
C’est cette remarque qui a incité le gouvernement à agir : « Le Gouvernement est déterminé à mener le combat contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet. Il ne peut, en effet, accepter le déferlement de haine constaté aujourd’hui sur les réseaux sociaux. Les propos ou les messages qui constituent des infractions pénales doivent être retirés sans délai, et ceux qui les émettent ou les diffusent en France doivent voir leur responsabilité civile et pénale engagée », a assuré le Premier ministre.
Aussi, le 7 mars 2018, le Président de la République a confié à Karim Amellal, écrivain et enseignant à Sciences-Po Paris, Laetita Avia, députée LREM, et Gil Taiëb, vice-Président du Crif, une mission sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme sur Internet.
Après une année de concertations, la députée LREM Laetitia Avia a remis sa proposition de loi de lutte contre la cyberhaine à son groupe politique. Annoncé le 20 février devant le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) par Emmanuel Macron, le texte a été examiné au mois de mai à l'Assemblée.
La proposition de loi vise les structures ayant un nombre d'utilisateurs mensuels supérieur à un certain seuil, qui sera fixé par décret, et l’élue plaide pour 2 millions d’utilisateurs. Ensuite, pour faciliter les signalements, la proposition de la députée LREM prévoit d'harmoniser les procédures. Elle propose la création d'un bouton unique, commun à toutes les plateformes, « qui pourra être enseigné à l'école et au collège dans les sessions d'éducation au numérique », a-t-elle précisé la semaine précédente.
La proposition de loi imaginée par Lætitia Avia s’appuie sur différentes mesures pour contraindre les grandes plateformes (YouTube, Facebook, etc., qualifiés par le texte d’«accélérateurs de contenus») à retirer les contenus problématiques en ligne et punir plus sévèrement leurs auteurs. Au cœur du dispositif imaginé par la députée, une obligation pour les entreprises du Web à retirer sous 24 heures les propos, images ou vidéos «manifestement haineux», après notification d’un ou plusieurs utilisateurs, sous peine de 250.000 euros d’amende pour une personne physique et 1,2 million d’euros pour une personne morale. Le CSA pourra également infliger une sanction pécuniaire allant jusqu’à 4% du chiffre d’affaires annuel mondial d’une société qui n’a pas mis en place les moyens suffisant pour modérer la haine en ligne. Le texte veut également fluidifier le signalement des contenus problématiques, à l’aide d’un bouton unique pour toutes les plateformes, et faciliter le blocage de sites illicites.
En plus de la peine d’interdiction temporaire d’utilisation des réseaux sociaux, la députée va mettre l’accent sur l’instauration d’un parquet spécialisé sur le numérique. A ce propos, l’auteure de la proposition de loi contre la haine sur Internet a déclaré : « Nous allons mettre en place un parquet spécialisé numérique ». Selon la députée Avia, l'objectif est de « déployer des moyens humains, techniques et budgétaires » dans une structure « maîtrisant les spécificités de la sphère numérique », face au trop grand nombre d'enquêtes qui n’aboutissent pas. Elle a également précisé : « Il ne faut pas seulement responsabiliser les plateformes du Web, mais aussi les pouvoirs publics à travers la justice ».
Déjà quelques amendements qui viennent élargir le champ d’applications de la proposition de loi
Ce mercredi 3 juillet, l’examen au Parlement de la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur Internet. Mais la liste des contenus à retirer en 24 heures n’a de cesse de s’allonger. Parmi les amendements apportés, nous pouvons citer
L’agribashing
L’amendement 131 vise à inclure dans le périmètre de la présente proposition de loi de loi la lutte contre « l’agribashing », la stigmatisation des activités agricoles, d’élevage ou de vente de produits issus de l’agriculture et de l’élevage et l’incitation à des actes d’intrusion et/ou de violence vis à vis des professionnels de l’agriculture, de l’élevage et de la vente de produits de ces filières.
Les professionnels de l’agriculture ne cessent d’alerter les pouvoirs publics et les parlementaires sur la recrudescence d’actes de malveillance envers les agriculteurs.
« Ce développement de “l’agribashing” et de ses dérives n’est d’ailleurs pas nié par les pouvoir publics puisqu’à la suite l’agression physique d’un agriculteur en train de traiter ses cultures en mars 2019 dans l’Ain, le Ministre de l’agriculture « inquiet » des agressions qui se multiplient à l’encontre des agriculteurs a annoncé au mois d’avril 2019 le lancement d’un « observatoire contre l’agribashing », testé dans un premier temps dans la Drôme.
« L’incitation par internet à commettre ces actes et à discréditer notre modèle agricole et notre modèle d’élevage français ne doit pas rester impunie ».
Le cyberharcèlement
« En plus des infractions visées, il y a lieu d’intégrer le harcèlement moral, notamment quant il se produit sur Internet. L’article 222‑33‑2-2 du code pénal punit le harcèlement entre mineurs qu’il se produise à l’école ou sur Internet à travers le cyber-harcèlement qui représente un véritable fléau ».
Le revenge porn
Le revenge porn est le fait de diffuser sur internet et les réseaux sociaux, des photos intimes et/ou à caractère sexuel obtenues dans le cadre de relations intimes. La diffusion de ces photos est le plus souvent liée à une volonté de chantage, d’humiliation ou de nuire à la suite d’une rupture.
Dans de très nombreux cas ce sont des adolescentes qui sont victimes avec un impact destructeur qui peut les conduire jusqu’au suicide.
« C’est pourquoi il est nécessaire d’insérer l’article 226‑2-1 du code pénal dans les infractions qui justifient d’exiger une réaction des opérateurs de plateforme en ligne dans un délai de 24 heures ».
Le harcèlement moral, sexuel ou scolaire
« En effet, le cyber-harcèlement est un fléau pour notre société et ces violences doivent retenir notre plus vive attention. Chez les 18 à 24 ans, c’est un jeune sur cinq qui déclare avoir déjà été victime de ce type de violence ! Toutes tranches d’âge confondues, cette proportion s’élève à 8 % des Français.
« Laisser le harcèlement en dehors du champ d’application de la proposition de loi qui nous est soumise reviendrait donc à ignorer l’un des dangers majeurs qui sévit sur internet.
« Le cas du harcèlement scolaire est tout particulièrement éloquent : internet, les réseaux sociaux en particulier, ne sont que le prolongement de l’établissement scolaire et de ses périphéries où les élèves en souffrance sont exposés au propos et comportements déplacés de leurs camarades.
« Il est ainsi primordial d’intégrer les faits de harcèlement, de tous types, dans le spectre de la proposition de loi ».
Les discours visant les états de santé, la dépendance et les caractéristiques génétiques
« Cet amendement a pour but d’inclure dans l’ensemble des discriminations retenues les états de santé, la dépendance et les caractéristiques génétiques, jusqu’à présent ignorés par cette proposition de loi. Le texte de référence en la matière est l’article 225‑1 du code pénal. Ce dernier a donc lui aussi été intégré au texte par cet amendement. Cependant, le présent amendement a également pour but de soulever un point de débat. En effet, l’ensemble des discriminations relevées par cet article est bien trop vaste, et leur cadre dépasse largement celui de la haine sur internet. C’est pourquoi, afin de ne pas entraver la liberté d’expression sur internet, une précision des discriminations retenues dans cet article s’impose, sous une forme qui reste à définir ».
Les discours visant les origines territoriales
Cet amendement vise à protéger explicitement de la haine en ligne les catégories de personnes liées, par leur ascendance, leur lieu de vie ou leur pratique linguistique, à un territoire de la République. « L’identité des territoires est souvent vues comme une menace pour l’unité républicaine alors qu’elle constitue une richesse nationale - et un patrimoine notamment linguistique protégé par l’article 75‑1 de la Constitution - qui permet d’endiguer les sentiments de relégation périphérique aggravés par la fracture territoriale ».
Le « body-shaming » (l’insulte sur l’apparence physique)
« Aujourd’hui, nous vivons dans une société où l’image corporelle revêt une importance fondamentale. Par exemple, la minceur est associée à des critères de beauté, d’élégance, de distinction, de réussite sociale, et est présentée comme un idéal à atteindre. Ceux et celles qui ne se conforment pas à cet idéal esthétique sont alors victimes de discrimination. Cette discrimination par rapport au physique est accentuée par la présence des réseaux sociaux où les langues se délient plus facilement et n’hésitent pas à déchaîner des violences verbales et discriminatoires.
« Prenons l’exemple de la grossophobie, soit les discriminations et stigmatisations envers les personnes obèses ou en surpoids. C’est un phénomène qui est devenu récurrent au sein de notre société. Bien que la grossophobie soit stipulée dans le code pénal depuis 2001, par l’article 225‑1, la grossophobie continue à se répandre, s’infiltrant même dans les réseaux sociaux.
« Selon Jean-François Amadieu, sociologue spécialiste des relations sociales au travail et directeur de l’Observatoire des discriminations, la grossophobie affecte “un nombre très élevé d’individus”. Près de la moitié de la population française. Mais, contrairement aux discriminations touchant les femmes, les discriminations liées à la corpulence ne permettent jamais d’être “favorisé” pour cette raison-là [à l’image de certains métiers de contact, comme la vente ou l’accueil, où les femmes sont “préférées” aux hommes] »
« Ainsi,la question de la discrimination physique est au coeur de notre société. Ces discriminations se retrouvent dans de nombreuses campagnes de cyberharcèlement où la différence physique est le point d’appui des cyberharceleurs pour attaquer leurs victimes.
« Aussi le présent amendement propose d’ajouter cette discrimination au texte du premier alinéa afin de faciliter le retrait de contenus “harceleurs” ».
Certains acteurs (plateformes) dans le collimateur des hommes politiques
Pour l’heure, seules les plateformes dépassant un seuil de connexion qui sera défini par décret seront impliqués. Mais à l’amendement 132, Philippe Latombe (MoDem) veut y ranger également les cagnottes et autres annuaires en ligne : « le présent amendement vise à inclure les annuaires en ligne et les cagnottes en ligne dans le champ des opérateurs concernés par la présente loi. En témoigne l’ouverture d’une cagnotte Leetchi à destination du boxeur Christophe Dettinger ayant frappé violemment des policiers pendant la crise des gilets jaunes ».
Plusieurs députés LREM le rejoignent en ce qu’ils plaident pour faire entrer les « intermédiaires en financement participatif ». « Par exemple, en décembre 2018, la cagnotte Leetchi a été poursuivie par PHAROS suite à une campagne dont l’objet était “le financement d’un tueur à gages pour éliminer Emmanuel Macron”, sous la qualification d’incitation à commettre un crime ».
[B][SIZE=3]Qu’en pensent[/size=3]...
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