Depuis quelques années, la police se tourne de plus en plus vers Google ainsi que les entreprises technologiques agrégeant les données des utilisateurs afin d’analyser ces données dans l’espoir de trouver des informations susceptibles de les faire avancer dans leurs enquêtes. Entre 2017 et 2018, les demandes de la police auprès de Google auraient crû de 1500 %. Et entre 2018 et 2019, ces demandes auraient augmenté de 500 %, selon les informations fournies par Google l’an dernier. Pour obtenir ces données, notamment auprès de Google, les forces de l’ordre utilisent généralement un « ;mandat de clôture géographique ;» afin d’obliger l’entreprise à fournir les données de localisation enregistrées par ses services — comme celles liées au GPS des utilisateurs, au Bluetooth, aux connexions Wifi et cellulaires —, et ce, pour toutes les personnes qui se sont retrouvées dans le périmètre de la scène de crime.
Dans le cambriolage survenu le 29 mars 2019, après que Google a envoyé le premier lot de données qui étaient anonymisées, la police a porté son attention sur les données de Zachary McCoy, un cycliste passionné âgé de 30 ans. Afin d’approfondir ses recherches, la police a fait une seconde requête à Google pour avoir plus d’informations sur le suspect. Si les premières données fournies à la police ont attiré leur attention, c’est parce que ce 29 mars 2019, McCoy a parcouru à vélo trois fois dans la journée la rue jouxtant la maison de la victime afin de faire des boucles dans son quartier. Nous précisons que McCoy habite à moins de 1,6 km de la victime.
Lorsque la police a demandé des informations plus poussées sur les données correspondant à celles de McCoy, l’équipe d’assistance aux enquêtes juridiques de Google a envoyé un avis à McCoy le 14 janvier dernier pour lui faire savoir que la police locale avait demandé des informations relatives à son compte Google. L’entreprise a déclaré qu’elle divulguerait les données à moins qu’il ne se présente devant le tribunal et ne tente de les bloquer dans un délai de sept jours. Ne sachant pas de quoi il s’agissait, McCoy a utilisé le numéro de dossier inscrit dans le courrier électronique de Google pour effectuer des recherches sur le site web de la police. Il a trouvé un rapport d’enquête d’une page sur le cambriolage du domicile d’une femme survenu 10 mois plus tôt.
Même s’il se savait innocent, McCoy fut saisi d’une grande peur lorsqu’il sut qu’il était associé à une affaire de cambriolage. Son premier réflexe fut donc d’aller se réfugier chez ses parents qui ont accepté de le soutenir en lui donnant les moyens pour se prendre un avocat. Après avoir engagé Caleb Kenyon, l’avocat a effectué des recherches et su que l’avis avait été envoyé par Google à la suite d’un « ;mandat de clôture géographique ;» déposé par police. Toujours inquiet, McCoy examina l’application Runkeeper (application qui permet à McCoy de suivre le nombre de kilomètres parcourus à vélo) et réalisa que sa balade à vélo l’a conduit près de la maison de la victime à trois fois en une heure le jour du cambriolage. Il conclut donc que vu que l’application s’appuie sur les services de géolocalisation de Google, ce sont ces données que la police a souhaité analyser plus en détail après avoir effectué la seconde requête auprès de Google.
McCoy avec son vélo
Le 31 janvier dernier, Kenyon a déposé une requête auprès du tribunal civil du comté d’Alachua afin de rendre le mandat de la police « ;nul et non avenu ;» et de bloquer la divulgation de toute autre information sur McCoy. Kenyon a soutenu que le mandat était inconstitutionnel, car il permettait à la police d’effectuer des recherches approfondies sur les données téléphoniques d’un nombre incalculable de personnes afin de trouver un seul suspect. Google qui n’avait pas envoyé le second lot de données n’a finalement pas répondu favorablement à la requête de la police.
Une affaire qui relance à nouveau le débat sur l’accès aux données des utilisateurs par les forces de l’ordre
Cette affaire qui ressemble à un scénario de film d’Hollywood vient à nouveau relancer le débat sur les données privées collectées par les entreprises et l’accès à ces données par la police. Après le dénouement de cette affaire, McCoy déclare qu’il avait écouté un débat radio sur le combat du ministère de la Justice contre Apple pour l’accès à un iPhone laissé par un ressortissant saoudien qui avait abattu plusieurs personnes dans une base aérienne de Pensacola en Floride. Il s’est souvenu que certains appelants avaient déclaré qu’ils n’avaient aucun problème avec les forces de l’ordre ayant accès aux données de leur téléphone, affirmant que les gens n’avaient rien à craindre tant qu’ils ne violaient pas la loi. Maintenant, McCoy pense que les appelants n’avaient pas pris en compte des situations difficiles comme la sienne. « ;Si vous êtes innocent, cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas être au mauvais endroit au mauvais moment, comme faire une balade à vélo dans laquelle votre GPS vous met dans une position où la police vous soupçonne d’un crime que vous n’avez pas commis ;».
Pour les protecteurs de la vie privée, ce mandat de clôture géographique utilisée par la police irait à l’encontre du quatrième amendement qui protège les Américains contre les fouilles abusives. Pour certains, cela revient à fouiller chaque maison dans le voisinage d’un cambriolage signalé, ou de fouiller les sacs de chaque personne marchant le long de Broadway à cause d’un vol à Times Square. « ;Sans le nom ou le numéro d’un seul suspect, et sans jamais démontrer la moindre probabilité que Google ait même des données liées à un crime, les forces de l’ordre envahissent la vie privée de dizaines, de centaines ou de milliers de personnes, simplement parce qu’elles se trouvaient dans la région ;», déclare un autre avocat défendant les droits d’une personne dans un procès lié à l’utilisation du mandat de barrière géographique.
Mais pour les forces de l’ordre, ces mandats ne violent aucunement les protections constitutionnelles contre les fouilles abusives. Elles déclarent que la police n’obtient aucune information permettant d’identifier un utilisateur de Google tant qu’elle n’a pas trouvé d’appareil qui éveille ses soupçons. Et les informations seules ne suffisent pas à justifier l’inculpation d’une personne pour un crime. Kevin Armbruster, un lieutenant à la retraite du département de police de Milwaukee, déclare pour sa part que « ;c’est un excellent outil et une excellente technologie ;». Il ajoute que la police de Milwaukee a utilisé les mandats de position géographique auprès de Google pour résoudre une série de crimes, notamment des homicides, des fusillades, une série de vols et d’enlèvements et une agression sexuelle impliquant un enlèvement. « ;Je pense que la majorité des citoyens du monde aimerait le fait que nous mettions des délinquants violents en prison ;», a déclaré Armbruster. Mais devrait-on le faire même si cela met à mal la protection de la vie privée des individus ;?
Source : CNBC
Et vous ?
Quels commentaires faites-vous de l’expérience qu'a vécue McCoy ;?
Quel sentiment vous procurent ces données collectées par Google et qui peuvent être utilisées dans des enquêtes policières ;? Allez-vous continuer à utiliser les services de Google ;?
Selon vous, la police devrait-elle avoir accès aux données des utilisateurs pour résoudre les enquêtes même si cela va à l’encontre de la protection de la vie privée ;?
Ou pensez-vous que le motif de la résolution d’une enquête ne saurait supplanter les lois sur la protection des données confidentielles des utilisateurs ;?
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