Depuis 2015, Defence Distributed, une entreprise texane, souhaite mettre à la disposition du public des fichiers 3D afin de donner aux internautes la possibilité de télécharger des modèles 3D d’armes à feu pour les fabriquer avec des imprimantes 3D. Vu les dérives que ces fichiers mis à la disposition du public pourraient occasionner, le département d’État a ordonné en 2015 la suppression des fichiers 3D qui avaient déjà atterri sur la toile et interdit sa diffusion.
Voyant l’objet de ses activités être freiné par l’ordonnance du département d’État, Defence Distributed a porté plainte contre le gouvernement devant la justice américaine. Depuis lors, les deux entités sont aux prises dans une bataille juridique. Devant deux juges fédéraux, le gouvernement fédéral a eu à défendre son action qui a été approuvée par ces derniers et même devant la Cour Suprême. Plusieurs années après le début de ce procès, Defence Distributed réussit à obtenir un accord avec le département d’État. Accord à la suite duquel le département d’État a modifié certaines dispositions sur la loi d’exportation des armes (Catégorie I de la United States Munitions List) pour donner autorisation à Defence Distributed de mettre sur la toile ses fichiers 3D servant à imprimer des armes à feu en plastique. Par ailleurs, en plus de cette autorisation, Defence Distributed a obtenu du département d’État une compensation de 40 ;000 dollars pour les frais juridiques.
À la suite de cet accord, de nombreuses personnes et organisations se sont offusquées du fait que ces fichiers 3D pourraient être utilisés par des terroristes et d’autres personnes malveillantes pour fabriquer des armes à feu indétectables par les équipements usuels comme les magnétomètres dans les aéroports. Vingt-et-un (21) États représentés par vingt-et-un (21) procureurs généraux menés par le procureur de Washington DC ont rédigé une lettre ouverte pour décrier le revirement du département d’État. En plus d’avoir ouvertement manifesté leur désapprobation à travers cette lettre, Bob Ferguson, le procureur général de Washington DC et 7 procureurs généraux d’autres États ont porté plainte contre l’administration Trump auprès d’une Cour de justice fédérale à Seattle pour s’opposer à cette nouvelle disposition.
Jugement préliminaire rendu par la Cour
Lundi dernier, le juge de district Robert Lasnik a donné un premier jugement sur cette affaire et s’est prononcé contre la distribution des fichiers 3D en imposant une ordonnance restrictive temporaire interdisant le département d’État d’appliquer la modification temporaire de la Catégorie I de la United States Munitions List. Dans son exposé, le juge a accueilli favorablement la plainte des demandeurs, car en modifiant la Catégorie I de la United States Munitions List, le département d’État a indirectement transgressé une autre loi qui est celle de ne pas avoir officiellement notifié le Congrès de la modification de cette loi, ce qui rend invalide cet amendement. Toutefois, le gouvernement soutient qu’il n’a fait que retirer une catégorie et non un article, ce qui n’impose pas de notifier le Congrès. Avis qui n’est pas partagé par le juge.
Du problème de droit avec les fichiers 3D
À travers cette affaire se pose le problème de l’application du 1er et du 2e amendement des États-Unis. Le 1er amendement stipule que « ;le Congrès ne pourra faire aucune loi ayant pour objet l’établissement d’une religion ou interdisant son libre exercice, de limiter la liberté de parole ou de presse, ou le droit des citoyens de s’assembler pacifiquement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour qu’il mette fin aux abus ;». Et le 2e amendement soutient qu’une « ;milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. ;»
La problématique que soulève le 1er amendement est que toute personne ayant le droit de s’exprimer en vertu de cette loi constitutionnelle, il n’est donc pas permis au juge de priver un tiers de ce droit. Et selon les défendeurs, en ordonnant cette injonction préliminaire, ce droit leur est ôté. Mais pour le juge, l’argument du premier amendement soulève un certain nombre de problèmes complexes. Le langage informatique est-il un discours ;?
Si oui, est-il protégé par le premier amendement ;? Pour répondre à ces questions, il faudrait déterminer la nature des fichiers en cause ici, souligne le rapport du tribunal. Sont-ils écrits et conçus pour interagir uniquement avec un ordinateur en l’absence de l’intercession de l’esprit ou de la volonté du destinataire ou est-ce un moyen expressif pour l’échange d’informations concernant la programmation informatique et/ou la fabrication d’armes ;? Les contrôles à l’exportation de l’ITAR constituent-ils une entrave préalable donnant lieu de croire qu’ils sont inconstitutionnels ;? L’AECA est-elle une loi règlementaire générale non destinée à contrôler le contenu de la parole, mais limitant incidemment son exercice sans entraves ;?
Le second amendement quant à lui est l’argument d’appui de Defence Distributed. Et rien ne dit que l’arme fabriquée avec ces fichiers 3D servira à tuer une personne. Peut-être sera-t-elle utilisée pour les besoins de la science ou des démonstrations, etc. Et si ces armes plastiques sont dangereuses pour la sécurité publique, n’existe-t-il pas déjà des armes en plastique conçues sans fichiers 3D ;? Qu’en est-il de leur dangerosité ;?
Ne pouvant répondre immédiatement aux questions soulevées par le 1er amendement, la Cour avance que les droits de Defence Distributed liés au 1er amendement ne sont pas abrogés, mais abrégés. La règlementation de l’AECA signifie que les fichiers ne peuvent pas être téléchargés sur Internet, mais peuvent être envoyés par courrier électronique, transmis en toute sécurité, ou autrement publiés aux États-Unis.
Aussi, vu que ces fichiers 3D pourraient avoir de graves conséquences sur les intérêts publics s’ils restaient accessibles à tout le monde sur la toile, la Cour estime que les droits irréparables sur les droits des défendeurs privés sont réduits à néant par les dommages irréparables que les États risquent de subir si les restrictions existantes sont levées et que, dans l’ensemble, l’intérêt public appuie fermement le maintien du statuquo par ce litige. Pour toutes les raisons qui précèdent, la requête en injonction préliminaire des demandeurs est accordée.
En attendant la suite de cette affaire, les fichiers qui sont frappés par cette injonction préliminaire ont été déjà récupérés par certains et se baladent aux quatre coins de la toile.
Source : Jugement préliminaire de la Cour de Seattle
Et vous ?
Quel est votre avis sur cette affaire ;?
Pensez-vous que ces fichiers 3D pour l’impression des armes à feu en plastique pourraient rendre le monde moins sûr qu’avant ;?
Ou pensez-vous que les arguments de sécurité avancés par les détracteurs de ces fichiers relèvent de la paranoïa ;?
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Le , par Olivier Famien
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