À Singapour par exemple, les personnes susceptibles d'avoir fait l’objet d’exposition au nouveau coronavirus (en particulier celles qui revenaient de l'étranger) ont été soumises à des périodes d'isolement à domicile de 14 jours. Les patients confirmés pour leur part ont été hospitalisés. Le contrôle du respect des périodes d’isolement prescrites par les autorités s’est fait en demandant aux citoyens d'activer les services de géolocalisation sur leurs smartphones et de cliquer de façon périodique sur un lien envoyé par SMS. Ce lien signalait leur position, confirmant qu'ils restaient effectivement chez eux. Ces derniers devaient répondre aux messages dans un court laps de temps pour empêcher que des tiers ne trichent en laissant leurs téléphones pendant qu’ils s’aventurent à l’extérieur. En sus, les autorités ont procédé à des descentes sur le terrain pour confirmer la localisation des personnes placées en quarantaine.
En Chine, on a pu voir des scanners thermiques à l’œuvre pour identifier des personnes atteintes de fièvre. En Russie, le gouvernement a déployé des systèmes de reconnaissance faciale pour le repérage d’individus en marge des règles édictées pour la quarantaine. Grosso modo, la manœuvre vise à surveiller et à limiter les mouvements des voyageurs et des personnes soupçonnées d’être porteuses du coronavirus. C’est des outils qui se sont révélés essentiels pour contrôler la pandémie. C’est en tout cas ce que suggère l’exemple de pays comme Singapour. L’application de ces mesures de suivi combinées à d’autres recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) permettent aujourd’hui au pays de 5,7 millions d’habitants d’être parmi ceux qui contrôlent le mieux la propagation de l’infection. À date, Singapour a l’un des taux d’infection les plus lents. S’il faut reconnaître qu’il y a des résultats, Edward Snowden souligne que cela ne vient pas sans le revers de la médaille.
Dans une récente interview, le lanceur d’alerte américain reconnaît que la menace que le coronavirus présente est tellement importante que le seul moyen de s’en débarrasser est de mettre ces moyens à contribution. Toutefois, l’ancien collaborateur de la CIA prévient contre ceci qu’une fois cet arsenal sorti du tiroir, il sera difficile (pour les gouvernements) de l’y remettre.
« Lorsque nous voyons des mesures d'urgence adoptées, en particulier aujourd'hui, elles ont tendance à être contraignantes. Ce qui se passe en général est que l'urgence a tendance à s'étirer dans le temps. Conséquence : les autorités commencent à se sentir à l'aise avec un nouvel instrument de pouvoir. Puis, arrive le moment où l'urgence initiale passe : le coronavirus a disparu, le terrorisme n'est plus un problème majeur, etc. C'est alors que les gouvernements commencent à trouver de nouvelles applications, de nouvelles utilisations pour cet instrument de pouvoir. Ils se mettent alors à réfléchir à des moyens de ne pas l'abandonner, d'en faire un outil permanent, ce, même s'il faut voter des lois. On a vu ce genre de choses se produire dans plusieurs pays. Ce n'est pas l’apanage d'un en particulier », déclare-t-il.
Le cas des USA après les attentats du 11 septembre 2001 illustre le propos du lanceur d’alerte. En juillet 2005, un vote à l’unanimité du Sénat est venu rendre permanentes la quasi-totalité des principales dispositions du texte de loi américain dénommé Patriot Act ; un coup dur pour les défenseurs des libertés civiles quand on sait que la loi votée par le Congrès US en 2001 faisait déjà l’objet de critiques pour son côté hautement intrusif pour la vie privée des Américains. Toutefois, pour de nombreux opposants à la loi, ainsi que de nombreux partisans, c’était un compromis acceptable après des mois de débats passionnés sur l'étendue de l'autorité du gouvernement pour traquer et écouter les suspects de terrorisme.
Avec le coronavirus, l’humanité fait face à un dilemme. Elle a une terrifiante urgence sur les bras. Il existe des technologies qui pourraient être vraiment utiles pour mesurer en temps réel l'efficacité (ou non) des politiques publiques. Mais elles sont si intrusives qu'en temps normal, leur adoption se heurterait au mur du refus de la masse. Toutefois, les temps actuels ne sont pas normaux, ce qui fait que pistages de smartphones et autres reconnaissance faciale vont devoir continuer d’être mis à contribution, ce, pour la durée de la période de crise. C’est l’après qu’il faudra ensuite envisager et à ce propos, Snowden se veut clair : « les mesures de surveillance high-tech contre le Covid-19, en principe temporaires, ont de fortes chances de devenir permanentes. » En fait, le lanceur d'alerte américain craint que l'on aille (à l'échelle globale) vers le modèle de surveillance chinois.
Et vous ?
Êtes-vous en accord avec l’idée selon laquelle les situations de crise sont d’excellents moyens pour les gouvernements de voler chaque fois un peu plus des libertés au peuple ?
Pensez-vous aussi que les mesures en cours finiront par devenir permanentes ? Pourquoi ?
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