Le 29 octobre 2018, 189 personnes à bord du vol de la compagnie indonésienne Lion Air ont péri dans un crash. Un peu plus de 4 mois après cette première catastrophe, un aéronef de la compagnie Ethiopian Airlines a connu le même triste sort avec à son bord 149 passagers et 8 membres d’équipage. Même si les enquêtes de ces deux catastrophes n’ont pas encore été bouclées, le fait que les aéronefs impliqués dans ces crashs étaient des Boieng 737 Max a rapidement amené les acteurs du monde aéronautique à suspecter un défaut inhérent à la conception de cet appareil.
Après les premières conclusions des analyses, les enquêteurs ont pointé du doigt une défaillance du système MCAS (Maneuvering Characteristics Augmentation System), un système automatisé conçu pour empêcher l’avion de décrocher. Pour la petite histoire, il faut savoir que le MCAS est apparu sur les versions révisées des Boieng 737 lorsque Airbus (concurrent de Boeing) a lancé une version améliorée de l’A320 baptisée A320neo. Pour apporter une riposte à ce nouvel appareil, Boeing a également mis à jour son modèle d’appareils à succès, le Boeing 737, en sortant le Boeing 737 MAX.
Sur le Boeing 737 MAX, les turboréacteurs sont plus imposants, ce qui permet à l’appareil de bénéficier d’une plus grande autonomie ainsi qu’un meilleur rendement énergétique. Toutefois, vu l’importance de la taille de ces nouveaux moteurs qui ont trouvé leur place sur ces anciens modèles d’avions, les ingénieurs de Boeing ont été contraints de revoir leur position en les plaçant loin devant le bord d’attaque de l’aile. Cette modification, bien que minime, a pour effet de faire lever le nez du 737 MAX lorsque l’appareil subit un angle d’attaque élevé. Pour régler ce problème, Boeing a implémenté un logiciel nommé MCAS.
Avec tous ses ajouts apportés au B 737, certains affirment que cet ancien modèle d’appareils rebaptisé — pour lequel de nombreux pilotes ont déjà été formés et détiennent une certification — est devenu un appareil radicalement différent avec des caractéristiques de maniabilité différentes, un nouveau logiciel opérationnel et par conséquent devrait nécessiter une nouvelle formation des pilotes. Mais, selon certaines critiques, la volonté de sortir rapidement un appareil en réponse à l’A320neo a amené Boeing à présenter le B 737 MAX comme un appareil semblable au B 737, ce qui permettrait d’éviter le long processus de recertification. Les conséquences on les connaît. 346 personnes ont péri à cause de ce système MCAS.
Pour sortir très vite de cette mauvaise passe qui dessert fortement l’image de l’entreprise, Boeing a lancé hier sa première grande offensive pour reconquérir la confiance du grand public et obtenir des régulateurs l’autorisation de faire voler à nouveau ses 737 MAX qui restent depuis la mi-mars interdits de vol. Devant un parterre de journalistes, pilotes et dirigeants de compagnies aériennes, le constructeur américain a présenté une mise à jour logicielle apportée au système de vol du Boeing 737 MAX. Avec ces modifications, souligne l’avionneur, les pilotes seront en mesure de détecter rapidement un dysfonctionnement du MCAS grâce au déclenchement d’un voyant lumineux, baptisé « ;AOA disagree ;», qui indiquerait dans ce cas que les deux capteurs d’angle d’attaque, sur lesquels s’appuie le MCAS, fournissent des données contradictoires. Il faut souligner que Boeing proposait à l’origine un seul capteur d’angle d’attaque en standard et facturait en option un second capteur ainsi qu’un indicateur lumineux signifiant que les données des capteurs sont erronées. Dans les nouvelles propositions, Boeing envisage d’intégrer ce système d’alerte lumineux dans les composants de base de l’aéronef et non plus comme une fonctionnalité facturée en option.
Pour Gregory Travis, un ingénieur logiciel chevronné et un pilote expérimenté, qui a piloté des simulateurs d’aéronefs aussi gros que le Boeing 757, le MCAS, qui a été ajouté à l’origine dans un esprit de sécurité accrue n’a pas besoin d’être corrigé avec plus de complexité ou de logiciels. Il doit être purement et simplement supprimé. L’ingénieur souligne également que cet avion est défectueux. Pour le réparer, il n’est pas possible de le faire sans déplacer les moteurs et sans les éloigner de leur position actuelle. Cela signifie qu’il faudrait revoir la conception de l’appareil. Et donc sortir des mises à jour logicielles ne changerait pas grand-chose au défaut de conception de l’appareil.
Cette situation rappelle à n’en point douter celle d’Intel qui depuis des mois tente de colmater les brèches Meltdown et Spectre découvertes dans ses puces. L’entreprise a sorti plusieurs mises à jour logicielles pour corriger les failles détectées, mais pour des chercheurs de Google, ces correctifs ne pourront pas empêcher l’exploitation de ces failles, à moins que les CPU ne fassent l’objet d’une révision en profondeur.
À travers cette affaire de Boieng, Travis pose également le problème général de compétence et d’éthique qui doit soutenir les décisions et actions des professionnels. Et pour ce qui concerne le cas de Boeing, l’ingénieur conclut que ces deux tragédies seraient peut-être le résultat d’incompétence. « ;Ce sont ces pressions économiques et concurrentielles qui ont amené Boeing à dissimuler l’existence du MCAS afin d’éviter un processus de recertification trop long pour le 737 MAX, processus qui nécessite une longue formation des pilotes sur de nouveaux simulateurs onéreux. Toutes ces choses auraient relevé le coût unitaire de chaque avion de plusieurs millions de dollars réduisant ainsi les chances de Boeing de concurrencer l’Airbus 320neo ;», a noté Travis.
Source : EE|Times, Analyse de Gregory Travis (Google Docs)
Et vous ?
Selon vous, les mises à jour logicielles du MCAS pourront-elles régler le problème de sécurité du B 737 MAX ?
Boeing devrait-il plutôt revoir la conception de son appareil pour régler définitivement le problème du B 737 MAX ?
Ou pensez-vous que le fabricant devrait définitivement sortir cet appareil de la navigation aérienne ?
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Le , par Olivier Famien
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