Il n'existe plus de doutes sur le fait que la police considère de plus en plus les smartphones comme un trésor de preuves dans la résolution de leurs enquêtes. Les éléments allant dans se sens se multiplient.
Le cas d’un incendie criminel
La police a généralement besoin d'un mandat sur un suspect connu pour exiger des informations sensibles telles que les antécédents de recherche sur Internet de l’intéressé. Mais un document judiciaire récemment rendu public a révélé que les enquêteurs peuvent avoir accès à de telles données dans l'ordre inverse. Ceci en demandant à Google de leur communiquer l’identité toutes les personnes ayant effectué une recherche sur un mot-clé plutôt que d'obtenir des informations sur un suspect connu.
En août, la police a arrêté Michael Williams, un associé du chanteur et accusé de délinquance sexuelle R. Kelly, pour avoir prétendument mis le feu à la voiture d'un témoin en Floride. Les enquêteurs ont établi un lien entre Williams et l'incendie criminel, ainsi que la falsification de témoins, après avoir envoyé un mandat de recherche à Google qui demandait des informations sur « les utilisateurs qui avaient cherché l'adresse de la résidence proche de l'incendie criminel ».
Le mandat original envoyé à Google est toujours scellé, mais le rapport fournit un autre exemple d'une tendance croissante des demandes de données au géant des moteurs de recherche, dans lequel les enquêteurs demandent des données sur un grand groupe d'utilisateurs plutôt qu'une demande spécifique sur un seul suspect.
« Ce "mandat de mot-clés" échappe aux contrôles du quatrième amendement sur la surveillance policière. Lorsqu'un tribunal autorise la récupération des données de chaque personne ayant effectué une recherche sur un terme ou une adresse spécifique, c'est probablement inconstitutionnel », a déclaré Albert Fox Cahn, le directeur exécutif du projet de surveillance technologique.
Les mandats par mot-clé sont similaires aux mandats de géorepérage, dans lesquels la police demande à Google des données sur tous les appareils connectés à une zone et à un moment précis. Le géorepérage est une fonction d'un logiciel de géolocalisation qui permet de surveiller à distance la position et le déplacement d'un objet et de prendre des mesures si la position ou le déplacement s'écarte de certaines valeurs fixées d'avance.
Qu'en pensent les utilisateurs ?
À ce propos, plusieurs sondages ont été lancés. L'un d'eux, le Harry Poll, a été l'initiative de Harris Insights and Analytics, une multinationale d'études de marché et de conseil basée à Chicago et à New York. Il a révélé que les Américains étaient très préoccupés par le suivi par le gouvernement de leur localisation via leurs appareils numériques, une écrasante majorité affirmant qu'un mandat devrait être requis pour obtenir de telles données.
Les Américains s'opposent tellement au suivi gouvernemental de leurs activités par le biais de téléphones portables qu’un quart des répondants au sondage ont affirmé qu'ils changeront de comportement pour éviter la surveillance. Pour être plus précis, quarante pour cent des répondants ont déclaré qu'ils bloqueraient ce suivi sur leurs téléphones avec un logiciel, tandis que 26 % ont déclaré qu'ils changeraient leurs habitudes et leurs routines pour être moins prévisibles. 23 % ont déclaré qu'ils laisseraient davantage leur téléphone à la maison, tandis que 32 % ont déclaré qu'ils ne feraient rien de différent. Notons que des individus peuvent se retrouver dans plusieurs cas (par exemple un mobinaute peut déclarer qu’il va utiliser un logiciel pour bloquer le pistage et qu’il va changer ses habitudes et routines pour être moins prévisible).
Selon le sondage, 55 % des adultes américains craignent que les agences gouvernementales les suivent grâce aux données de localisation générées à partir de leurs téléphones portables et autres appareils numériques. Le sondage a également révélé que 77 % des Américains estiment que le gouvernement devrait obtenir un mandat pour acheter le type d'informations de localisation détaillées qui sont fréquemment achetées et vendues sur le marché commercial par des courtiers en données.
Le Wall Street Journal a rapporté que plusieurs organismes américains d'application de la loi achetaient des données de géolocalisation à des courtiers à des fins d'application du droit pénal et de sécurité aux frontières sans aucune surveillance judiciaire.
Les agences fédérales ont conclu qu'elles n'avaient pas besoin de mandat, car les données de localisation sont disponibles à l'achat sur le marché libre. La Cour suprême des États-Unis a statué en 2018 qu'un mandat est nécessaire pour obliger les opérateurs de téléphonie mobile à transmettre les données de localisation aux forces de l'ordre, mais elle n'a pas examiné si les consommateurs ont des attentes en matière de confidentialité ou de procédure régulière concernant les données générées par les applications plutôt que par les opérateurs.
Les applications de téléphonie mobile modernes telles que les prévisions météorologiques, les cartes, les jeux et les réseaux sociaux demandent souvent aux consommateurs la permission d'enregistrer la position du téléphone. Ces données sont ensuite empaquetées et revendues par des courtiers. Les ordinateurs, les tablettes, les voitures, les technologies de fitness portables et de nombreux autres appareils connectés à Internet peuvent également générer des informations de localisation collectées par les entreprises.
L'achat et la vente de données de localisation tirées de la technologie moderne sont devenus une activité de plusieurs milliards de dollars - fréquemment utilisée par les entreprises pour la publicité ciblée, le marketing personnalisé et le profilage comportemental. Les entreprises de Wall Street, les promoteurs immobiliers et de nombreuses autres sociétés utilisent ces informations pour guider les décisions sur les investissements, les développements et la planification.
Les forces de l'ordre, les agences de renseignement, l'Internal Revenue Service (le service des impôts) et l'armée américaine ont également commencé à acheter dans le même pool de données pour l'espionnage, le renseignement, l'application de la loi pénale et la sécurité des frontières. Le Wall Street Journal a rapporté plus tôt cette année que plusieurs agences du Department of Homeland Security (ministère de la Sécurité intérieure) achetaient les données de localisation des téléphones portables sur les Américains par l'intermédiaire d'un courtier spécialisé.
L'enquête a également posé des questions concernant les points de vue sur la confidentialité de l'emplacement en général. Une majorité de personnes interrogées n’est pas d’accord avec l’affirmation: « Les seules personnes soucieuses de préserver la confidentialité de leurs données de localisation sont celles qui ont quelque chose à cacher ». Le sondage a révélé que 60% des Américains étaient plutôt ou fortement en désaccord avec cette affirmation, tandis que 39% étaient tout à fait ou plutôt d'accord.
Les Américains plus âgés étaient moins préoccupés par la surveillance gouvernementale que les jeunes Américains. Parmi les personnes interrogées entre 18 et 34 ans, 65 % ont déclaré s'inquiéter du suivi de l'emplacement du gouvernement. Pour les répondants de 65 ans et plus, seuls 39 % étaient concernés.
Les Américains non blancs étaient plus susceptibles de s'inquiéter que les Américains blancs de la surveillance des données de localisation par les agences gouvernementales. Le sondage a révélé que 65 % des répondants noirs, 65 % des répondants hispaniques et 54 % des Américains d'origine asiatique interrogés se sont dits assez ou très inquiets, contre 51 % des répondants blancs.
Le Harris Pool a été fait en ligne (coronavirus oblige) entre le 19 novembre et le 21 novembre et 2000 adultes américains ont été interrogés. Harris ne fournit pas de marge d'erreur en raison de sa méthodologie et de sa pondération en ligne. Selon des analystes, un sondage de cette taille d'échantillon comporte généralement une marge d'erreur d'environ plus ou moins 3 %.
Source : Harris Poll
Et vous ?
Ce sondage pourrait-il se refléter à d'autres pays comme la France ? Dans quelle mesure ?
Êtes-vous pour ou contre le suivi des téléphones portables par le gouvernement pour résoudre une enquête criminelle, par le service des impôts, par l'armée ?
Les services publics comme les forces de l'ordre devraient-ils d'abord obtenir un mandat avant de procéder à l'achat des données de localisation qui sont mises en vente par les courtiers de données ? Dans quelle mesure ?
Faites-vous partie de ceux qui ont décidé de changer leurs habitudes sur leurs téléphones pour éviter qu'on puisse dresser une quelconque routine ? De ceux qui laissent parfois leurs téléphones à la maison ? De ceux qui utilisent une application pour bloquer le pistage de leurs données ? De ceux qui ne font rien de tout ça et utilisent leurs téléphones comme à l'accoutumée ?
Voir aussi :
La police américaine utilise les données de localisation de Google provenant de centaines de millions de téléphones pour traquer les criminels
Comment la police sait-elle que vous étiez non loin d'une scène de crime ? C'est simple, Google le lui dit
Google fournit des données à la police sur la base de mot-clés de recherche, des dossiers judiciaires dans une affaire d'incendie criminel le prouvent
La plupart des utilisateurs s'opposent à ce que le gouvernement suive leurs activités par le biais des téléphones portables
Selon un sondage de la multinationale d'études de marché Harris Insights
La plupart des utilisateurs s'opposent à ce que le gouvernement suive leurs activités par le biais des téléphones portables
Selon un sondage de la multinationale d'études de marché Harris Insights
Le , par Stéphane le calme
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