Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique, sera en déplacement à Nantes jeudi. Dans un entretien, il a assuré que « Pour la première fois, le gouvernement va investir une somme de 75 à 100 millions dans les prochaines années pour former chaque année 1,5 million de Français parmi les plus éloignés du numérique. Cela concerne 13 millions de personnes en tout. Notre objectif étant de leur proposer un pass numérique avec de 10 à 20 heures de formation. Ce pass d’une valeur de 50 € à 100 ;€ sera distribué par Pôle emploi, la CAF, l’assurance maladie ou les villes, les agglomérations et les départements ».
L’objectif de cette manœuvre est de résorber la fracture numérique qui crée encore beaucoup de disparités en France. D’ailleurs le secrétaire général parle de double fracture numérique notamment sur le plan de l’accessibilité avec l’internet mobile et l’internet à très haut débit et sur celui des usagers eux-mêmes. Pour la première, l’État va investir à hauteur de 3 milliards d’euros auprès des opérateurs sur les réseaux mobiles.
Pour ce qui concerne les usagers, le secrétaire note que « nous nous apercevons que 20 ;% des Français ne savent pas utiliser les outils numériques. Une récente étude le révèle. Quand on cherche un emploi, c’est plus long d’un mois si on n’utilise pas internet. Quand on achète des produits, on les paie plus cher. Les Français, aussi, ont accès à moins d’informations, ils ont moins de contacts avec leur famille, ce qui pose des soucis par rapport au lien social. Et quand l’État s’efforce de mettre en ligne de plus en plus de services publics, la fracture s’accentue ».
Fabrice Rémy, directeur associé du cabinet de Conseil Aneo et expert en organisation des entreprises, s’est intéressé à la faisabilité du programme. « 100 millions d'euros pour former 13 millions de personnes, équivaut en somme à moins de 8 euros par personne », a-t-il relevé.
Dès lors, il convient de s’interroger sur ce que représentent réellement les fractures numériques. Si la formation doit sensibiliser aux nouveaux outils numériques et permettre déjà de découvrir les usages fondamentaux du quotidien (utiliser un ordinateur pour chercher un emploi, faire ses courses ou gérer ses affaires administratives) alors « avec 20% de la population qui se dit mal à l'aise avec les outils numérique, l'idée semble avoir du sens, à la base », selon Fabrice Rémy.
Une mesure encourageante ?
Mais dès lors que nous allons un peu plus loin, par exemple lorsque nous abordons les difficultés des français avec le numérique dans l'univers professionnel, le contenu de ces formations va-t-il suffire à mettre tout le monde au même niveau dans l'environnement professionnel de chacun ?
D’ailleurs, comme le souligne le secrétaire d’État, « Nous constatons aussi que si les jeunes de 18-30 ans sont à l’aise sur l’utilisation du numérique des loisirs, il n’en va pas de même pour l’utilisation des démarches administratives en ligne. Dès qu’il faut remplir un document sur internet, ils sont paralysés ;! Il faut aussi agir auprès d’eux ».
Il ne s’agit donc pas seulement de former des personnes qui n’ont pas de notions de l’outil informatique, puisque même celles qui s’en servent pour des loisirs sont concernées. Après tout, savoir lancer un film sur VLC ou démarrer son jeu Candy Crush ne suffit pas à se dire que nous savons nous servir de l’outil informatique. Dès lors, ces séances de découvertes vont-elles permettre à l’État d’atteindre son objectif ?
Fabrice Rémy estime que non lorsqu’il déclare « Si le principe d'une remise à niveau générale pour celles et ceux qui en ont besoin n'est pas critiquable, en revanche l'affichage d'un objectif aussi ambitieux que la réduction de la fracture numérique est peu crédible aux regards des transformations en cours dans l'univers professionnel ». Comme il le rappelle, « Apprendre à démarrer une voiture n'est pas suffisant pour obtenir son permis ».
Il faut quand même se demander si Fabrice Rémy n'a pas été trop rapide dans son calcul. Lorsque Mounir Mahjoubi parle de 13 millions de personnes concernées, est-ce à dire que les 100 millions d'euro seront dédiées à ces 13 millions de personnes ou que les bénéficiaires feront parti de ces 13 millions de personnes ? La seconde réponse semble la plus plausible dans la mesure où Mounir Mahjoubi a parlé de pass d'une valeur de 50 à 100 euros, ce qui n'aurait pas été possible d'après le calcul de Fabrice Rémy qui compte environ 8 euros par personne.
En parallèle, le secrétaire d’État a déclaré vouloir agir pour éviter la dépendance aux réseaux sociaux : « Cet été, j’ai moi-même désinstallé Twitter et Facebook de mon téléphone car je passais trop de temps à lire les notifications. Nous souhaitons lancer une consultation pour identifier les comportements qui inquiètent les familles. C’est un champ d’investigation intéressant, avec une obligation de transparence, sur le temps qu’on y consacre. Il faut mieux informer les internautes, et notamment les parents vis à vis de leurs enfants. Certaines plateformes informent volontairement sur le temps passé sur les réseaux sociaux, d’autres pas. Cette démarche pourra aller jusqu’à la création d’une loi, mais il faut garder à l’esprit que nous ne sommes pas dans une société qui dicte aux gens la façon dont ils doivent se comporter ».
Source : entretien avec le secrétaire d'Etat
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Le , par Stéphane le calme
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