Dans un billet de blog, le designer et développeur Nick Heer a vivement décrié ce qu’il appelle le « bullshit web ». Pour lui, le terme « bullshit web » décrit le manque de lien entre la description faite de l’internet actuel et la réalité. Il écrit que la connexion Internet moyenne aux Etats-Unis est environ six fois plus rapide qu’il y a dix ans. Cette vitesse élevée permet peut-être de visionner des films en HD, en 4K ou encore de voir des photos plus détaillées, mais une grande partie de ce que nous voyons n’est qu’une accumulation de déchets, ajoute-t-il.
Il cite en exemple un article de CNN qui a mis plus de 30 secondes à se charger. La page contenait 11 polices web (414 Ko), 4 feuilles de style (315 Ko), 20 cadres, 29 requêtes HTTP XML (environ 500 Ko) et environ une centaine de scripts ; un grand nombre de ressources n’étant pas directement liées aux informations sur la page. Certains des scripts n’existaient même qu’à des fins de surveillance et de publicité. Précisant que presque toutes les pages d’articles de CNN contenaient des vidéos à lecture automatique, Nick Heer a tenu à rappeler à quel point ces vidéos sont moins appréciées du grand public.
Les images d’en-tête et les polices web sont autant d’éléments qui, sans pour autant être intrusifs sur le plan offensif, sont souvent inutiles. Établissant un parallèle avec la circulation routière, le développeur commente que la construction de routes plus larges ne réduit pas le temps de déplacement d’un point à un autre. Cela incite juste plus de gens à conduire. Il ajoute que c’est exactement la même situation avec Internet mais avec une bande passante plutôt qu’une voie et des octets plutôt que des voitures.
Partant de l'hypothèse selon laquelle toute bande passante supplémentaire offerte aux développeurs Web sera immédiatement exploitée, la seule solution envisageable pour Nick Heer serait de réduire la quantité d'octets à transmettre. Et même si on construit spécialement une réplique exacte mobile de chaque page pour être plus rapide, ces répliques dépendent entièrement d’octets supplémentaires. C’est la prémisse d’AMP, un ensemble d'éléments HTML standard et d'éléments spécifiques sur une page spécialement légère qui nécessite un fichier JavaScript de 80 kilo-octets pour être chargé correctement.
Une série de facteurs fait qu’AMP dépend de Google pour afficher son balisage de base. Ce qui, pour une plateforme aussi ouverte que le web, semble tout particulièrement étrange. Ainsi, selon Nick, si AMP a eu du succès, ce n’est donc pas forcement parce que les pages AMP sont meilleures (même si c’est un élément non négligeable), mais plutôt parce que Google l’a voulu. Il vous suffit de lancer une recherche sur Google pour en avoir la preuve, dit-il. Vous ne verrez que des pages AMP au carrousel d’actualités situé au-dessus des résultats de recherche. Google aurait même ouvertement admis qu’elle faisait la promotion des pages AMP et que le carrousel d’actualités était limité à ces seules pages.
L’entreprise insiste sur le fait que les pages AMP sont plus rapides et donc meilleures pour les utilisateurs. Nick Heer informe cependant que les pages AMP ne sont pas intrinsèquement plus rapides que les pages non-AMP et que Google a un conflit d'intérêt évident dans la promotion du format. Le secret de la rapidité apparente du format AMP, c’est qu’il restreint les types d'éléments pouvant être utilisés sur une page et limite considérablement les scripts pouvant être utilisés. Ainsi, si vous disposez d’un hôte relativement rapide et que vous n’utilisez pas de scripts sur votre page, vous pourrez obtenir une vitesse comparable à celle des pages AMP.
« Le bullshit a un effet cumulatif. En isolement, les quelques secondes nécessaires pour charger une partie supplémentaire de surveillance JavaScript ne sont pas très importantes. Il en est de même pour le temps nécessaire pour masquer une boite d’abonnement email ou pour arrêter une vidéo en lecture automatique. Toutefois, ces actions se combinent sur une seule page web, puis sur plusieurs sites web et ces augmentations de temps minimes en apparence finissent par devenir un miasme tourbillonnant de frustration et de douleur », commente Nick Heer.
Il continue en écrivant que les utilisateurs ont commencé à réellement prendre les choses en main. L’utilisation des bloqueurs de publicité dont certains bloquent même les scripts de suivi est en pleine expansion. Les utilisateurs choisissent désormais de ne plus laisser le « bullshit web » leur dicter comment naviguer. Et c’est un choix que Nick Heer estime que les utilisateurs ne devraient pas avoir à faire. Il estime qu’il relève de la responsabilité des développeurs de faire en sorte que les utilisateurs n’aient pas à affronter de pareilles situations. « Nous ne tolérerions pas un tel comportement intrusif plus généralement, alors pourquoi devrions-nous le trouver acceptable sur le web », conclut-il.
Il convient cependant de rappeler que la grande majorité des utilisateurs d’Internet n’ont absolument aucune idée de ce qu’est un script et que même après avoir suivi un cours complet sur le sujet, ils ne seraient toujours pas en mesure de bloquer efficacement les scripts.
Source : Billet de blog
Et vous ?
Qu'en pensez-vous ?
Quelle serait la cause de la lenteur du net malgré la largeur des bandes passantes à votre avis ?
Pensez-vous comme Nick que la technologie AMP de Google n'est pas vraiment la solution ? Pourquoi ?
Comment pensez-vous qu'on peut régler ce problème ?
Voir aussi
Comment contourner la censure sur Internet ?
Que se passe-t-il en une minute sur Internet en 2018 ? Quelques statistiques intéressantes qui soulignent la grande activité sur le Web
La technologie AMP de Google est une menace pour le web ouvert, selon un développeur évoquant des pratiques anticoncurrentielles et monopolistiques
Google veut propulser de nouveaux standards Web inspirés de sa technologie AMP pour rendre l'ensemble du Web plus rapide
Le projet AMP de Google est censé être open source et améliorer l'expérience utilisateur mais des rapports remettent en cause ce projet
La largeur de la bande passante d'Internet ne rend pas pour autant la navigation plus rapide
Et un développeur Web explique pourquoi
La largeur de la bande passante d'Internet ne rend pas pour autant la navigation plus rapide
Et un développeur Web explique pourquoi
Le , par Bill Fassinou
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !