Dans un billet de blog, Rissacher raconte avoir eu du mal à dormir en pensant aux récentes stats de l’industrie indie, ainsi que les publications de certains développeurs, mais surtout du fait qu’il a passé 3 ans de sa vie à travailler sur son projet pour ne vendre que 4 copies de son jeu.
Son jeu a été acheté par des gens “généreux” qui ont déjà eu un accès gratuit, mais ils ont voulu quand même supporter son développement. Rissacher explique qu’avant qu’il mette son jeu en vente, il avait rencontré du succès, avec 368 personnes créant un compte gratuit. Selon ses stats, les gens ont passé 1080 heures à jouer et beaucoup le font de façon quotidienne ou hebdomadaire.
Tout portait à croire que le jeu allait réaliser des ventes, aussi minimes qu’elles soient, mais au moins il y aura des ventes. Mais entre la période de novembre 2017 et février 2018, sur les nouveaux 1016 visiteurs du site, aucune personne n’a acheté le jeu, débouchant donc vers un taux de conversion de 0 %. Certes, 1016 visiteurs n’est pas un grand nombre lorsqu’on parle d’internet, et peut-être que je dois augmenter le trafic du site, se demande Rissacher ; mais un taux de conversion de 0% n’est certainement pas encourageant.
Raz-de-marée du jeu vidéo indépendant
L'expression jeu vidéo indépendant, comme dans le secteur de la musique ou du cinéma, désigne des jeux vidéo créés sans l'aide financière d'un éditeur de jeux vidéo. Le jeu vidéo indépendant connait une montée en puissance depuis le début des années 2000, notamment grâce à la distribution dématérialisée des jeux vidéo.
Mais en 2014, l’industrie du jeu vidéo a connu énorme explosion, parfois appelée tsunami indie /indiepocalypse. Elle a commencé en 2014, juste avant que Rissacher ne se lance dans son projet.
On se rend compte de cette réalité en jetant un coup d’œil sur les ventes annuelles de jeux vidéo sur Steam jusqu’à 2017 :
Le nombre de jeux vidéo lancés chaque année sur Steam
Non seulement le nombre de jeux vidéo croît exponentiellement, mais aussi le rythme de lancement de nouveaux titres. Bien que beaucoup de jeux sont des shovelwares Unity (c’est à dire des jeux lancés de façon hâtive), beaucoup de titres sont peaufinés et ont requis beaucoup d’effort de développement. Seulement, seul un pourcentage minime de jeux a rendez-vous avec le succès, la plupart sont oubliés dans le raz-de-marée.
Ce souci qui hante désormais les créateurs a été débattu par quelques développeurs notables, certains ont été même surpris du manque de succès après le lancement de leurs derniers jeux.
Le jeu Scanner Sombre de Mark Morris et Chris delay a fait un flop total, malgré que ces développeurs ont connu une série de succès auparavant. De même pour The End is Nigh d’Edmund McMillen qui a réalisé des ventes modestes malgré le fait que le développeur réputé de la scène indé a déjà travaillé sur des blockbusters comme Super Meat Boy et Binding of Isaac. Cette situation Cliff Harris de Positech Games la résume parfaitement dans son blog :
« Vous êtes en train de lire les réflexions d’un type qui a commencé à coder depuis l’âge de 11 ans, a 36 ans d’expérience de codage, a livré plus d’une douzaine de jeux, dont beaucoup ont réalisé des millions de dollars, j’ai approché l’indé très tôt, je connais plein de gens de cette industrie et je suis relativement bien connu du public. Et malgré ça presque personne n’a couvert mon dernier jeu (dans les sites de gaming). La situation est extrêmement difficile en ce moment. »
Comme la plupart des joueurs, Luke a accumulé des douzaines de jeux achetés sur Steam à des prix modiques et auxquels il n’a jamais joué. À ce point, il se demande si le monde a besoin de plus de jeux.
« Alors, je suis découragé. Il apparaît que je suis arrivé très en retard à la fête, et il y a des bouteilles cassées et de fêtards évanouis partout. Il n’est pas inconcevable qu’Infinitroid ait encore une chance (je pense qu’il fait des choses bien, dont quelques-unes sont uniques), mais les perspectives apparaissent de plus en plus sombres jour après jour, » a écrit Luke.
En termes de chiffres
Luke a passé plus de 2600 heures à développer Infinitroid et a écrit 62 176 lignes de code (essentiellement en C++). Le jeu a réalisé juste 27,92 dollars, soit près de 0,01 $ l’heure. S’il a choisi de passer son temps à laver la vaisselle pour 7,25$ l’heure (un job 725 fois plus lucratif), il aurait gagné 19 000 dollars.
« Je ne suis pas stupide, j’ai eu de bons résultats au SAT. Je suis discipliné, j’ai une bonne éthique de travail et j’aime ce que je fais. J’apprends en permanence, j’évalue constamment mon travail et essaye de nouvelles approches. Dois-je échouer à ce point ? » se demande Luke.
« Bien sûr, l’argent n’est pas tout, je me suis amusé à développer et partager ce jeu. Mais j’ai espéré créer quelque chose que beaucoup de gens vont essayer et apprécier, et rentabiliser un peu l’investissement de mon temps, au point d’en faire peut-être une carrière indépendante. »
Malgré cette déroute, le développeur ne compte pas baisser les bras pour autant. Il avait écrit en février qu’il comptait se concentrer sur la promotion de son jeu et explorer de nouvelles approches pour réaliser plus de ventes. Luke a commencé aussi à considérer son jeu comme étant un projet passe-temps, et il a compté le traiter ainsi dans les jours à venir. De cette façon, il a compté y travailler seulement lorsqu’il en avait envie, et continuer à améliorer les graphismes et la musique, ajouter de nouveaux niveaux et publier un produit fini dont il est fier même s’il ne rencontre pas le succès commercial attendu.
Le post est vite devenu viral et a recueilli des centaines de commentaires. Beaucoup de personnes ont apprécié les graphismes du jeu, mais ont reproché au développeur d’imposer la création d’un compte pour pouvoir y jouer. Pour eux, la raison de son flop est qu’il faut impérativement s’enregistrer, une tâche laborieuse pour la plupart des internautes qui ont déjà des centaines de comptes pour différentes plateformes. Si Luke a échoué, c’est principalement en raison de ces choix, et non pas le fait que les gens refusent de payer quelques dollars pour acheter son jeu.
Voyant que son article est devenu viral, Luke est revenu avec une mise à jour pour informer des derniers développements. Il a informé que depuis son post en février, il a rendu le jeu gratuit. Il a néanmoins tenu à remercier les gens qui ont acheté le jeu durant l’accès anticipé.
Le développeur a admis avoir ignoré beaucoup de choses, mais qu’il a quand même beaucoup appris en se lançant dans ce projet, notamment lors de l’écriture du moteur de jeu : maitriser la performance, la simulation en temps réel, la complexité algorithmique, les caractéristiques matérielles, etc. Des concepts qui l’ont aidé dans son travail de développeur web.
Le développeur a informé que depuis deux semaines, il travaille sur la finalisation du jeu. Il compte ajouter un nouveau personnage, apporter des améliorations aux animations, l’environnement, HUD, le trailer, le site web et terminer l’histoire. Il ne s’attend toujours pas à un grand succès, mais il a dit qu’il serait heureux de finir ce grand projet.
Conclusion
Si vous jetez un coup d’œil sur les jeux vidéo indépendants à succès (Terraria, Factorio, Mini Metro, Stardew Valley, Darkest Dungeon, Papers Please…), vous ne pouvez pas imaginer un autre scénario où ils auraient été un échec.
Et si vous cherchez à savoir pourquoi ils sont à succès, vous allez réaliser qu’ils sont extrêmement bien réalisés et cohérents. Aucun de ces jeux n’incorpore des graphismes réalistes dignes des titres AAA, mais ils sont quand même bons à voir. Aucun de ces jeux ne constitue une copie d’un jeu déjà existant. C’est juste qu’ils sont uniques apportant quelque chose totalement nouvelle ou bien ils améliorent considérablement quelque chose qui a déjà existé.
Maintenant, pourquoi entend-on parler de ces histoires d’échec de jeux indépendants ? D’abord il y a l’explosion du nombre de jeux lancés comme on vient de voir. Mais il y a aussi le fait qu’ils sont tous génériques. Ils n’offrent rien de spécial alors qu’ils entrent dans un marché de jeux déjà saturé. En ignorant cette réalité, les auteurs continuent de travailler dur sur leurs jeux sans se rendre compte qu’ils vont droit dans le mur.
Cette question un développeur la résume parfaitement : « il n’est pas nécessaire d’être le meilleur codeur ou le meilleur artiste pour développer un jeu à succès, il suffit de comprendre ce qui rend un jeu agréable et amusant. »
Source : blog Infinitroid
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