Le compte Twitter de Donald Trump fait l’objet de suspension définitive suite à des émeutes au Capitole. Liberté d’expression du Président américain sortant mise à mal ? Le réseau social justifie la manœuvre par la nécessité de lutter contre l’incitation à la violence véhiculée par ses publications. Une oligarchie numérique menace-t-elle les démocraties ? L’État de Floride aux USA répond avec un projet de loi qui dresse un listing d’amendes pour les plateformes qui bannissent les politiciens.
Le projet de loi a fait l'objet de proposition en février par le gouverneur Ron DeSantis, un partisan de l'ancien président Trump. Les républicains de Floride insistent pourtant sur le fait que le projet de loi n'a rien à voir avec l'ancien président. Il aurait plutôt pour objectif de défendre la liberté d’expression des résidents de Floride.
La Chambre des représentants de Floride a adopté le projet de loi SB 7072 par 77 voix contre 38. Le Sénat de l'État avait voté quelques jours avant contre cette mesure. La version du Sénat prévoyait des amendes de 10 000 dollars par jour pour l'interdiction d'un candidat politique et de 100 000 dollars si le candidat se présentait aux élections. La version de la Chambre a fait passer les amendes journalières à 25 000 et 250 000 dollars.
La loi ne s'appliquerait pas à l'interdiction temporaire d'un candidat sur les médias sociaux, ni aux cas où une plateforme supprime des messages spécifiques qui violent les conditions d'utilisation de cette plateforme. Cependant, toute interdiction d'accès aux médias sociaux qui dure plus de 60 jours entraînerait une amende et les plateformes devraient mettre à la disposition des utilisateurs tout contenu publié par le candidat avant que son compte ne devienne inactif.
Le projet de loi contient également une exemption très spécifique à la Floride pour tout "service d'information, système, moteur de recherche Internet ou fournisseur de logiciel d'accès exploité par une société qui possède et exploite" un parc à thème ou un grand complexe de divertissement. Un représentant républicain de l'État a déclaré que cette exemption a été incluse pour que le service de streaming Disney Plus soit exempté de la mesure en cours de gestation. Le parc Disney World d'Orlando rapporte d'importantes recettes fiscales à l'État de Floride qui dépend largement de l'argent du tourisme.
Le projet de loi SB 7072 interdit également aux plateformes de médias sociaux de restreindre les entreprises de la filière journalisme. Ces dernières sont classées comme des entités qui font des affaires en Floride et qui ont au moins 100 000 utilisateurs actifs mensuels ou 50 000 abonnés payants. Après l’étape du Sénat, le projet de loi est attendu sur la table du gouverneur de l’État où il devra faire l’objet de signature.
Suite à la suspension du compte Twitter de Donald Trump, le ministre français de de l'Économie et des Finances – Bruno le Maire – s’était positionné : « Ce qui me choque dans la fermeture du compte Twitter de Donald Trump est que ce soit Twitter qui ferme. La régulation des gens du numérique ne peut pas se faire par l'oligarchie numérique elle-même. L'oligarchie digitale est une des menaces qui pèsent sur les États et sur les démocraties. La régulation est nécessaire, mais doit se faire par le peuple souverain, par les États et par la justice. »
Même son de cloche en Allemagne avec la sortie du porte-parole d’Angela Merkel : « La chancelière considère la suspension définitive du compte d’un président en fonction comme problématique. Des droits tels que la liberté d’expression peuvent faire l’objet d’entraves, mais par la loi et dans le cadre défini par le législateur et non sur la décision d’une entreprise. »
La situation mettait en lumière un point de désaccord majeur entre les États-Unis et l'Europe sur la manière de réglementer les plateformes de médias sociaux. L'UE veut donner aux régulateurs plus de pouvoirs pour obliger les plateformes Internet telles que Facebook ou Twitter à supprimer les contenus illégaux. Elle vient d’ailleurs de faire passer une loi controversée qui impose le retrait des contenus dits terroristes en une heure. Aux États-Unis par contre la surveillance des contenus publiés sur leurs plateformes relevait jusqu’ici des fournisseurs de services en ligne. Néanmoins, des mesures politiques visant à restreindre leurs libertés réglementaires soient de plus en plus fréquentes. Plusieurs membres du Congrès travaillent sur des projets de loi qui limiteraient les protections juridiques dont disposent les entreprises de médias sociaux pour être poursuivies en justice pour des contenus tiers publiés sur leurs sites. D'autres font pression en faveur d'un nouveau projet de loi fédérale sur la protection des données, qui pourrait refléter le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) de l’Union européenne.
Les débats en lien aux pouvoirs des réseaux sociaux et à l’interprétation à donner à la liberté d’expression font rage. Les intervenants se regroupent en plusieurs factions dont : celles qui pensent que les réseaux sociaux ne sont ni des services publics, ni bénéficiaires d’un monopole en matière de communication et celles qui pensent que ces plateformes peuvent être considérées comme des services publics si on les considère sous l’angle de leur expansion.
Les réseaux sociaux ont longtemps évité de tels débats en se positionnant en neutres quant au contenu. Mais depuis la prise d'assaut du Capitole, il est devenu de plus en plus évident qu'elles ont un pouvoir et une responsabilité sur le débat public.
Source : Sénat de Floride
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Le , par Patrick Ruiz
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