En France, le principe de la communication des « documents administratifs » sur simple demande est déjà prévu depuis l’entrée en vigueur de la loi Numérique. Dans l’article 2 de cette loi, il est annoncé l’ouverture par défaut du code source des programmes utilisés par les administrations, avec une limite compréhensible. Cette communication au public peut être empêchée s’il y a un risque d’atteinte « à la sécurité des systèmes d’information des administrations ».
Toutefois, la mise en pratique de cette disposition relève pour l’instant des initiatives très ponctuelles, selon un communiqué du sénateur Vincent Éblé (PS), président de la commission des finances du Sénat, en décembre 2017 : « seules des initiatives très ponctuelles ont eu lieu en matière de mise à disposition d’algorithmes publics ».
En effet, en octobre 2016, l'Éducation nationale a communiqué une partie de l'algorithme admission post-bac. Longtemps réclamé par l’association Droits des Lycéens, l’algorithme qui répartit les lycéens qui viennent d’obtenir leur bac dans les universités, avait enfin été mis à disposition du public, mais en format papier, et le code source publié était partiel : seule la partie qui couvre la « génération automatique de classements aléatoires en production, pour les formations non sélectives » avait été publié.
En janvier 2017, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) avait également rendu public le simulateur 2017 de l'impôt sur le revenu et avait mis son code source sur GitHub. En septembre dernier, sous la pression d'une association, Bercy a ouvert les codes sources des modèles économétriques Mésange, Opale et Saphir. Au cours du même mois, Bercy a, également, publié le code source du calculateur de la taxe d'habitation.
Selon le site Web du sénat français, le sénateur Vincent Éblé est revenu à la charge, lundi 10 décembre, comme l’an dernier pour soutenir encore une fois l’amendement de publication du « code source » de l’exécutif en matière de la loi de finances. Selon le sénateur socialiste ce manque de données ne permet pas aux parlementaires de « faire travailler leurs équipes sur un certain nombre de simulations », par exemple de mesurer l'incidence de la modification de tel ou tel paramètre d'une réforme fiscale.
L’amendement du sénateur a proposé, que le gouvernement publie, lors de la présentation annuelle du projet de loi de finances, un ensemble d’informations qui pourra permettre au législateur de débattre du budget en toute connaissance de cause.
L’amendement 2019 du sénateur Vincent Éblé prévoit la mise à la disposition du contribuable et du législateur, pour « chaque imposition de toute nature modifiée » :
- Des « données synthétiques » et « hypothèses retenues pour évaluer les conséquences économiques, financières, sociales et environnementales » de la réforme en question, ainsi que les « coûts et bénéfices financiers attendus » pour « chaque catégorie d’administrations publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue »;
- Du « code source » correspondant à « l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires en vigueur pour cette imposition », assorti des « instructions et circulaires publiées par l’administration qui portent sur cette imposition »;
- Du « code source correspondant aux dispositions législatives proposées et, à titre facultatif, aux dispositions réglementaires, instructions et circulaires envisagées ».
L’amendement demande à ce que toutes ces données soient publiées « dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé », conformément aux principes de l’Open Data, afin de permettre au contribuable d’exploiter ces information à des fins utiles, y compris pour des travaux de recherches.
Enfin, l’amendement demande que chaque année, soit élaborée et publiée une « annexe explicative contenant le code source traduisant, en langage informatique, chacune des dispositions du projet de loi de finances relatives à l’assiette ou au taux des impositions de toutes natures ».
Le sénateur Vincent Éblé est revenu sur l’annulation par les députés de son amendement de 2017. « L'Assemblée nous a enfermé dans une législation à tâtons, pour ne pas dire à l'aveugle, alors que nous, nous voulons légiférer (...) sans avoir forcément à solliciter de façon itérative l'administration fiscale pour leur demander des simulations qui nous permettent d'apprécier des dispositifs fiscaux qu'on nous propose de voter ou que nous-mêmes nous voulons infléchir. Je pense que c'est une modernisation de la façon de travailler qui serait bonne pour le Parlement, et donc bonne pour le pays. »
Cependant, le sénateur risque de se répéter en 2019, car bien que le rapporteur général du projet de loi de finances, Albéric de Montgolfier, ait donné un avis favorable à son l’initiative, le secrétaire d’État Olivier Dussopt, au nom de l’exécutif, s’y est quant à lui opposé. « … sur le principe, nous sommes évidemment plutôt d'accord », a-t-il d’abord déclaré, avant d’ajouter : « Mais il se trouve qu'au moment où nous publions la loi de finances, les codes sources ne sont pas encore développés. Donc matériellement, nous ne savons pas répondre à votre demande ».
L’année dernière, la publication n’avait pas été possible parce que le gouvernement avait trouvé l’amendement « irréaliste », car, non seulement, les mesures fiscales n’étaient pas encore transcrites en code informatiques avant l’adoption de la loi de finances 2017, mais aussi, la transcription pouvait prendre « six à neuf mois ».
L’Administrateur général des données et ex-dirigeant de la Direction interministérielle au numérique (DINSIC), Henri Verdier, lors d’une audition en mai par la commission des finances du Sénat, a insisté sur la nécessité d’accompagner les administrations « dans une culture de publication du code » : « Les gens du logiciel libre savent faire, ils connaissent les outils, ils savent documenter leurs codes. Ceux qui n'ont jamais travaillé ainsi, eux, sont un peu dépourvus. » Selon l’Administrateur général, il faudrait attendre « quelques années » avant que ce « travail d'éducation et d'accompagnement » porte ses fruits.
Source : Amendement, Comptes rendus de la commission des finances
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