
Qui l’accuse d’avoir transformé la vie privée en « bien de luxe »
La bataille autour de la protection de la vie privée entre les deux géants du numérique, Google et Apple, n’est pas près de s’arrêter. En effet, le modèle d'affaires d'Apple qui n'implique pas la vente d'annonces diffère de celui de Google qui est basé sur la collecte de grande quantité de données sur les utilisateurs et leur utilisation pour suivre ces derniers avec de la publicité. Cette bataille s’est matérialisée encore lundi lors d’une interview accordée par Craig Federighi, vice-président principal de l'ingénierie logicielle chez Apple, à The Independent au cours de laquelle le responsable d’Apple a rejeté la critique selon laquelle Apple transforme la vie privée en un bien de luxe. L’accusation avait été portée contre la société indirectement par Sundar Pichai, PDG de Google, un peu plus tôt ce mois.
Après qu’Apple ait mis en avant en mars dernier les avantages de son iPhone ad à 999 dollars en matière de protection de la vie privée, Pichai a écrit dans un article d’opinion publié dans le New York Times que « la vie privée ne peut pas être un bien de luxe offert uniquement aux personnes qui peuvent se permettre d'acheter des produits et services de qualité ». Bien que l’article d’opinion n’ait pas nommé Apple, le chef des logiciels d’Apple s’est prononcé sur la question lors de l’interview en disant qu’Apple veut vendre des produits à « tous ceux que nous pourrions », et que les produits d'Apple ne sont « certainement pas seulement un luxe », a-t-il ajouté.
L’interview a eu lieu dans une immense pièce quelque part près du nouveau campus en Californie où Apple conduit des tests extrêmes de puces « Secure Enclave » dans un laboratoire secret pour s'assurer que les puces restent sûres même lorsqu'elles sont soumises à des températures extrêmes, qu'elles soient basses ou élevées. Ces tests font partie intégrante du processus de la protection de la vie privée que privilégie l’entreprise, selon le rapport d’interview. M. Federighi a déclaré à ce propos :
« L'objectif des tests de stress des puces est de voir si elles se comportent mal dans ce genre de scénarios extrêmes - et, si c'est le cas, de s'assurer que cela se passe dans ce laboratoire plutôt qu'une fois dans le téléphone des utilisateurs. Toute mauvaise conduite peut être fatale pour un appareil. »
Selon The Independent, ces tests complets des puces « Secure Enclave » d’Apple font partie de ce qui a fait de la puce une réalisation reconnue par des experts indépendants en sécurité. Chris Boyd, analyste principal des logiciels malveillants chez Malwarebytes a déclaré :
« La biométrie n'est pas parfaite, comme l'attestent les personnes qui affichent des solutions de contournement intelligentes en ligne pour soi-disant sécuriser les connexions ». « Cependant, il n'y a pas eu d'inquiétude majeure en matière de sécurité depuis l'introduction de Secure Enclave d'Apple - et le lancement d'une clé de décryptage de firmware Secure Enclave pour l'iPhone 5S en 2017 a été largement exagéré », a-t-il ajouté.
La défense d’Apple contre l’accusation de son concurrent Google repose fondamentalement sur la différence entre les modèles d'affaires des deux sociétés – Apple commercialisant généralement du matériel à prix élevé directement aux clients, de sorte qu'il n'y a pas d’autres coûts cachés après la vente concernant les données utilisateur, tandis que Google offre une multitude de services gratuits aux utilisateurs, en contrepartie de la collecte de données personnelles qu’il utilise pour placer les annonces sur les téléphones des utilisateurs principalement.
Dans son article, Pichai avait soutenu qu'il est important d'offrir des services de protection de la vie privée auxquels tout le monde a accès. Il a également souligné certains de ces efforts, qualifiant la vie privée de « l'un des sujets les plus importants de notre temps ». Toutefois, CNBC a révélé, il y a moins de deux semaines, une nouvelle manière dont Google utilise les données utilisateur en stockant les données des achats effectués sur Google ou dehors de la plateforme sur une page Web intitulée « Achats ». « Pour vous aider à visualiser et à suivre facilement vos achats, réservations et abonnements en un seul endroit, nous avons créé une destination privée qui ne peut être vue que par vous », a reconnu Google.
On peut voir nettement que M. Federighi fait référence à Google dans son interview accordée à The Independent :
Craig Federighi, vice-président senior de l'ingénierie logicielle chez Apple Inc.
« D'une part, le fait que d'autres entreprises dans l'espace au cours des derniers mois semblaient faire beaucoup de bruit positif au sujet de la protection de la vie privée semble gratifiant. Je pense que c'est une question plus profonde qu'alors, ce que quelques mois et quelques communiqués de presse feraient. Je pense qu'il faut considérer fondamentalement les cultures et les valeurs de l'entreprise ainsi que son modèle d'affaires. Et ça ne change pas du jour au lendemain ».
« Mais nous cherchons tous les deux à montrer au monde ce qu'il est possible de faire pour augmenter les attentes des gens quant à ce à quoi ils doivent s'attendre avec les produits, qu'ils les obtiennent de nous ou d'autres personnes. Et bien sûr, nous aimons, en fin de compte, vendre des produits Apple à tout le monde, nous ne pourrions certainement pas seulement nous contenter du luxe, nous pensons qu'une expérience produit exceptionnelle est quelque chose que chacun devrait avoir. Nous aspirons donc à les développer », a ajouté M. Federighi.
M. Federighi a répondu aussi aux critiques selon lesquels Apple aurait pris du retard dans le développement des fonctionnalités IA à cause de son choix de ne pas collecter beaucoup de données utilisateur. Sur cette question, il a dit qu'il voit le choix entre la collecte de données et la création de nouvelles fonctionnalités d'IA puissantes comme un « faux compromis ». Selon lui, construire ces fonctionnalités sans collecter de données utilisateur supplémentaires, « c'est parfois un travail supplémentaire », a-t-il dit, « Mais ça vaut le coup ».
Selon le rapport d’interview, au lieu de collecter les données sur les utilisateurs, Apple achète, par exemple, un catalogue de photos publiques qu'il peut utiliser pour former des algorithmes. La firme analyse également des données vocales accessibles au public - comme les podcasts - au lieu d'utiliser les enregistrements vocaux des utilisateurs.
M. Federighi a également parlé de la décision d'Apple de stocker les données iCloud en Chine sur des serveurs gérés par GCBD, une société appartenant au gouvernement provincial. Bien que la loi l'exigeait, certains estimaient qu'Apple aurait dû prendre les devants et cesser d'offrir iCloud en Chine plutôt que de céder.
A ce propos, M. Federighi a dit que la localisation des données personnelles stockées chez GCBD importe peu, car la quantité d'informations collectées sur les utilisateurs est réduite au minimum, et tout ce qui est stocké est de manière à empêcher les gens d'y fouiner. Selon lui, en ne recueillant pas de données, sinon le minimum requis, il n'y a pas de données sur ses serveurs iCloud chinois que les fonctionnaires en Chine ou ailleurs pourraient lire ou utiliser à mauvais escient, a affirmé le responsable d’Apple. Il a dit :
« La première étape, bien sûr, est la mesure dans laquelle toutes nos techniques de minimisation des données, ainsi que la conservation des données sur l'appareil et la protection des appareils contre l'accès externe - tout cela signifie que les données ne sont pas dans un nuage en premier lieu pour être accessibles par quiconque ».
Avec la prise de conscience collective de la nécessité de la confidentialité depuis le scandale Cambridge Analytica impliquant Facebook, Google a apporté de petits changements pour limiter certaines de ces préoccupations. Pas plus tard que ce mois-ci, la firme a promis, entre autres, une nouvelle politique de confidentialité facile à lire pour les périphériques Nest, des limites au suivi des publicités dans Chrome et des modes Incognito pour d'autres applications.
Mais selon Apple, les cultures et les valeurs d’une entreprise ainsi que son modèle d'affaires ne changent pas du jour au lendemain. D’après M. Federighi, les produits Apple sont conçus dès le début pour respecter son engagement en matière de respect de la vie privée et la sécurité des données doit être prise en compte à chaque étape du processus d'ingénierie, et doit être encodée dans chaque partie de celui-ci.
Tim Cook, le PDG d’Apple a très souvent attaqué les plateformes numériques telles que Facebook et Google sur cette question. Il affirmait en octobre dernier qu'abandonner vos données pour de meilleurs services est une véritable pagaille, et a suggéré par la même occasion une réglementation gouvernementale. Le démantèlement de ces plateformes numérique est, par ailleurs, une question d’actualité.
Source : The Independent
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