus besoin d’appuyer sur la détente avec de telles armes. Ces robots, boostés par l’intelligence artificielle, utilisent eux-mêmes un logiciel intégré pour trouver et frapper des cibles. Ces armes peuvent prendre la forme de missiles, de véhicules terrestres sans pilote, de sous-marins ou d'essaims de mini-drones. 28 pays réclament actuellement l'interdiction des systèmes d'armes autonomes meurtrières, mais de nombreux pays s’y opposent encore.
Les premières discussions formelles visant à limiter ou interdire l’utilisation des systèmes d’armes létales autonomes (SALA) ou des robots de guerre, pour faire simple, se sont tenues au cours des derniers mois de l’année 2017 à Genève sous l’égide de L’ONU. Ces discussions axées autour de la convention sur certaines armes classiques (CCAC) devraient permettre de soumettre ces dispositifs de guerre au droit international en identifiant les « SALA illicites » en fonction du niveau de contrôle attribué à l’homme.
À ce sujet, la France a proposé d’approfondir la distinction entre les systèmes dotés « d’automatismes » de complexité variable et les systèmes « autonomes » qui ne font appel à aucune mesure de supervision humaine. Le gouvernement russe est resté fermement opposé à toute interdiction visant à limiter ou interdire le développement des SALA ou des technologies liées à l’IA à des fins militaires qui serait prise au niveau de l’ONU.
Selon un rapport fourni par le site DefenceOne.com le 10 novembre 2017, la Fédération de Russie soutenait que « l’absence de réglementation claire sur de tels systèmes d’armement reste le principal problème dans la discussion sur les lois », mais « il est difficilement acceptable que l’encadrement des SALA restreigne la liberté de profiter des avantages des technologies autonomes qui représentent l’avenir de l’humanité. » Les États-Unis de leur côté, ont estimé qu’il est encore « prématuré » d’envisager une interdiction des SALA, même si l’administration Trump dit soutenir le processus de la CCAC.
Dans une série de réunions qui se sont tenues à Genève en fin août 2018, les discussions sur l'opportunité d'amener les négociations sur les armes entièrement autonomes dotées d'IA à un niveau formel qui pourrait déboucher sur un traité qui les interdit n’a aboutit qu’à une liste de recommandations non contraignantes. Les États-Unis, la Russie, la Corée du Sud, Israël et l’Australie auraient en effet empêché les Nations Unies de s’entendre sur la question de savoir s’il fallait ou non interdire les robots tueurs. C'est à la fin de 2013 que les Nations Unies ont mis le sujet à l'ordre du jour, mais depuis lors, peu de choses se sont produites. L'organisation n'a même pas été en mesure de s'entendre sur une définition des armes létales entièrement autonomes. Les militants des droits de l’homme devraient davantage s’armer de courage pour continuer le combat.
Un certain nombre d'organisations non gouvernementales (ONG) se sont jointes à la Campagne mondiale pour arrêter les robots tueurs à Berlin pour demander à l'Allemagne d’exiger que les systèmes d'armes autonomes qui violent le droit international soient interdits. En effet, pour ces militants, si l'Allemagne prenait l'initiative de se joindre au mouvement de l’interdiction, d'autres pays suivraient. Selon Deutsche Welle, le gouvernement allemand actuel a affirmé l’interdiction dans ses négociations de coalition en 2018, mais n'a prononcé que des déclarations politiques non contraignantes à l'ONU à Genève.
Selon Thomas Küchenmeister de l'ONG Facing Finance, « ce n'est pas suffisant pour établir une interdiction ». Selon lui, le gouvernement allemand devrait se joindre aux 28 pays qui réclament actuellement l'interdiction des systèmes d'armes autonomes meurtriers.
Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, et le Parlement européen sont également en faveur d'une interdiction. Le Parlement européen a adopté une résolution demandant une interdiction internationale des robots soi-disant tueurs qui vise à anticiper le développement et l'utilisation de systèmes d'armes autonomes capables de tuer sans intervention humaine. Le CICR affirme que l'utilisation de ces armes constitue une violation manifeste du droit international.
Récemment, la Société allemande d'informatique (GI), une organisation de chercheurs en informatique, ainsi que l'influente Association fédérale de l'industrie allemande (BDI), ont également appelé à une interdiction juridiquement contraignante. Mais l’Allemagne, dont les fabricants d’armes ont vendu en février dernier avec enthousiasme leurs nouvelles armes aux fonctions autonomes lors de la plus grande foire aux armes du Moyen-Orient à IDEX à Abu Dhabi, a toujours une position indécise quant à l’interdiction formelle des robots tueurs.
Les déclarations politiques non contraignantes du gouvernement allemand fournissent une « couverture parfaite » aux pays opposés à une interdiction
Selon Deutsche Welle, bien que des pays comme les États-Unis et la Chine soient en tête de l'utilisation de l'IA dans le monde, une grande partie de la recherche dont dépendent ces systèmes vient d'Europe. Cela donne beaucoup de poids aux voix européennes dans le débat en cours. Selon Noel Sharkey, « Si l'Allemagne prend la tête, d'autres suivront ». M. Sharkey prévient également que les déclarations politiques non contraignantes, comme celles que le gouvernement allemand défend actuellement, fournissent une « couverture parfaite » aux pays opposés à une interdiction. Ces pays comprennent la Russie, Israël et les États-Unis, selon le rapport de Deutsche Welle.
Cependant, le gouvernement allemand soutient qu'il est essentiellement en faveur d'une interdiction, mais qu'il avait fait pression sur la déclaration politique nettement plus faiblement pour des raisons tactiques. En effet, selon le gouvernement allemand, son approche consiste à maintenir un dialogue avec des pays comme les États-Unis, plutôt que de les aliéner complètement.
Toutefois, la lauréate du prix Nobel de la paix Jody Williams n'est pas du tout convaincue par cet argument. S'exprimant à Berlin, elle a appelé le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas à reconsidérer sa position. M. Williams a fait valoir que quiconque attend que les États-Unis se prononcent en faveur d'une interdiction attendra éternellement.
Des discussions internationales sur la façon de réglementer les droits de l'homme se tiendront à Genève, en Suisse, du 25 au 29 mars. Espérons qu’elles aboutiront à des recommandations contraignantes afin que les prédictions d’Elon Musk et d’une centaine de spécialistes de l'IA et de la robotique, selon lesquelles « Les armes autonomes létales menacent de devenir la troisième révolution dans la guerre. Une fois développées, elles vont propulser les conflits armés à une échelle plus grande que jamais, et à des échelles de temps plus rapides que les humains puissent comprendre », ne se réalisent pas.
Source : Deutsche Welle
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Le , par Stan Adkens
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