Vous avez probablement dû recevoir de nombreux courriels d’entreprises vous demandant par exemple votre consentement pour vous garder dans leur liste de diffusion ou vous invitant à parcourir leurs nouvelles politiques d’utilisation qui se voulait conforme au RGPD.
Il faut dire que la sanction prévue en cas de non respect (20 millions d’euros ou 4 % du chiffre d’affaires) a de quoi impressionner. Raison pour laquelle certaines entreprises, probablement encouragées par des conseils juridiques, ont sauté sur ce qu’elles ont considéré comme étant l’option la plus sûre.
Mais Toni Vitale, le responsable de la réglementation, des données et de l'information au cabinet d'avocats Winckworth Sherwood, estime que nombreuses de ces demandes seraient des formalités administratives inutiles, et que certaines sont même illégales.
« Les entreprises ne sont pas obligées de "reconfigurer” automatiquement ou d'actualiser tous les consentements de la loi de 1998 existants en préparation du RGPD », a-t-il déclaré. « La première question à poser est la suivante : lequel des six motifs juridiques du RGPD devez-vous utiliser pour traiter les données personnelles ? Le consentement est seulement l’un des motifs. Les autres sont le contrat, l'obligation légale, les intérêts vitaux, l'intérêt public et les intérêts légitimes ».
« Même si vous comptez sur le consentement, cela ne signifie pas que vous devez demander à nouveau le consentement. La Raison 171 du RGPD indique clairement que vous pouvez continuer à vous fier à tout consentement existant conformément aux exigences du GDPR, et qu'il n'est pas nécessaire de rechercher un nouveau consentement. Assurez-vous simplement que votre consentement répond à la norme RGPD et que les consentements sont correctement documentés ».
En effet, dans le texte de la Raison 171 du RGPD, il est écrit : « il n'est pas nécessaire que la personne concernée donne à nouveau son consentement si la manière dont le consentement a été donné est conforme aux conditions énoncées dans le présent règlement, de manière à ce que le responsable du traitement puisse poursuivre le traitement après la date d'application du présent règlement ».
En d'autres termes, si l'entreprise a eu le consentement de communiquer avec vous avant RGPD, ce consentement est probablement reconduit. Et même s'il ne l’était pas, il y a cinq autres raisons qu'une entreprise peut citer pour continuer à traiter les données.
De plus, a déclaré Vitale, si l'entreprise n'a pas vraiment le consentement nécessaire pour communiquer avec vous, alors elle n'a probablement pas le consentement, même pour envoyer un courriel, pour vous demander de donner ce consentement.
« Dans de nombreux cas, l'expéditeur va enfreindre un autre règlement, le Règlement sur la protection des renseignements personnels et les communications électroniques, qui interdit d'envoyer un courriel à quelqu'un pour lui demander son consentement afin de lui envoyer des courriels promotionnels ».
Pour guider les entreprises, Steve Wood, le vice-commissaire à l'information, leur a conseillé de se demander si elles ont réellement besoin d’actualiser leur consentement avant de faire parvenir des courriels aux internautes, et surtout de ne pas oublier de mettre en place des mécanismes permettant aux gens de retirer leur consentement facilement."
Comme Vitale, Wood a insisté sur le fait que demander le consentement de faire parvenir des courriels promotionnel à des personnes qui n'avaient pas initialement donné leur accord pour recevoir des courriels pourrait être illégal : « Il est également important de se rappeler que dans certains cas, il peut ne pas être approprié de demander un nouveau consentement si vous ne savez pas comment vous avez collecté les informations de contact, et que le consentement n'aurait pas satisfait à la norme ».
Les réactions sont diverses
Certaines entreprises ont décidé d’arrêter leurs activités en Europe. C’est le cas du site Super Monday Night Combat, une arène multijoueur lancée en 2012 par Uber Entertainment, Unroll.me, le service en ligne de gestion des courriels ou encore Verve, la société qui gère une plateforme marketing mobile alimentée par les données de localisation (elle n’était en Europe que depuis deux ans).
D’autres comme Instapaper, la plateforme lancée en 2008 qui permet de sauvegarder articles et pages web en vue de les consulter ultérieurement, ont annoncé une suspension momentanée de leurs activités. C’est sans doute dans cette catégorie que le service WHOIS, pour lequel l’ICANN a demandé sans succès un moratoire au G29, figure.
Paul Jordan, le directeur général de the International Association of Privacy Professionals, se veut un tantinet rassurant : « Je pense qu'il est tout à fait clair qu'un certain nombre d'entreprises ne seront pas prêtes [pour le RGPD], mais si elles peuvent démontrer qu'elles ont bien tout planifié, [les régulateurs leur donneront] une certaine marge de manœuvre ».
Les entreprises vont probablement observer le premier procès en matière de RGPD avec beaucoup d'intérêt.
Source : The Guardian, Raison 171 (RGPD)
Et vous ?
Partagez-vous l'avis de Paul Jordan qui pense que les entreprises vont bénéficier dans un premier temps d'une certaine marge de manœuvre ?
Quel message cela enverrait-il aux autres ?
S'il fallait établir un Wall of Shame des décisions prises par les entreprises à cause du RGPD, quelle entreprise serait digne d'y figurer selon vous ?
Voir aussi :
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Le , par Stéphane le calme
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