La science ouverte (open science ou open research pour les anglophones) est un mouvement visant à rendre la recherche scientifique, les données et leur diffusion accessibles (à tous les niveaux d'une société « apprenante »).
Pour cela la science ouverte s'appuie fortement sur le recours à l'Internet ouvert, à l'open data, aux outils de travail collaboratif (dont Wikipédia et Wikiversité ou Wikispecies font partie), au e-learning et au web social de manière à rendre la recherche scientifique et ses données accessibles à tous (amateurs et professionnels). Parce que pro-activement ouverte, elle peut aussi favoriser la multidisciplinarité de la recherche et éventuellement un caractère multilingue en considérant la science et les données comme un « bien commun ».
La science ouverte a pour objectif de faire sortir la recherche financée sur fonds publics du cadre confiné des bases de données fermées. Elle réduit les efforts dupliqués dans la collecte, la création, le transfert et la réutilisation du matériel scientifique. Elle augmente ainsi l’efficacité de la recherche.
La réaction de certains organismes
Frustrés par la lenteur de la transition vers le libre accès dans les publications scientifiques, 11 organismes nationaux de financement de la recherche, avec le soutien de la Commission européenne, dont le Conseil européen de la recherche (CER), ont annoncé le lancement de cOAlition S ce mardi 4 septembre 2018, une initiative visant à concrétiser l'accès libre aux publications de recherche. Elle s’appuie sur le Plan S, qui comprend une cible et 10 principes.
Le groupe, qui consacre conjointement environ 7,6 milliards d’euros à la recherche chaque année, a déclaré dans un communiqué qu’il ne permettrait plus les délais de 6 ou 12 mois que de nombreux journaux d’abonnement exigent désormais avant de pouvoir publier un article, et qu’il ne permettra pas la publication dans des revues dites hybrides, qui facturent des abonnements. mais aussi des papiers individuels OA (Open Access) moyennant un supplément.
« D'ici 2020, les publications scientifiques issues de la recherche financée par des subventions publiques accordées par les conseils de recherche et les organismes de financement nationaux et européens participants devront être publiées dans des revues à accès libre conformes ou sur des plateformes Open Access conformes », a indiqué cOAlition S.
Cette initiative signifie que les bénéficiaires de ces 11 bailleurs de fonds (dont les agences de financement nationales au Royaume-Uni, aux Pays-Bas et en France) ainsi que l’Institut national de physique nucléaire italien devront renoncer à publier dans des milliers de revues, y compris des revues telles que Nature, Science, Cell et The Lancet, à moins que ces revues ne modifient leur modèle économique. « Nous pensons que cela pourrait marquer un tournant », a déclaré Marc Schiltz, président de Science Europe, l'association des organisations scientifiques basée à Bruxelles qui a contribué à la coordination du plan. « L'idée était de faire un grand pas décisif, au lieu de se contenter de faire une autre déclaration ou exprimer des intentions ».
Une initiative qui divise
L'annonce a été bien accueillie par de nombreux défenseurs de l'OA. « Cela va exercer une pression accrue sur les éditeurs et sur la conscience individuelle des chercheurs qu'un changement d'écosystème est possible », a déclaré Ralf Schimmer, responsable de la fourniture d'informations scientifiques à la bibliothèque numérique Max Planck de Munich, en Allemagne. Peter Suber, directeur du Bureau de la communication savante de la bibliothèque de Harvard, qualifie ce plan « d’admirablement fort ».
Mais les éditeurs traditionnels ne sont pas contents. Le plan « risque de compromettre l’ensemble du système de publication de la recherche », a écrit un porte-parole de Springer Nature, qui a déjà publié plus de 3000 revues. « Selon nous, la mise en œuvre d'un tel plan perturberait les communications scientifiques, nuirait aux chercheurs et porterait atteinte à la liberté universitaire », a ajouté un porte-parole de l'éditeur de Science, AAAS. « Ce serait également insoutenable pour la famille des revues scientifiques ».
La France s’est également engagée dans une voie similaire
Depuis des années, le système historique de publication des résultats de la recherche est âprement critiqué par des institutions dont les budgets sont en baisse alors que les recherches, elles, se multiplient. Conséquence prévisible, les bibliothèques de recherche peinent de plus en plus à proposer des ressources pertinentes à leurs étudiants.
À l'origine de ces difficultés, selon les professionnels, des tarifs d'accès devenus prohibitifs du côté des grands éditeurs d'articles scientifiques, qui gèrent des revues historiques dans différents secteurs. Et un système éditorial qui paraît bancal pour un certain nombre – y compris au sein de la communauté des chercheurs. En effet, les éditeurs de ces revues comptent sur les chercheurs pour en assurer les corrections, le plus souvent avec une rémunération moindre, voire inexistante.
Enfin, notamment dans le domaine de la recherche publique, il apparaît contre-productif, pour certains chercheurs, de publier les résultats d'une recherche financée par l'argent public dans une revue privée qui en fera payer l'accès. Parmi ces éditeurs historiques, comme Elsevier, Springer ou encore Macmillan, la plupart ont mis en place des formules d'accès ouvert, que beaucoup jugent trop chères ou trop contraignantes. De leur côté, ces éditeurs mettent en avant la valeur ajoutée de leurs revues, ainsi que la crédibilité apportée aux résultats publiés dans leurs pages.
C'est dans ce contexte que la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation Frédérique Vidal a annoncé le plan national pour la science ouverte à l'occasion du congrès annuel de la LIgue des Bibliothèques Européennes de Recherche (LIBER), organisé à Lille du 4 au 6 juillet. D'après elle, seules les universités les plus riches du monde et les groupes industriels profitent de l'état actuel des choses, et de l'inflation démesurée des prix des revues scientifiques. « Alors que les fausses nouvelles sont très facilement accessibles, les publications scientifiques sont protégées derrière des péages qui sont autant de barrières à l’accès au savoir. Il faut dix minutes pour inventer et diffuser une fausse nouvelle, croustillante, étonnante et facile à comprendre. Mais il faut dix ans pour produire une démonstration scientifique apportant une information scientifique de qualité », a ajouté Frédérique Vidal, saluant au passage l'encyclopédie libre et ouverte Wikipédia.
Avec ce Plan, la France se dote d’une politique pour la science ouverte ambitieuse, qui s’inscrit pleinement dans les engagements internationaux qu’elle a pris au titre du Partenariat pour un gouvernement ouvert (OGP - Open government partnership), initiative associant 70 pays et visant à développer la transparence de l’action publique. Ce plan national répond également à l’ambition européenne de l’Amsterdam Call for Action on Open Science. La France se dote ainsi d’une politique qui prolonge et amplifie les efforts de l’Union européenne dans ce domaine.
Sources : déclaration de la cOAlition S, SM
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La France annonce le lancement d'un plan pour la science ouverte, pour favoriser les avancées scientifiques ainsi que l'innovation
Des bailleurs de fonds européens créent une coalition pour interdire aux scientifiques bénéficiaires
De publier dans des revues payantes dès 2020
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Le , par Stéphane le calme
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