Toshiba est à l’origine de la révolution des supports d’enregistrement les faisant passer de la bande magnétique à la mémoire flash, support de stockage électronique non volatile à semi-conducteurs. Le conglomérat a développé une mémoire flash de type EEPROM (Erasable Programmable Read-Only Memory) en 1984 et mis au point, en 1987, la toute première puce de mémoire flash NAND au monde. Ce qui a fait de la société la première entreprise au monde à développer une mémoire flash NAND, ouvrant la voie aux smartphones des décennies plus tard.
Pour rappel, la mémoire flash NAND est une mémoire de masse à semi-conducteurs réinscriptible, à l’image de la mémoire vive, mais à la différence que les données qu’elle stocke ne disparaissent pas lors d'une mise hors tension. C’est une mémoire de type EEPROM.
A la base de cette prouesse mondiale, il y a l’équipe du département de la mémoire de Toshiba créée dans les années 1980 avec un budget annuel insignifiant de centaines de milliers de dollars qui ne l’a pas empêché d’ouvrir la voie à l'application pratique de la mémoire flash, sous la direction de Masuoka. Fujio Masuoka est un ingénieur japonais dont la photo figure, au Computer History Museum de la Silicon Valley, parmi celles des ingénieurs qui ont façonné la révolution informatique tels que Steve Jobs, Bill Gates et d'autres.
Sous la direction de Masuoka, l'équipe a examiné de près les structures et les matériaux des circuits, travaillant dur. Leurs efforts ont été largement récompensés par l'activité mémoire de Toshiba, selon Nikkei. Et aujourd’hui, cette mémoire est indispensable au fonctionnement de la multitude des smartphones permettant aux utilisateurs de prendre des photos et d'écouter de la musique. Le département de la mémoire de Toshiba en était devenu le joyau de la société qui lui permettait de réaliser des bénéfices d'exploitation de plus de 400 milliards de yens (3,63 milliards de dollars) par an, selon Nikkei.
Mais en dessous de la photo de Masuoka, au Computer History Museum de la Silicon Valley, il est noté « a inventé la mémoire, mais se sent oublié. » Masuoka « a inventé la mémoire flash en travaillant pour Toshiba en 1984. L'idée de Masuoka a été louée, pas Masuoka », selon la légende de la photo. « Insatisfait de l’échec de Toshiba dans la récompense de son travail, Masuoka a démissionné pour devenir professeur à l'Université de Tohoku. »
L'histoire de l'ingénieur est, non seulement le début du départ des ingénieurs du département de mémoire de Toshiba, mais également un avertissement sévère pour les décideurs politiques japonais et les entreprises qui luttent pour maintenir la position du Japon en tant qu'acteur majeur de haute technologie.
L’ingénieur, qui a démissionné en 1994 suite à sa nomination à un poste honorifique, après ces brillants résultats, n’a pas profité des bénéfices de ses recherches. Une décennie plus tard, Masuoka a déposé une plainte contre Toshiba, exigeant 1 milliard de yens en compensation pour son travail dans le développement de la mémoire flash afin de continuer les recherches : « Je veux juste poursuivre la recherche et le développement, les ingénieurs japonais doivent être récompensés. » Répondait-il à ceux qui le traitaient de gourmand.
Au Japon, les ingénieurs qui sont à l’origine des brevets sont mal récompensés. Ils bénéficient juste d’un bonus en espèce, les brevets revenant à l’employeur. Les collaborateurs de Masuoka ont déserté le département un à un. Et la fuite des compétences, vers des sociétés qui traitent mieux les ingénieurs, a atteint le secteur de la puce des autres sociétés japonaises telles que Hitachi, NEC, Sony en 1990, selon Nikkei.
Les entreprises comme Samsung, Huawei et autres sont passées à la haute technologie aidées par l'exode des compétences japonaises
Dans les années 2000, Toshiba a revu à la hausse les bonus versés aux développeurs de nouveaux brevets à 100 000 yens et a commencé à proposer une rémunération plus élevée pour les ingénieurs, rémunération qui reste tout de même inférieure aux normes internationales. Les départs se sont poursuivis surtout avec l’avènement des chasseurs de têtes qui recrutent activement des compétences de Toshiba depuis l'année dernière, au profit des conglomérats tels que Samsung, Huawei, en payant un salaire annuel de 10 millions de yens ou plus. Par ailleurs, Toshiba a abandonné le projet de Masuoka au profit d’une équipe internationale d'acheteurs dirigée par la société américaine de capital-investissement, Bain Capital. Néanmoins, Toshiba reste dans le capital à hauteur de 40 %.
Ce départ en grande masse des ingénieurs du secteur de la mémoire de Toshiba et d’autres sociétés japonaises, attirés par les entreprises étrangères, va à l’encontre des efforts de protection de l’industrie nationale de la mémoire menés par le gouvernement.
Source : Nikkei
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