Le sujet de la robotisation est devenu un sujet d’actualité, les avancées majeures en IA et le recours de plus en plus massif des entreprises de l’industrie manufacturière aux robots laissent présager un impact social négatif de ces technologies sur l’emploi, qu’il soit qualifié ou non. En effet, certains chercheurs pensent que l’IA pourrait faire disparaître une grande partie des emplois durant les deux prochaines décennies et accentuer davantage l’inégalité des revenus. D’un autre côté, les plus optimistes évoquent la création d’emplois dans d’autres domaines de sorte qu’au niveau global, les robots créent plus d’emplois qu’ils en détruisent.
Si la robotisation est encore un sujet de débat, les décideurs de banques centrales ont sérieusement discuté la question la semaine dernière. Pour résumer, ces banquiers sont loin d’adhérer à la vision dystopique qui stipule que les robots vont rendre un jour les humains superflus. Lors d’une réunion exclusive à Lisbonne, les grands décideurs de la politique monétaire ont sérieusement discuté le risque que pose l’intelligence artificielle et son potentiel à éliminer les emplois à une grande échelle qui pourrait éclipser les vagues de mutations technologiques antérieures.
« Il ne fait pas de doute que nous sommes dans l’ère où les gens posent des questions, “Est-ce que la Robopocalypse est proche ?” », a dit David Autor, professeur d’économie au Massachusetts Institute of Technology, devant une audience le samedi qui a inclus Mario Draghi, le président de la Banque Centrale européenne, et James Bullard, président de la Federal Reserve Bank of St. Louis, ainsi qu’une douzaine d’autres directeurs de banques centrales et des économistes.
Cette discussion a eu lieu alors que les économistes ont informé être plus optimistes qu’ils l’ont été il y a dix ans concernant le regain de croissance. Mario Draghi a profité de cette occasion pour signaler que la BCE va bientôt supprimer les mesures destinées à baisser les taux d’intérêt et renforcer l’économie.
« Tous les signes montrent désormais une reprise et une amélioration dans la zone euro », a annoncé Mario Draghi. Ses commentaires ont poussé l’euro à son plus haut niveau depuis un an, cependant, il s’est replié plus tard face à un dollar en rebond.
En dépit de cet optimisme, certains craignent qu’un nombre croissant d’emplois puissent être remplacés par des machines dotées d’intelligence artificielle, ce qui veut dire que cette croissance va finalement se passer d’employés.
Les décideurs et les économistes ont admis qu’ils n’ont pas prêté assez attention aux mutations technologiques récentes qui ont affecté négativement les emplois de certaines couches de la population. Ils ont reconnu aussi qu’ils n’ont pas adressé les préoccupations de ceux qui se sont sentis désavantagés. Ce dernier point surtout a nourri le sentiment de populisme politique qui a contribué au Brexit ainsi que l’élection du président Donald Trump.
« D’une manière générale, la croissance économique est une bonne chose », a dit Ben Bernanke, ancien président de la Réserve fédérale. « Mais comme l’ont montré les développements politiques récents, la croissance n’est pas toujours suffisante. »
Dans le passé, les avancées technologiques ont causé des perturbations temporaires, mais elles ont amélioré finalement le standard de vie en créant de nouvelles catégories d’emplois au passage. L’introduction de machines dans les fermes a remplacé les fermiers certes, mais ces derniers ont pu trouver de meilleurs emplois et aujourd’hui, leurs arrière-petits-enfants peuvent travailler dans l’industrie de jeux vidéo.
Mais aujourd’hui, la situation est bien différente, l’intelligence artificielle menace des emplois qu’on pensait jusque-là être sans danger face à l’automation, comme les assistants juridiques, les réviseurs d’entreprises et les gestionnaires de placements. De nombreuses personnes pourraient devenir obsolètes au même titre que les chevaux dans les fermes après l’invention du tracteur.
« On voit de plus en plus d’économistes qui disent que cette fois, la situation est différente », a dit Autor qui a présenté un document sur le sujet qu’il a rédigé avec Anna Salomons, professeur à l’école d’économie de l’Université d’Utrecht aux Pays-Bas.
Les directeurs de banques centrales ont commencé à examiner l’effet de la technologie sur l’emploi parce qu’elle pourrait aider à résoudre plusieurs dilemmes économiques. Pourquoi la part des gains des employés continue de baisser alors que le niveau de chômage est à son niveau le plus bas et les profits des entreprises ont battu tous les records ? Et pourquoi la productivité (rapport de la production de biens ou de services à la quantité de facteurs de production ou intrants) est-elle restée neutre ?
« Le fait que nous organisons cette conférence ici à Sintra reflète notre intérêt pour cette discussion », a dit Benoit Coeurré, un membre du conseil d’administration de la BCE lors d’une interview, en référant au débat sur la « Robocalypse ».
L’un des intérêts de la BCE est de savoir pourquoi la croissance économique accrue n’a pas conduit à une hausse des salaires et des prix. La banque a supprimé toutes les barrières pour stimuler l’économie de la zone euro, en baissant notamment les taux d’intérêt et en augmentant la masse monétaire. Quatre ans de croissance ont contribué à la création de 6,4 millions d’emplois. Cependant, l’inflation reste au-dessous de l’objectif ciblé par la banque.
Parmi les explications avancées, il a été constaté que le travail est de plus en plus réalisé par des ordinateurs avancés, et en même temps, seule une partie des propriétaires de ces technologies concentrent les profits. Malgré ce constat, parmi les économistes présents dans la conférence à Sintra, beaucoup ont été sceptiques à l’idée que la Robocalypse est proche.
Depuis le début de l’âge industriel, presque toutes les innovations technologiques majeures ont conduit à des prédictions alarmantes qui stipulaient que les humains seraient remplacés de façon permanente par les machines.
Il est vrai que certains emplois ont disparu à jamais, mais l’efficience et l’efficacité des nouvelles méthodes de production ont permis de créer des biens bon marché et d’autres industries ont pu absorber l’excès de la main-d’œuvre. Rares sont les personnes qui voudront retourner vivre durant le XIXe siècle quand 40 % de la population travaillait dans des fermes.
« Ceux qui mettent en garde contre la Robocalypse sous-estiment le pouvoir des avancées scientifiques à entrainer d’autres avancées scientifiques », a dit Joel Mokyr, professeur à l’Université de Northwestern qui étudie l’histoire d’économie.
« Pensez ce que les ordinateurs sont en train de faire à notre capacité à découvrir la science », a dit Mokyr lors d’une discussion, il a notamment cité les ordinateurs capables de résoudre des équations qui ont déconcerté les mathématiciens pendant des décennies. Il y a peut-être une rupture que « nous ne pouvons même pas imaginer. »
Il y’a d’autres explications qui montrent pourquoi les salaires n’ont pas augmenté. Les entreprises au Japon, les États-Unis et en Europe préfèrent distribuer les bénéfices aux actionnaires au lieu d’investir dans de nouveaux bâtiments, équipements ou des produits innovants. Pourquoi ils choisissent cette direction est un autre débat à part.
Hal Varian, économiste en chef chez Google (sa technologie de voitures autonomes pourrait rendre un jour le travail des chauffeurs de taxi obsolète) a dit que la chute du coût de la technologie informatique « a éliminé de façon virtuelle les coûts fixes d’entrée au marché. » Les entreprises peuvent louer des solutions logicielles et informatiques sur Internet. D’autres facteurs comme l’entrée des femmes au marché du travail après la Seconde Guerre mondiale et le baby-boom expliquent également la stagnation des salaires.
Les perturbations qui ont découlé des avancées technologiques ont contribué au sentiment de pessimisme qui règne chez la classe moyenne et ouvrière dans tout le monde développé. En conséquence, « les Américains ont élu un président avec une vision dystopique de l’économie en novembre dernier », a dit Bernanke.
Autor a conclu qu’il est encore tôt d’établir que les robots vont remplacer les emplois, mais cela pourrait arriver dans le futur. « Je dis pas de Ropocalypse pour l’instant, » a dit Autor, « peut-être plus tard. »
Source : The Seattle Times
Et vous ?
Pensez-vous qu’à terme les robots et IA vont détruire plus d’emplois qu’ils en créent ?
Voir aussi :
USA : chaque nouveau robot supprime six emplois et réduit les salaires d'après une étude du bureau national de recherche économique
Les employés des pays en développement seront les plus affectés par la robotisation, les deux tiers des emplois sont menacés par les machines
Une entreprise chinoise remplace 90 % des employés d'une usine par des robots et voit sa production augmenter de 250 %
Les décideurs de banques centrales ont sérieusement discuté des effets de l'IA sur l'emploi
Une Robocalypse est-elle à l'horizon ?
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Le , par Coriolan
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