Chaque fois qu’on aborde la question des robots et l’intelligence artificielle, l’un des points les plus débattus est l’impact social de ces technologies, en particulier sur l’emploi, qu’il soit qualifié ou non. Le constat le plus immédiat est que les robots vont entrainer la suppression de nombreux emplois dans certains secteurs d’activités. Les personnes les plus optimistes évoquent par contre la création d’emplois dans d’autres domaines de sorte qu’au niveau global, les robots créent plus d’emplois qu’ils en détruisent.
On sait par exemple que les nouvelles technologies ont permis de créer des emplois pour les développeurs et les analystes de données. C’est également le cas avec les grues utilisées pour soulever les charges lourdes : elles ont permis de créer des emplois pour des ingénieurs quand bien même que des dockers se seraient retrouvés au chômage. Cela veut dire que la perte d’emplois dans un secteur automatisé doit être compensée par la création d’emplois dans d’autres domaines, et c’est ce qui devrait se passer avec l’introduction des robots dans la force de travail.
L’année dernière, une étude réalisée par deux économistes américains respectés dans leur domaine a conforté ce point. Daron Acemoglu (du MIT) et Pascual Restrepo (de Boston University) avaient été optimistes quant à l'effet de l’automatisation sur l’emploi aux États-Unis. Dans leur article publié en mai dernier, ils ont affirmé qu'il est probable qu'une automatisation accrue crée de nouveaux emplois, et de meilleurs emplois, de sorte que l'emploi et les salaires finissent par revenir à leurs niveaux précédents. Cela semblait donc bien beau pour les adeptes de l’automatisation et des robots, mais il y avait un problème : il s’agissait d’une étude un peu trop théorique.
Une nouvelle étude sur le même thème, et des mêmes auteurs, vient d’être publiée. Mais contrairement à celle de l’année dernière, elle a livré des résultats plus pessimistes, après avoir pris en compte les données réelles sur l’emploi et l’automatisation aux États-Unis.
Les chercheurs ont analysé l'effet de l'augmentation de l'utilisation des robots industriels entre 1990 et 2007 sur les marchés du travail locaux américains. « En utilisant un modèle dans lequel les robots concurrencent le travail humain dans la production de différentes tâches, nous montrons que les robots peuvent réduire l'emploi et les salaires », concluent-ils. L’étude révèle en effet que chaque robot supplémentaire réduit l'emploi de 6,2 travailleurs et un nouveau robot pour mille travailleurs réduit les salaires d'environ 0,7 % si l'on considère chacun des marchés locaux américains isolés.
Si l’on prend en compte les échanges entre les différents marchés locaux, à l’échelle nationale, l’impact des robots est un peu plus faible. Cela s’explique par le fait que si des emplois sont perdus dans une zone, il y en a d’autres qui se créent ailleurs. L’impact des robots reste tout de même encore important. On note par exemple qu’à l’échelle nationale, un robot supplémentaire va réduire l'emploi de 5,6 travailleurs et un nouveau robot pour mille travailleurs peut réduire les salaires d'environ 0,5 %.
En utilisant des données réelles pour cette étude, les chercheurs disent avoir été surpris de voir très peu d'augmentation de l'emploi dans d'autres professions pour compenser les pertes d'emplois dans l’industrie manufacturière. Si cette augmentation pouvait encore se produire, ils pensent qu’il y a pour le moment un grand nombre de personnes au chômage ou qui le seront bientôt à cause de l’automatisation. « La conclusion est que même si l'emploi global et les salaires se redressent, il y aura des perdants dans le processus, et il faudra beaucoup de temps pour que ces communautés se rétablissent », a déclaré Daron Acemoglu. « Si vous avez travaillé à Detroit pendant 10 ans, vous n'avez pas les compétences pour aller dans les soins de santé », dit-il. « L'économie de marché ne va pas créer les emplois par elle-même pour ces travailleurs qui supportent le fardeau du changement. »
Acemoglu estime toutefois que ces résultats pourraient se justifier par le fait que nous sommes toujours au début du processus d’automatisation. Il note par exemple qu’il a fallu plusieurs décennies à de nouvelles technologies avant de commencer à créer des emplois et des salaires plus élevés.
Sources : New York Times, Étude publiée en mai 2016, Bureau national US de recherches économiques, Version initiale de la dernière étude (octobre 2016)
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Voir aussi :
La programmation peut-elle être automatisée ? Une analyse du créateur du langage de programmation Leaf
L'automatisation des tâches ou l'automatisation des emplois ? Les robots vont-ils bientôt commencer à mettre l'homme au chômage ?
Une entreprise chinoise remplace 90 % des employés d'une usine par des robots, et voit sa production augmenter de 250 %
USA : chaque nouveau robot supprime six emplois et réduit les salaires
D'après une étude du bureau national de recherche économique
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Le , par Michael Guilloux
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