Au cours des XIXe et XXe siècles, le nombre de revues scientifiques a fortement progressé, reflétant au passage la multiplication des domaines de compétence et de spécialisation. Par ailleurs, le chercheur s’est retrouvé face à une nouvelle contrainte imposée par le milieu académique, qui est celle de la nécessité de publier les résultats de travaux sous peine de devenir impertinent.
Mais le problème est que cette nécessité a rendu l’industrie de publication académique beaucoup trop puissante, engorgeant des marges de profit vertigineuses, avoisinant les 40%, dépassant même la marge de profit d’autres industries comme les hydrocarbures et les banques.
La raison qui fait que cette industrie est si lucrative est simple, elle bénéficie pleinement de l’argent du contribuable qui paie une grande partie du contenu. Pour expliquer, le chercheur financé par l’argent public fait tout le travail, le rédige et juge ses mérites. Toutefois, la propriété intellectuelle du résultat revient en fin de compte aux mains des éditeurs. Pour aggraver encore les choses, ils imposent des formules d’abonnement et des paywalls à des prix exorbitants pour consulter les publications, et qui sont aussi souvent payés par l’argent du contribuable.
Il faut le dire, assurer le traitement des publications évaluées par les pairs est une tâche fastidieuse qui nécessite beaucoup d’effort et une infrastructure importante. Certes, les revues et journaux abusent de leur pouvoir, mais ils assurent quand même un service qui est de filtrer et trier les publications scientifiques pour que les gens puissent s’en servir pour la production de travaux plus importants et de meilleure qualité.
Des revues comme Nature assurent ce service gratuitement, mais il faudra payer pour consulter les publications. Mais les personnes qui assurent le processus d’évaluation des travaux ne sont pas payées, et la plupart du temps ils assurent ce service sans aucune contrepartie.
À ce stade, il y a de plus en plus un sentiment fort que ce modèle économique devrait changer. Pratiquement tout le monde, même les parties qui profitent de cette situation reconnaissent qu’il y a des lacunes, mais la situation actuelle continue de se maintenir avec la résistance à tout changement.
Pour remédier à cette situation, une énième initiative a été lancée dans le cadre du “Plan S”. Lancée par Science Europe pour promouvoir l'édition scientifique en libre accès, cette une initiative de la Commission européenne et de la "cOAlition S", un consortium soutenu par le Conseil Européen de la Recherche et les agences de financement de la recherche de douze pays européens. Le plan exige que les scientifiques et les chercheurs qui bénéficient d'un financement public pour leurs projets des organismes de recherche et institutions publient leurs travaux en accès libre d'ici à 2020.
Le plan est structuré autour de dix principes :
1. Les auteurs doivent conserver le droit d'auteur sur leurs publications, qui doivent être publiées sous une licence libre de droits telle que Creative Commons.
2. Les membres de la coalition devraient établir des critères et prérequis solides pour déterminer la conformité du libre accès des revues et des plates-formes.
3. Ils doivent également inciter à la création de revues et plates-formes en libre accès conformes, si elles n'existent pas encore.
4. Les frais de publication doivent être payés par les bailleurs de fonds ou les universités, et pas par les chercheurs.
5. Ces frais de publication doivent être normalisés et plafonnés.
6. Les universités, les organismes de recherche et les bibliothèques doivent aligner leurs politiques et stratégies.
7. Pour les livres et monographies, le délai peut être prolongé au-delà de 2020.
8. Les archives et dépôts ouverts sont reconnus pour leur importance.
9. Les revues en libre accès "hybrides" ne sont pas compatibles avec le principe-clé.
10. Les membres de la coalition doivent surveiller et sanctionner la conformité avec le plan.
Quand le Plan S a été dévoilé en septembre, ses parraineurs se sont attendus à un large soutien à cette initiative. Toutefois, seule une minorité des 43 organismes de financement de la recherche scientifique en Europe ont répondu à l’appel. Les organisateurs ont espéré aussi une participation des États-Unis qui ne s’est pas matérialisée en fin de compte. Pendant ce temps, une campagne lancée pour contrer le Plan S continue d’attirer plus de signataires.
« Le Plan S mérite une chance, » a écrit la revue NewScientist. « Les scientifiques qui s’y opposent ont de réelles craintes, mais ils sont en train de laisser le mieux être l'ennemi du bien. Les organismes de financement de recherche aussi doivent laisser de côté leurs inquiétudes, au nom des contribuables qui remplissent leurs coffres. Le Plan S fonctionne seulement si tout le monte se met à bord ; s’il échoue, il est difficile de savoir comment peut être brisée l’emprise de fer des éditeurs académiques. »
Source : NewScientist
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Le , par Coriolan
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