L’Australie s’apprête à montrer au monde comment attraper le taureau du chiffrement par les cornes pour l’affaiblir. Le gouvernement de ce pays rend publique la liste des projets de loi que l’assemblée va passer en revue. Au menu : la question de l’introduction de portes dérobées à l’usage exclusif des forces de l’ordre.
Le gouvernement australien entend « procéder à la mise en œuvre de mesures pour remédier à l’impact des communications et des dispositifs chiffrés sur la sécurité nationale et les investigations des forces de l’ordre. » La publication du Cabinet ne laisse rien filtrer de l’approche qui sera adoptée dans le cadre de l’implémentation de ces mesures, mais une récente apparition du ministre en charge de la cybersécurité peut servir de guide sur les intentions de la classe dirigeante australienne. « Nous devons accéder aux réseaux et aux appareils numériques, ainsi qu'aux données en leur sein, ce, lorsqu'il existe des motifs raisonnables de le faire », déclarait-il au mois de juin. En d’autres termes, il s’agit de donner aux forces de l’ordre un moyen d’accéder aux contenus sans casser le chiffrement.
Pour l’atteinte de cet objectif, le gouvernement prévoit de s’entourer des intervenants de la sphère. « Le projet de loi fournit un cadre pour travailler avec le secteur privé afin que les forces de l’ordre puissent s'adapter à l'évolution de la situation de l’environnement en ligne de plus en plus complexe. Il requiert des entreprises locales et étrangères qui fournissent des services à l'Australie qu’elles apportent une assistance plus importante aux agences nationales », lit-on. Si le gouvernement australien venait à aborder le chiffrement sous cet angle il pourrait se heurter à un mur puisque la plupart des observateurs avertis sont d’avis que cette approche est techniquement irréalisable.
Depuis l’affaire San Bernardino aux USA, on assiste à une multiplication des débats à ce sujet. Certains des intervenants de la sphère de la cybersécurité proposent de s’attaquer aux dispositifs uniquement. La manœuvre permettrait aux agences responsables de l’application des lois de rentrer en possession des contenus dont ils ont besoin sans casser le chiffrement. Pour épouser cette idée, le gouvernement australien pourrait demander aux fournisseurs de service de balancer des rootkits aux utilisateurs finaux. Le Département du Premier ministre fixe les débats relatifs aux différentes approches à la période du printemps australien, soit du mois d’août à celui de décembre.
La note d’information du Cabinet atterrit dans un contexte de durcissement de ton du gouvernement australien vis-à-vis du chiffrement. L’Australie souhaite une répression contre les terroristes qui font usage du cyberespace. « Nous ne pouvons pas continuer à permettre aux terroristes et aux extrémistes d'utiliser Internet et les grandes plateformes de médias sociaux et de messagerie – dont la plupart sont hébergés aux États-Unis, je dois dire – pour répandre leur poison », déclarait le procureur général australien en juin. Les cinq pays membres des Five Eyes (États-Unis, Canada, Royaume-Uni, Australie et Nouvelle-Zélande) ont clairement affiché leur position en ce qui concerne la problématique du chiffrement. Ils sont tous d’avis que ce dernier constitue un obstacle pour leurs services de renseignement. Avec la possible adoption de ce projet de loi, l’Australie va prendre une avance de nature à inspirer Américains, Britanniques et Néo-Zélandais. Mais, c’est surtout la vague d’adhésions à l’échelle internationale qu’il faut entrevoir, car de nature à créer une nouvelle ère du numérique sous le signe de l’officialisation de la surveillance.
Source : Site du gouvernement d’Australie
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Que pensez-vous de l’argument de la lutte contre le terrorisme pour justifier la nécessité de l’affaiblissement du chiffrement ?
Comment imaginez-vous le futur ? Tend-on de façon inéluctable à une officialisation de la surveillance en ligne à l’échelle globale ?
Voir aussi :
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L'Australie s'apprête à passer une loi pour l'introduction de portes dérobées au sein des dispositifs chiffrés
Et des réseaux de communication
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Le , par Patrick Ruiz
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