Frustrés par la lenteur de la transition vers le libre accès dans les publications scientifiques, 11 organismes nationaux de financement de la recherche, avec le soutien de la Commission européenne, dont le Conseil européen de la recherche (CER), ont annoncé le lancement de cOAlition S ce le 4 septembre dernier, une initiative visant à concrétiser l'accès libre aux publications de recherche. Elle s’appuie sur le Plan S, qui comprend une cible et 10 principes. Le groupe, qui consacre conjointement environ 7,6 milliards d’euros à la recherche chaque année, a déclaré dans un communiqué qu’il ne permettrait plus les délais de 6 ou 12 mois que de nombreux journaux d’abonnement exigent désormais avant de pouvoir publier un article, et qu’il ne permettra pas la publication dans des revues dites hybrides, qui facturent des abonnements. mais aussi des papiers individuels OA (Open Access) moyennant un supplément.
« D'ici 2020, les publications scientifiques issues de la recherche financée par des subventions publiques accordées par les conseils de recherche et les organismes de financement nationaux et européens participants devront être publiées dans des revues à accès libre conformes ou sur des plateformes Open Access conformes », a indiqué cOAlition S. Quand le Plan S a été dévoilé en septembre, ses parraineurs se sont attendus à un large soutien à cette initiative. Toutefois, seule une minorité des 43 organismes de financement de la recherche scientifique en Europe ont répondu à l’appel. Les organisateurs ont espéré aussi une participation des États-Unis qui ne s’est pas matérialisée en fin de compte. Pendant ce temps, une campagne lancée pour contrer le Plan S continue d’attirer plus de signataires.
« Le Plan S mérite une chance, » a écrit la revue NewScientist. « Les scientifiques qui s’y opposent ont de réelles craintes, mais ils sont en train de laisser le mieux être l'ennemi du bien. Les organismes de financement de recherche aussi doivent laisser de côté leurs inquiétudes, au nom des contribuables qui remplissent leurs coffres. Le Plan S fonctionne seulement si tout le monte se met à bord ; s’il échoue, il est difficile de savoir comment peut être brisée l’emprise de fer des éditeurs académiques ». Plus de 1400 chercheurs ont signé une lettre en ligne soutenant les principes de Plan S. « Nous, les soussignés, pensons que la littérature scientifique mondiale est une ressource publique qui n’atteint sa pleine valeur que si elle est librement accessible à tous. Nous avons trop longtemps toléré un modèle commercial payant pour l'accès aux revues savantes qui soit inéquitable, entrave le progrès dans nos domaines et prive le public du plein bénéfice de notre travail. Nous nous félicitons donc des efforts déployés par les bailleurs de fonds de la recherche publics et privés pour exiger que les publications basées sur le travail qu’elles financent soient faites immédiatement et librement, librement et sans restriction d’accès ou d’utilisation », peut-on lire dans la lettre ouverte.
La pétition, lancée le 28 novembre, survient alors que les scientifiques continuent de débattre des avantages et des inconvénients du plan européen, annoncé en septembre et soutenu par 16 organismes nationaux de financement de la science et de bienfaisance. « Le seul moyen d'obtenir un accès universel et ouvert à la littérature scientifique est que les bailleurs de fonds de la recherche l'exigent de leurs bénéficiaires », a tweeté l'organisateur de la lettre, Michael Eisen, généticien à l'Université de Californie, Berkeley, et défenseur de longue date de l'édition en libre accès. Notons que la lettre ne nomme pas spécifiquement Plan S, mais cite sa politique de base.
« Nous comprenons qu'une communication scientifique efficace coûte de l'argent et encourage des investissements substantiels dans cette entreprise, mais uniquement si cela permet à tous d'accéder librement à la littérature scientifique et de l'utiliser. Nous reconnaissons que des problèmes subsistent, notamment en veillant à ce que tous les universitaires du monde entier aient la capacité absolue de partager librement leurs travaux et de faire reconnaître leurs contributions. Nous nous engageons donc à continuer de travailler avec les bailleurs de fonds, les universités, les instituts de recherche et les autres parties prenantes jusqu'à ce que nous ayons créé un système de communication scientifique stable, juste, efficace et ouvert », précise la lettre ouverte.
Cependant, dans une autre lettre publiée trois semaines plus tôt, coordonnée par Lynn Kamerlin, biochimiste à l'Université d'Uppsala en Suède, plus de 1400 signatures qualifient Plan S de « violation grave de la liberté académique », car ces principes empêcheraient les chercheurs de publier à leur guise. La lettre d'Eisen réfute directement l'argument de la liberté académique. Bien que les mandats des bailleurs de fonds puissent « limiter superficiellement les options de publication à court terme », indique-t-il dans la lettre, ils aboutiront « finalement à un système qui maximise la portée de la recherche et sa valeur pour le milieu de la recherche et le public ». Eisen pense qu'il est « risible et dangereux » de suggérer que les mandats des bailleurs de fonds empiètent sur la liberté académique alors que, parallèlement, le système de publication actuel contraignait effectivement les chercheurs à publier dans des revues à fort impact et la communauté et donc, à dépenser plus d'argent, des milliards de dollars sur les abonnements.
Lynn Kamerlin
En réponse, Kamerlin dit qu'elle soutient également le libre accès, mais préfère des efforts tels que ceux du ministère danois de la Science par exemple, qui a déclaré que les chercheurs peuvent choisir de publier derrière des murs de paiement tant qu'ils archivent leurs documents en ligne dans un délai de 12 mois. Depuis la lettre de Kamerlin, les bailleurs de fonds du Plan S ont précisé que leur initiative ne serait pas aussi restrictive que certains l’avaient craint. Dans son libellé initial, il semblait que le plan risquerait d'interdire la publication dans des revues "hybrides" - qui maintiennent le travail derrière des paywalls (un système qui sert à bloquer tout ou partie de l'accès à un site web à l'aide d'un système de paiements) mais offrent une option d'accès libre moyennant des frais.
Cependant, le 27 novembre dernier, les bailleurs de fonds ont déclaré que tant que les chercheurs archivent leurs articles immédiatement et ouvertement en ligne, ils peuvent publier dans des revues hybrides - bien que les agences de Plan S ne paient pas de frais de publication pour le faire. Un examen des moyens par lesquels les chercheurs peuvent se conformer au plan et continuer à publier dans des revues hybrides est toutefois prévu pour 2023. Le plan est maintenant en consultation publique jusqu'au 1er février prochain. Une des premières analyses de Jeroen Bosman et Bianca Kramer, deux bibliothécaires et chercheurs spécialisés dans la communication à l'université d'Utrecht aux Pays-Bas, indique au moins neuf voies permettant aux chercheurs de se conformer à l'initiative.
Les internautes en général ont abordé le sujet dans le même sens. Ils soutiennent pour la plupart les principes de Plan S et pensent que le scientifique ne devrait pas payer pour la publication de son oeuvre.
Source : Nature
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