
Sur la base de tout ceci, Jay Corrigan et al. se sont posé la question de savoir à quel point Facebook est précieux pour ses utilisateurs. Dans une récente étude publiée par Public Library of Science (Plos One), un projet américain à but non lucratif de publication scientifique anglophone à accès ouvert fonctionnant sur la base de licences libres, Jay Corrigan, économiste au Kenyon College, et son collaborateur, Matt Rousu de l’Université de Susquehanna, laissent paraître que les utilisateurs du réseau social apprécieraient quand même les services que leur apportent les plateformes de l’entreprise. L’étude s’est faite sur la base d’une série de ventes aux enchères non hypothétiques dans lesquelles les gagnants sont payés pour désactiver leur compte Facebook pendant un an maximum. Les participants à cette vente devaient estimer la valeur de ce qu’ils auraient à perdre en désactivant leurs comptes pendant un an pour être payés pour cela.
Sur les 1258 participants dont parle l’étude, il résulte que la somme moyenne à payer à un utilisateur moyen de Facebook pour qu’il satisfasse à la demande serait d’au moins 1000 dollars US et de surcroît les services Facebook sont gratuits. Pourquoi donc se priver de les utiliser ? A ce propos, Jay Corrigan et al. pensent que ce n’est pas parce que quelque chose ne coûte rien qu’il n’a aucune valeur pour l’utilisateur. L’étude fait ressortir que bien que Facebook ne contribue pas directement au PIB ou au métrique standard des économies sur la production d’un pays, il n’en demeure pas moins que l’entreprise soit la cinquième entreprise la plus rentable au monde avec une capitalisation boursière évaluée à environ 541.56 milliards de dollars en mai dernier.
Le réseau social a redéfini notre façon de communiquer, d'entretenir des relations, d'obtenir des informations, de gérer les impressions de nous-mêmes dans un environnement numérique et de se divertir, témoigne le rapport de cette étude. La mesure de la valeur des produits s’est faite sur la base de ce que les économistes appellent le “surplus du consommateur”. Il s'agit là d'une mesure de la valeur égale à la différence entre le maximum qu'un consommateur serait prêt à payer pour un service et le prix réellement payé pour l'utiliser. Pour arriver à leur fin, ils ont mis au point diverses méthodes qui leur ont permis d'obtenir divers résultats.
« Toutes nos enchères expérimentales utilisent une approche de second prix Vickrey. Lors d'une enchère expérimentale typique, les participants ont proposé d'acheter un bien ou un service. Le plus offrant remporte l'enchère et paie un prix égal à la deuxième enchère. Cette approche est conçue de telle sorte que la meilleure stratégie des participants consiste à exprimer leur réelle volonté de payer, plutôt que de sous-enchérir ou de surenchérir à des fins stratégiques. Chaque offre peut donc être interprétée comme le maximum qu'un participant serait disposé à payer pour un produit, ce qui fournit un moyen d'estimer la demande. Notez qu'il s'agit de véritables ventes aux enchères où les gagnants achètent réellement le produit, contrairement à des expériences ou des enquêtes hypothétiques », indiquent-ils dans le document.
Sur le campus d’un collège d'arts libéraux du Midwest par exemple, il est écrit que 122 utilisateurs de Facebook ont participé à l’étude, par groupes de 10 à 12 participants à la fois. Chacun a reçu 20 dollars pour participer. Les participants sont âgés d’au moins 20,9 ans avec 64,2 % de femmes. Ils ont reçu quelques instructions orales et écrites sur le mécanisme de vente aux enchères, puis ont participé à une vente aux enchères. Le résultat obtenu après cela est exposé comme suit : la moyenne pour désactiver son compte Facebook pendant une heure était de 1,84 $, la moyenne pour un jour était de 6,01 $, la moyenne pour une désactivation pendant trois jours était de 15,73 $ et la moyenne pour une désactivation pendant sept jours était de 38,83 $.
Une deuxième enchère regroupait aussi des étudiants. Pour cette fois-ci, l’'enchère moyenne pour désactiver Facebook pendant un an dans l'échantillon d'étudiants était de 2 076 USD. Dans un autre échantillon d’individus recrutés sur Mechanical Turk (MTurk) d'Amazon, l'offre moyenne était de 1139 $. L’extrapolation à un an a révélé que les étudiants on besoin donc d’au moins 2 076 dollars et les adultes de 1139 dollars pour désactiver un compte Facebook. Les chercheurs estiment que leurs résultats démontrent que les services en ligne peuvent apporter une valeur considérable à la société, même si leur contribution au PIB est minime. Ils soulignent la complexité et les difficultés rencontrées pour mesurer la croissance de la productivité dans le contexte de grands changements technologiques.
Ils ont ajouté que l’étude actuelle n'offre pas de solution pouvant être appliquée à grande échelle pour relever ce défi, mais présente une méthodologie et des résultats qui fournissent des informations importantes sur l'ampleur du problème lorsque l'on considère la révolution en ligne de notre époque. Pour finir, l’équipe de cette recherche rappelle également les polémiques au milieu desquelles Facebook se retrouve mais continue toujours de gagner en popularité et en valeur. Pour eux, cela démontre que les utilisateurs ne peuvent peut-être plus se passer de leurs visites quotidiennes sur les plateformes de l’entreprise.
« Des préoccupations concernant la confidentialité des données, telles que le traitement problématique allégué par Cambridge Analytica des informations personnelles des utilisateurs, qui auraient été utilisées pour influencer l'élection présidentielle de 2016 aux États-Unis, ne font que souligner la valeur que les utilisateurs de Facebook doivent tirer du service. Malgré la parade de publicité négative entourant les révélations de Cambridge Analytica jusqu'à mi-mars 2018, Facebook a compté 70 millions de nouveaux utilisateurs entre fin 2017 et le 31 mars 2018. Cela implique que la valeur que les utilisateurs tirent du réseau social fait plus que compenser les problèmes de confidentialité », ont-ils conclus.
Source : PLOS ONE
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