Les autorités égyptiennes seraient en train de préparer de nouveaux sévices contre la liberté d’expression dans un pays déjà classé à la 161e place sur 180 pays du classement 2018 de Reporters Sans Frontières (RSF) sur la liberté de la presse. Les autorités égyptiennes auraient déjà bloqué 500 sites d'informations ou d'ONG, selon l'Association pour la liberté de pensée et d'expression (AFTE).
En effet, le Conseil supérieur de régulation des médias, déjà connu pour ses sévères critiques contre les médias étrangers et les programmes télévisés jugés trop connotés sexuellement, serait en train d’être doté de nouvelles prérogatives inédites. Un projet de loi qui vise les médias, les adeptes des blogs et des réseaux sociaux, à présent en attente d’approbation finale avant promulgation par le président Abdel Fattah al-Sissi, a été approuvé le 10 juin dernier en première lecture.
Si le projet de loi est promulgué, l’organisme d'État sera en mesure de contrôler tout « site personnel, blog personnel ou compte électronique personnel avec un nombre d'abonnés de 5000 ou plus ». Alors que ce sont les seuls moyens dont disposeraient les Égyptiens pour s’exprimer, toutes autres formes de manifestations publiques étant interdites sans autorisation préalable de la police.
Par ailleurs, une loi sur la cybercriminalité, accordant le privilège aux autorités de bloquer un site ou un compte qui menace la sécurité nationale ou encore l'économie du pays, a été adoptée par le parlement égyptien, en début du même mois de juin.
En cas d’adoption, la nouvelle loi en faveur de la lutte contre les « fausses nouvelles » autorisera le Conseil à suspendre ou bloquer les comptes concernés dès lors qu’il constatera des cas de « publication ou diffusion de fausses informations ou incitation à la violence ou à la haine ». La sanction irait jusqu’à des peines d’emprisonnement et d’amende contre les propriétaires et les utilisateurs de ces sites incriminés.
Et ceci au grand regret du directeur de l'unité de recherche à l'AFTE, Mohamed Abdelsalam : « On va commencer à considérer les propos tenus par les citoyens comme des fausses nouvelles », a-t-il dit. « Le problème est que le parquet n'explicite pas la nature de la « fausse nouvelle » dans ses accusations », ajoute Gamal Eid, avocat spécialisé dans la presse et directeur du Réseau arabe d'information sur les droits de l'Homme.
Par ailleurs, les atteintes à la liberté de la presse seraient monnaie courante en Égypte. En effet, les organisations nationales et internationales de défense des droits de l'Homme dénonceraient régulièrement la violation de la liberté d'expression visant les voix dissidentes sous le régime du président Sissi, qui a pris le pouvoir en Égypte par la destitution de son prédécesseur, Mohamed Morsi, en 2013.
Plusieurs arrestations ont eu lieu ces derniers mois visant les dissidents blogueurs, journalistes et internautes accusés « d'appartenir à une organisation terroriste » ou de « diffuser de fausses nouvelles », selon l’AFD. Entre autres dissidents arrêtés, nous avons le célèbre blogueur Waël Abbas, ou encore le satiriste sur YouTube, Chadi Abouzeid.
Face à cette vague d’arrestations, M. Abdelsalam s’indigne : « Chaque citoyen va réfléchir 1000 fois avant de pouvoir écrire un post où il critique l'action du gouvernement ou du régime ». Il en appelle aux dirigeants des principaux réseaux sociaux à prendre position, selon AFD. « Ces entreprises doivent refuser les pratiques du gouvernement égyptien et se placer du côté des droits des citoyens et des organisations de la société civile », estime-t-il.
Par crainte de représailles, les internautes encore en liberté auraient évité de faire tout commentaire.
Selon Khaled al-Balshi, ancien responsable du Syndicat des journalistes, « C'est une tentative de faire taire tous ceux qui essayent encore de parler, jusqu'à étendre cette domination et ce contrôle aux simples utilisateurs de réseaux sociaux ».
Cependant, Ossama Heikal, président de la commission des médias au sein du Parlement, défend le régime en déclarant que « les comptes électroniques atteignent une diffusion plus grande encore que certains journaux ». Il n’a pas manqué de noter que « Nous ne sommes pas le premier pays à aller dans cette direction ».
Source : AFP
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Le , par Stan Adkens
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