La police du Capitole a peut-être permis à presque tous les membres d'une foule d'émeutiers pro-Trump d'entrer, de vandaliser et de quitter le bâtiment du Capitole sans être inquiétés, mais les détectives sur Internet et les enquêteurs officiels sont déterminés à les tenir pour responsables. Les forces de l'ordre qui tentent de traquer les insurgés qui ont participé à l’insurrection disposent d'un large éventail d'outils grâce à l'omniprésence des caméras et des médias sociaux. Le FBI et la police métropolitaine (MPD) de Washington, DC ont lancé un appel à l'aide à la foule pour identifier les émeutiers.
Si depuis des années, la police met en garde contre les dangers du travail de détective effectué par la foule, c’est ce que la MPD a exactement décidé de faire. À la suite d'une attaque collective sans précédent contre le Capitole, la MPD a lancé un appel à l'aide à toute personne qui pourrait identifier les participants à l’assaut. Le département a fait circuler une brochure numérique de 27 pages de photos de visages, avec un numéro de téléphone d'urgence pour toute personne pouvant aider à les identifier. Le FBI a fait une demande similaire.
Si les médias ont capturé des milliers de photos et vidéos que les forces de l’ordre peuvent utiliser, ils disposent également de technologies plus avancées pour identifier les participants, à l'instar de ce que plusieurs autres agences ont fait ces derniers mois. En effet, plusieurs services de police, comme ceux de Miami, Philadelphie et New York, se sont tournés vers les plateformes de reconnaissance faciale - dont la très controversée Clearview AI - lors des manifestations de l'été 2020 contre la brutalité policière et en faveur des communautés noires.
À Philadelphie, par exemple, la police a utilisé un logiciel permettant de comparer les images des manifestations avec les photos d'Instagram pour identifier et arrêter un manifestant, selon des médias. En novembre, le Washington Post a rapporté que les enquêteurs de 14 agences locales et fédérales de la région de Washington ont utilisé un puissant système de reconnaissance faciale plus de 12 000 fois depuis 2019.
Une agence gouvernementale n'aurait pas non plus besoin d'images réelles pour retrouver un participant à l’insurrection qui transportait un téléphone portable. Ces dernières années, les forces de l'ordre ont également pris l'habitude d'utiliser des mandats dits de géorepérage pour obliger des sociétés telles que Google à fournir des listes de tous les appareils mobiles apparus dans une certaine zone géographique au cours d'une période donnée. Google a fait état d'une croissance massive de l'utilisation de ces recherches "géofence" par les forces de l'ordre. Selon la société, il y a eu une augmentation de 1500 % entre 2017 et 2018 et un autre bond de 600 % entre 2018 et 2019.
Outre les forces de l'ordre, d'autres groupes auraient également acquis des données de localisation lors de manifestations pour cibler les participants à ces événements. Un groupe d'action politique qui acquiert et utilise de telles données a déclaré au Wall Street Journal en juin dernier que ces informations étaient « profondément effrayantes, mais extrêmement utiles » pour diffuser ultérieurement des publicités ciblées aux personnes se trouvant à proximité d'événements politiques.
La MPD et le FBI n'auront probablement donc pas besoin de chercher plus loin qu'une recherche rapide sur Google pour identifier un grand nombre des leaders de l'insurrection de mercredi, car beaucoup d'entre eux ont utilisé les médias sociaux avant et après l'événement pour, entre autres, marquer leur passage au Capitole. Aucun besoin d'outils de reconnaissance faciale sophistiqués pour identifier les personnes qui diffusent leurs propres crimes.
Une planification publique de l’assaut et des visages familiers facilitent l’enquête de la police
Après que les insurgés ont franchi les barrières entourant le Capitole après que la police a été débordée, et qu'ils ont saccagé le bâtiment du Capitole et ont fait des dizaines de blessés et cinq morts, il y a eu relativement peu d'arrestations, et beaucoup de personnes ont été autorisées à sortir tout simplement. Mais cela va très probablement changer dans les jours et les semaines à venir.
Le 22 décembre dernier, le Washington Post rapportait que les organisateurs qui prévoyaient de se rassembler le 6 janvier discutaient ouvertement des risques de violence ce jour-là sur de multiples plateformes de médias sociaux, dont Parler, Gab et Telegram. Plusieurs autres médias, dont Bloomberg et BuzzFeed, ont également rapporté que les extrémistes qui ont pris d'assaut le Capitole avaient planifié bien à l'avance, non seulement sur des sites marginaux ou explicitement de droite, mais aussi dans des groupes Facebook.
Malgré la rapidité avec laquelle la situation a dégénéré – ce qui a fait ressembler l’accès aux bureaux du Capitole à une opportunité –, ce n'était pas inattendu. Arieh Kovler, consultant en communication et affaires publiques, a souligné en décembre que de nombreux partisans du président allaient assister à une manifestation le 6 janvier – des messages se répandant sur des sites communautaires d’actualités sociales les encourageant à être lourdement armés et à tirer sur les contre-manifestants.
Des visages familiers faciliteront aussi la tâche des enquêteurs, tels que l’émeutier à torse nu avec le casque à cornes et à poils, par exemple. Des médias américains l’ont identifié comme étant Jake Angeli, un homme extrêmement connu de l'Arizona qui a donné de multiples interviews aux médias sur ses opinions pro-Trump. Un autre homme vu près d'Angeli sur plusieurs photos portait son badge de travail lorsqu'il a pénétré par effraction dans le Capitole. Ce dernier aurait été licencié par son employeur suite aux événements, d’après le Baltimore Sun.
Les médias ont facilement identifié plusieurs autres participants, dont Adam Christian Johnson, l'homme de Floride qui a souri et fait signe à la caméra après avoir volé un pupitre du Parlement. Le résident de l'Arkansas Richard Barnett, l'homme qui a posé pour une photo sur le bureau de la présidente de la Chambre Nancy Pelosi aurait donné une interview à la filiale locale de CBS sur sa participation à la mafia. Selon une mise à jour de 5News, Richard Barnett a été arrêté à Gravette en Arkansas.
Derrick Evans, qui a prêté serment à la Chambre des délégués de Virginie occidentale le mois dernier a utilisé Facebook pour marquer sa participation à l'assaut du Capitole en tant qu’émeutier. Selon BuzzFeed News, Evans a crié « les patriotes à l'intérieur, bébé ! » Bien que Derrick Evans ait ensuite supprimé la vidéo, cela ne l'aidera pas. En effet, Facebook et d'autres plateformes font l'objet d'assignations à comparaître et de mandats de perquisition, et des individus et des groupes ont fait de nombreuses copies et sauvegardes pour préserver les preuves. La célèbre personnalité du nationalisme blanc Tim Gionet, également connu sous le nom de Baked Alaska, a également été reconnu sur les réseaux sociaux comme ayant participé à l’émeute.
« Recueillir suffisamment d'informations » pour « examiner qui a mené cette attaque »
Une autre source d’information que les forces de l’ordre utilisent, c’est Bellingcat, un service Web open source de journalisme d'investigation spécialisé dans la vérification des faits et le renseignement. Depuis le début de l'attaque, Bellingcat a recueilli des informations de première main sur l'attaque, un processus qu'il a ouvert aux volontaires sous forme de Google Sheet lorsque l'ampleur de l'attaque est devenue évidente. Il y aurait maintenant plus de 100 vidéos et une douzaine de flux en direct dans le tableur, tous impitoyablement surveillés pour détecter les doublons et les visages identifiables.
« Notre objectif est de recueillir suffisamment d'informations pour comprendre ce qui s'est passé », a expliqué Nick Waters, chercheur à Bellingcat, qui dirige le projet. « Une grande partie de cela consistera à examiner qui a mené cette attaque contre le Capitole. Nous avons déjà vu plusieurs membres notables de l'extrême droite qui y ont participé ».
L'identification est importante non seulement comme une piste potentielle pour la police, mais aussi pour établir un dossier clair de l'attaque. Plusieurs entreprises ont coupé publiquement les liens avec les employés repérés lors du raid, mais elles prennent soin d'éviter de nommer l'employé dans les déclarations publiques, soucieuses de ne pas susciter d'inquiétudes.
Facebook s'est engagé à supprimer activement les vidéos prises par les participants à l’émeute, considérant qu'il s'agit d'une incitation à la violence. Mais cette politique de la plateforme a fait qu'une grande partie du contenu utilisé pour identifier la foule est déjà en train de disparaître, malgré les meilleurs efforts des nombreux archivistes sur les médias sociaux.
Les sociétés de médias sociaux ont été violemment critiquées et accusées d’être responsables de l’émeute du Capitole et d’avoir « du sang sur les mains ». Facebook, Twitch et d’autres réseaux sociaux ont décidé de suspendre le compte du président Trump sur leur plateforme jusqu’à la son départ de la maison. Trump, lui-même, dans une vidéo publiée jeudi sur Twitter, a appelé à la réconciliation et blâmé ses partisans émeutiers, après avoir la veille dit à ces derniers « Nous vous aimons ; vous êtes très spéciaux ».
Le FBI travaille à maîtriser la situation. « Je tiens à assurer au peuple américain que le FBI a déployé toutes ses ressources d'enquête et travaille en étroite collaboration avec ses partenaires fédéraux, étatiques et locaux pour poursuivre avec détermination les personnes impliquées dans des activités criminelles lors des événements du 6 janvier. Nos agents et analystes ont travaillé dur toute la nuit pour rassembler des preuves, partager des renseignements et travailler avec les procureurs fédéraux pour porter des accusations ».
Un commentateur a écrit : « Je suis généralement opposé aux mandats de "géofence", car ils semblent être un moyen d'entraîner une population presque entièrement innocente dans une enquête, mais dans ce cas, je pense qu'un tel mandat serait approprié. Je ne pense pas que le fait de jeter un coup d'œil rapide sur tous ceux qui se trouvaient sur le sol du Capitole pendant l'insurrection soit une approche excessive ». Et vous, qu’en pensez-vous ?
Sources : FBI (1 & 2), MPD, Google Sheet, Images des insurgés
Et vous ?
Qu’en pensez-vous ?
Trouvez-vous approprié que la police utilise des mandats de géofence et la reconnaisse faciale dans cette enquête, étant donné l’importance de la situation ?
Que pensez-vous de l’émeutier qui a posé au Capitole avec son badge de travail ?
Voir aussi :
Twitter verrouille le compte du président Trump pendant 12 heures et l'avertit d'une suspension permanente, Facebook retire ses publications incriminées et déclare une « situation d'urgence »
Le président Trump suspendu « indéfiniment » sur Facebook et Instagram, du moins jusqu'à la fin de son mandat, Twitch, le service de streaming vidéo en direct, fait de même
IA : une application aide les forces de l'ordre à identifier toute personne à partir de ses images en ligne, le système utilise une base de 3 milliards d'images récupérées sur Internet
Des agents de la police de New York utilisent l'application de reconnaissance faciale de Clearview AI, Twitter a demandé à la société de cesser d'utiliser des photos de son site, d'après un rapport
La présence des insurgés du Capitole sur les médias sociaux permet au gouvernement fédéral de les identifier facilement,
Alors que la police locale et le FBI recherchent des informations sur eux
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Le , par Stan Adkens
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