Pour justifier cette proposition, l'Europe a expliqué que l'’omniprésence de l’internet permet à ses utilisateurs de communiquer, de travailler, de nouer des contacts, de créer, d’obtenir et de partager des informations et du contenu avec des centaines de millions de personnes dans le monde entier. Les plateformes internet contribuent considérablement au bien-être économique et social des utilisateurs au sein de l’Union et à l’extérieur. Toutefois, la capacité d’atteindre ce large public à un coût minime attire également les criminels désireux d'utiliser abusivement l’internet à des fins illicites. « Les attentats terroristes perpétrés récemment sur le territoire de l’Union ont montré comment les terroristes abusent de l’internet pour faire des émules et recruter des sympathisants, pour préparer et faciliter des activités terroristes, pour faire l'apologie de leurs atrocités et pour exhorter d'autres à leur emboîter le pas et à semer la peur parmi le grand public ».
Pour l'Europe, les contenus à caractère terroriste partagés en ligne à de telles fins, qui sont diffusés par des fournisseurs de services d’hébergement qui permettent le chargement de contenus tiers, ont joué un rôle important dans la radicalisation des « loups solitaires » qui, inspirés par ces contenus, ont perpétré plusieurs attentats terroristes récemment en Europe. Et de continuer en disant que « Non seulement ces contenus ont des incidences négatives considérables sur les personnes et la société dans son ensemble, mais ils réduisent également la confiance des utilisateurs dans l’internet et portent préjudice aux modèles commerciaux et à la réputation des entreprises concernées. Non contents d'avoir abusé des grandes plateformes de médias sociaux, les terroristes ont aussi de plus en plus recours à de plus petits fournisseurs proposant différents types de services d’hébergement à l’échelle mondiale. Cette utilisation abusive de l’internet soulève la question de la responsabilité sociétale particulière que doivent assumer les plateformes internet pour protéger leurs utilisateurs contre l’exposition à des contenus à caractère terroriste et les risques graves que ces contenus représentent pour la sécurité de la société dans son ensemble ».
Cinq mois plus tard, le texte de la Commission est prêt. Dans son résumé, il est expliqué entre autres « qu’afin d’assurer la suppression des contenus illicites à caractère terroriste, le règlement introduit une injonction de suppression pouvant être émise en tant que décision administrative ou judiciaire par une autorité compétente d’un État membre. Dans de tels cas, le fournisseur de services d’hébergement est tenu de supprimer les contenus ou d'en bloquer l’accès dans un délai d’une heure. En outre, le règlement harmonise les exigences minimales applicables aux signalements envoyés par les autorités compétentes des États membres et par les organes de l’Union (tels qu’Europol) aux fournisseurs de services d’hébergement pour examen à l'aune de leurs conditions commerciales respectives. Enfin, le règlement impose aux fournisseurs de services d’hébergement, le cas échéant, de prendre des mesures proactives proportionnées au niveau de risque et de supprimer le matériel terroriste de leurs services, y compris en déployant des outils de détection automatisés ».
Mais en septembre, la Quadrature du net, l’organisation française de défense des libertés, a dénoncé un texte qui « banalise la censure policière ou privée » d’internet. L’association basée à Paris alerte sur deux autres dangers : ce règlement aurait pour conséquence de renforcer le monopole des multinationales du numérique (Google, Facebook, Microsoft…), et de mettre en danger l’existence même de services de messageries chiffrés, comme Signal ou ProtonMail.
« Les gouvernements européens se réuniront le 6 décembre pour décider de leur position sur ce texte. Ce règlement instrumentalise la crainte terroriste pour museler tout Internet, mais ne servira à rien d’autre qu’à renforcer Google et Facebook et à remettre en cause la confidentialité de nos communications », prévient la Quadrature du Net. L’association a adressée à l’Elysée une lettre ouverte :
Envoyé par lettre ouverte
Sources : La Quadrature du net, texte de la Commission européenne
Et vous ?
Partagez-vous les craintes de la Quadrature du net ?
Voir aussi :
L'IA représenterait un plus grand risque pour l'humanité que les changements climatiques et le terrorisme, selon un expert
Les USA veulent étendre la collecte d'identifiants de réseaux sociaux pour la demande de visa au-delà des personnes probablement liées au terrorisme
Grande-Bretagne : le gouvernement veut emprisonner toute personne regardant un contenu terroriste pour lutter contre l'extrémisme en ligne
Affaire San Bernardino : le FBI a le droit de garder secret le nom de l'outil, qui a servi à contourner la sécurité de l'iPhone du terroriste
Les musulmans du Xinjang en Chine forcés par le gouvernement à installer l'application Jinwang, un spyware censé détecter des contenus terroristes