Il a été donné à Google 90 jours à compter du jour de cette annonce (qui a été publiée le 18 juillet) pour mettre effectivement fin à cette pratique, sous peine de se voir infliger des astreintes allant jusqu'à 5 % du chiffre d'affaires journalier moyen mondial d'Alphabet, sa société mère.
Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, a fait la déclaration suivante: « Aujourd'hui, l'internet mobile représente plus de la moitié du trafic internet mondial. Il a changé la vie de millions d'Européens. L'affaire qui nous occupe porte sur trois types de restrictions imposées par Google aux fabricants d'appareils Android et aux opérateurs de réseaux pour faire en sorte que le trafic sur les appareils Android soit dirigé vers le moteur de recherche de Google. De cette manière, Google utilise Android comme un véhicule pour consolider la position dominante de son moteur de recherche. Ces pratiques ont privé ses concurrents de la possibilité d'innover et de lui livrer concurrence par leurs mérites. Elles ont privé les consommateurs européens des avantages d'une concurrence effective sur le marché important des appareils mobiles. Cette pratique est illégale au regard des règles de l'UE en matière de pratiques anticoncurrentielles.»
Vente liée illégale des applications de recherche et de navigation de Google
Google fournit ses services et applications mobiles aux fabricants d'appareils sous la forme d'une offre groupée. Sont concernés Google Play Store, l'application Google Search et le navigateur Google Chrome. Les conditions d'octroi de licence de Google rendent impossible pour les fabricants de préinstaller certaines applications, mais pas d'autres.
Dans le cadre de l'enquête de la Commission, les fabricants d'appareils ont confirmé que Play Store était une application indispensable, les utilisateurs s'attendant à l'avoir préinstallée sur leurs appareils (notamment parce qu'ils ne peuvent la télécharger légalement eux-mêmes).
La Commission a conclu, dans sa décision, que Google s'est livrée à une vente liée illégale à deux égards:
- premièrement, la vente liée de l'application Google Search. Google fait ainsi en sorte que son application Google Search soit préinstallée sur pratiquement tous les appareils Android vendus dans l'EEE. Les applications de recherche représentent un point d'entrée important pour les recherches effectuées sur les appareils mobiles. La Commission a estimé que cette vente liée était illégale dès 2011, date à partir de laquelle Google a acquis une position dominante sur le marché des boutiques d'applications en ligne pour le système d'exploitation mobile Android;
- deuxièmement, la vente liée du navigateur Google Chrome. Google fait ainsi en sorte que son navigateur mobile soit préinstallé sur pratiquement tous les appareils Android vendus dans l'EEE. Les navigateurs représentent également un point d'entrée important pour les recherches effectuées sur les appareils mobiles et Google Search est le moteur de recherche par défaut sur Google Chrome. La Commission a estimé que cette vente liée était illégale dès 2012, date à partir de laquelle Google a inclus le navigateur Chrome dans son offre groupée d'applications.
La préinstallation peut créer une distorsion dite de statu quo. Les utilisateurs qui trouvent des applications de recherche et de navigation préinstallées sur leurs appareils s'en tiendront vraisemblablement à ces applications Par exemple, la Commission a trouvé des preuves que l'application Google Search est systématiquement plus utilisée sur les appareils Android, où elle est préinstallée, que sur les appareils Windows Mobile, où les utilisateurs doivent la télécharger. Cela montre également que les utilisateurs ne téléchargent pas des applications concurrentes dans une mesure qui peut compenser l'avantage commercial considérable tiré de la préinstallation. Par exemple, en 2016:
- sur les appareils Android (où Google Search et Google Chrome sont préinstallés), plus de 95 % de l'ensemble des recherches sont effectuées au moyen de Google Search; et
- sur les appareils Windows Mobile (où Google Search et Google Chrome ne sont pas préinstallés), moins de 25 % de l'ensemble des recherches sont effectuées au moyen de Google Search, contre plus de 75 % au moyen du moteur de recherche Bing de Microsoft, qui est préinstallé sur les appareils Windows Mobile.
Par son comportement, Google a donc dissuadé les fabricants de préinstaller des applications de recherche et de navigation concurrentes et les utilisateurs de télécharger de telles applications. Cela a réduit la capacité des concurrents à concurrencer Google de manière effective.
La Commission a également examiné en détail les arguments de Google selon lesquels la vente liée de l'application Google Search et du navigateur Chrome était nécessaire, notamment pour permettre à Google de rentabiliser son investissement dans Android, et est parvenue à la conclusion que ces arguments étaient non fondés. Google dégage des milliards de dollars de revenus annuels grâce à son seul Google Play Store, collecte de nombreuses données utiles pour son activité de recherche et de publicité grâce aux appareils Android et aurait tiré un flux important de revenus de la publicité contextuelle même sans les restrictions.
Paiements illégaux subordonnés à la préinstallation exclusive de Google Search
Google a accordé des incitations financières importantes à certains des plus gros fabricants d'appareils ainsi qu'à des opérateurs de réseaux mobiles, à la condition qu'ils préinstallent exclusivement Google Search sur toute leur gamme d'appareils Android. Cela a porté préjudice à la concurrence du fait de la réduction significative de leurs incitations à préinstaller des applications de recherche concurrentes.
L'enquête de la Commission a révélé qu'un moteur de recherche concurrent n'aurait pas pu compenser la perte des recettes liées aux paiements effectués par Google subie par un fabricant d'appareils ou un opérateur de réseaux mobiles tout en continuant à générer des bénéfices. En effet, même si ce moteur de recherche concurrent était préinstallé sur une partie des appareils seulement, ceux-ci devraient compenser la perte de recettes subie par ce fabricant ou cet opérateur de réseaux mobiles pour l'ensemble des appareils.
Google fait appel de cette décision
Les 90 jours donnés à Google seront bientôt écoulés. La société a décidé de faire appel de cette décision après son annonce. Cependant, selon le Wall Street Journal, Google a également déclaré ne pas envisager de demander de mesures provisoires pour suspendre l'application de la décision. Cela signifie que, si son appel est rejeté, Google devra respecter l’échéance fixée à ce mois d'octobre pour mettre fin au comportement jugé anticoncurrentiel par l'UE ou faire face à une amende record.
La Commission a estimé que Google a mérité cette lourde amende qui tient compte de la durée et de la gravité de l'infraction, mais qui surtout, faut-il le préciser, a été calculée sur la base de la valeur des recettes que Google réalise grâce aux services de publicité contextuelle sur les appareils Android dans l'EEE. Guillaume Roty, porte-parole de la représentation européenne à Paris, a expliqué que « les amendes de concurrence sont reversées aux États membres, au prorata de leur contribution au budget européen ». Ainsi, la France, qui contribue à hauteur de 15 % au budget européen, comme l'a indiqué le quotidien Le Parisien, pourrait donc récupérer un peu plus de 650 millions d'euros sur l’amende infligée à Google dans le dossier Android. Une fois l’amende reversée aux 27 États membres, chaque pays sera libre de l’utiliser à sa guise.
Sources : Commission européenne, Wall Street Journal
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