Les services de localisation disponibles sur les smartphones peuvent collecter et transférer les données des possesseurs vers les serveurs d’entreprises comme Google et Apple. En fonction de ce que la législation prévoit dans chaque pays, ces entreprises peuvent être amenées à partager à leur tour les informations avec les forces de l’ordre. Dans les cas de la firme de Mountain View, le contrat final d’utilisateur est clair quant à ceci que la firme peut passer les data aux autorités si elles en font la demande. C’est ce que rapporte le Minnesota Public Radio – un réseau de radios publiques de l’État du Minnesota – dans le cadre d’une enquête relative à un cambriolage.
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le Minnesota Public Radio
En octobre dernier, les forces de l'ordre ont répondu à l'appel d'une femme d'Eden Prairie sur le 911, ce, suite à un cambriolage à son domicile. Son mari, Oukham Oudavanh, 63 ans, a été victime d'une crise cardiaque et est mort sur les lieux tandis que les suspects emportaient 50 000 dollars issus des activités de leurs populaires marchés pour denrées alimentaires situés à Minneapolis et St Paul.
Sachant que le géant de la Silicon Valley détient une mine de données sur l'emplacement des téléphones portables des consommateurs, les enquêteurs ont demandé à un juge du comté de Hennepin de signer un mandat de perquisition ordonnant à Google d'identifier les téléphones portables qui avaient été utilisés près du lieu du crime à Eden Prairie et près de deux marchés pour denrées alimentaires.
L’approche actuelle de la police du Minnesota s’inspire de celles d’autres États comme la Virginie ou
la Caroline du Nord. Par les mêmes moyens, c’est-à-dire, par le biais d’une décision de justice, les forces de l’ordre de ces contrées ont pu obtenir de Google des données de localisation des possesseurs de smartphones. C’est depuis août 2018 que la pratique a pris son envol dans le cas de la Caroline du Nord et, à date, le Minnesota Public Radio dénombre au moins 22 mandats de perquisition de ce type dans le seul cas de cet État.
L’imprécision … l’un des facteurs à problèmes dans le cadre de l’exploitation des données de géolocalisationEn mode GPS assisté, c’est-à-dire, en combinant les données du GPS et celles des tours de téléphonie cellulaire ainsi que celles des points d’accès Wifi, on peut localiser un appareil dans un rayon de 8 mètres. Les malfrats le savent bien et désactivent le GPS la plupart du temps. Même avec le GPS désactivé, des firmes comme Google savent quand même localiser des appareils mobiles, ce, en combinant les data du Wifi et celles des tours de téléphonie ; dans de tels cas le rayon de localisation augmente et tourne autour de 80 mètres.
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le Minnesota Public Radio
L'affaire Brooklyn Park illustre les difficultés auxquelles sont confrontés les juges lorsqu'ils analysent ces types de mandats.
En août dernier, la police en a obtenu un tenter de retrouver un suspect dans une série de cambriolages nocturnes dans un bar, un salon de coiffure et une station-service en mars, tous cambriolés de façon distinctive.
Les fenêtres de géolocalisation étaient assez étroites et d'une durée d'une heure. Un juge a signé le mandat, et Google s'est conformé.
Il y a eu une correspondance, mais elle n’était pas satisfaisante. D'après la police, l'appareil se trouvait près de la station-service, mais pas du bar ou du salon de coiffure. En bref, les données n'étaient pas précises.
"L'on ne devrait pas s'appuyer totalement sur les données de localisation de Google et leur précision à problèmes ", selon une étude réalisée l'an dernier par une équipe de spécialistes des données médico-légales. La recherche a révélé que même si ces dernières permettent habituellement de localiser quelqu'un dans une région, certaines conditions poussent l'entreprise à les surestimer dans 93 % des cas.
Dans le cadre de l'affaire du Brooklyn Park, Google a dit à la police que l'appareil était "dans un rayon de 52 mètres", soit environ 170 pieds, de la station-service.
Avec un rayon aussi large, un juge n'aurait aucun moyen de savoir avec certitude si l'appareil était en la possession du cambrioleur, de quelqu'un qui achetait du carburant ou encore s'il s'agissait simplement du téléphone ou de la tablette du propriétaire de l'entreprise à l'intérieur du lieu sous investigation, ou si c'était le smartphone de quelqu'un qui conduisait simplement sur la route. Pourtant, l'appareil a été repéré à 2 h 29 et 2 h 54 du matin alors que le cambriolage a eu lieu à 2 h 47 du matin.
La portée des zones de recherche … l’autre pan qui fait débatDans le cadre de l’affaire du cambriolage du domicile des possesseurs des supermarchés Shuang Hur, la police a demandé que Google identifie tous les appareils mobiles dans la zone du lieu du crime sur une période de 6 heures. Elle a également requis les données de localisation pour chaque téléphone cellulaire dans les zones urbaines denses entourant lesdits marchés pour denrées alimentaires sur une fenêtre de 33 heures. Une carte permet de juger de la portée de ladite requête.
Les zones couvertes sont larges, mais la police rassure quant à ceci qu’elle reçoit des données anonymisées de Google après une première requête. Ce n’est qu’au terme des recoupements effectués sur la base des jeux de données sous anonymat qu’elle initie la demande d’un second mandat pour obtenir de la firme de Mountain View plus de détails sur l’identité d’un suspect.
L’association américaine des libertés civiles (ACLU) est d’avis que des procédés de ce type sont problématiques. « Des personnes complètement innocentes qui se trouvaient dans une zone pour des raisons légitimes pourraient êtres traitées comme des suspects alors que ça ne devrait pas être le cas », a-t-elle souligné. Les forces de l’ordre soulignent pour leur part que « même si elles venaient à cibler la mauvaise personne, cela ne veut pas dire qu'elle sera condamnée ou arrêtée, cela donne juste au détective un aperçu de qui pourrait être impliqué. »
Source :
Minnesota Public RadioEt vous ? Quel commentaire faites-vous de l’application de telles méthodes dans le cadre d’enquêtes policières ?
Êtes-vous en phase avec les craintes de l’association américaine des libertés civiles ?
Voir aussi : Des chercheurs savent déterminer la localisation d'un possesseur de smartphone Android même lorsque le GPS est désactivé
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