Après la publication du rapport de Cédric Villani mercredi, Emmanuel Macron a levé hier le voile sur sa stratégie pour faire de la France l'un des leaders mondiaux de l'intelligence artificielle. Il s'inspire, sinon valide les grandes idées proposées par le député LREM, à quelques changements près.
Le président français se montre en effet plus réaliste que le mathématicien Cédric Villani et exclut l'idée de doubler les salaires des talents de l'IA. Le doublement des salaires en début de carrière dans l'IA, pour Cédric Villani, était pourtant un « minimum indispensable » pour endiguer la fuite des cerveaux. Mais Macron préfère plutôt s'inspirer d'autres propositions faites par le député. Pour empêcher les chercheurs et ingénieurs français en IA d'aller dans les bras des géants de la Silicon Valley, il compte par exemple lancer un « programme national », coordonné par l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). L’objectif de ce programme sera de faire émerger « un réseau d’instituts dédiés localisés dans quatre ou cinq endroits en France », accompagné par un programme de chaires individuelles, afin « d’attirer les meilleurs chercheurs mondiaux et de doubler les capacités de formation en IA ».
Macron a toutefois annoncé le déblocage d'une enveloppe de 1,5 milliard d'euros jusqu'en 2022 pour soutenir le développement et la recherche en IA en France. Dans ce fonds, un montant de 400 millions d’euros sera utilisé pour des « appels à projets et de défis d’innovation de rupture », a-t-il annoncé jeudi après-midi au Collège de France. Ces fonds seront issus de redéploiements budgétaires, de fonds publics existants et du nouveau fonds pour l’innovation de 10 milliards d’euros, censés produire 260 millions d’euros de ressources publiques par an. Une enveloppe de 100 millions d’euros et de 70 millions d’euros les années suivantes sera consacrée à l’amorçage de start-up dans l’intelligence artificielle et la deep tech.
Emmanuel Macron compte aussi « augmenter la porosité entre la recherche publique et le monde industriel ». Ainsi, les chercheurs français pourront à terme consacrer 50 % de leur temps à un groupe privé. Aujourd'hui, ils ne peuvent pas consacrer plus de 20 % de leur temps à une entité privée. Si cette mesure peut faciliter le transfert de connaissances entre la recherche publique et le monde industriel, elle pourrait notamment permettre d'augmenter un peu les rémunérations des chercheurs dans le public.
Le président français adhère aussi à l'idée de Cédric Villani en ce qui concerne l’ouverture de certaines données d’intérêt général. La politique en matière d’ouverture des données sera donc étendue pour rendre un plus grand nombre de bases de données publiques accessibles. Il souhaite toutefois que la France ne se disperse pas, et concentre ses forces dans les domaines où elle dispose déjà d'une grande quantité de données. Macron a donc décidé de mettre l'accent sur la santé, où l'Hexagone possède, selon lui, un avantage lié à la centralisation de ses bases de données. L'Élysée a donc annoncé la création d'un « Health Data Hub » qui « pilotera l'enrichissement continu et la valorisation du système national des données de santé, pour y inclure à terme l'ensemble des données remboursées par l'assurance-maladie, les données cliniques des hôpitaux, des données de la médecine de ville...»
Ces données seront ouvertes aux acteurs de l'IA dans un cadre sécurisé et garantissant la confidentialité pour, comme l'espère Emmanuel Macron, développer des « innovations majeures », comme l'amélioration du traitement des tumeurs cancéreuses, ou la détection des arythmies cardiaques ; et permettre à l'État de faire d'importantes économies.
Emmanuel Macron a également insisté sur les enjeux sociaux, éthiques et démocratiques liés à l'essor de l'IA. Il pense que les États doivent s'interroger sur valeurs que l'IA doit servir, afin de tracer des lignes rouges. Pour cela, il souhaite notamment lancer une réflexion mondiale sur « le contrôle et la certification » des algorithmes. Il a donc appelé à la création d'un groupe d'experts intergouvernemental qui sera chargé de mener une réflexion prospective sur les impacts éthiques de l'IA.
Une stratégie IA accompagnée par les géants de la technologie
La France a à peine déballé sa stratégie que les géants de la technologie semblent déjà la trouver comme un endroit propice à leurs investissements. Facebook, Google, Samsung, IBM, Fujitsu, Microsoft ont déjà annoncé de nouveaux investissements en IA dans l'Hexagone.
Au mois de janvier, Facebook a annoncé un investissement de 10 millions d'euros dans l'IA, et noué un partenariat avec Pôle Emploi, pour former 50 000 chômeurs au numérique d'ici 2019. À l’occasion du lancement de la stratégie nationale sur l’intelligence artificielle, IBM a également annoncé jeudi un plan d’investissements en France dans ce domaine. Big Blue veut notamment recruter 400 experts d'intelligence artificielle dans l'Hexagone d'ici deux ans. Du côté de Google, il y a deux annonces. Google France a décidé d'apporter un soutien financier à l’École polytechnique pour lancer en septembre une chaire internationale dédiée à l’intelligence artificielle. En plus de cela, on notera l'arrivée prochaine à Paris de DeepMind, la filiale de Google spécialisée en machine learning. Le Français Rémi Munos, l’un des principaux chercheurs de DeepMind et auteur de 150 articles scientifiques, fera ainsi son retour dans son pays, pour diriger le nouveau laboratoire de la filiale de Google.
Le géant sud-coréen Samsung a également choisi la France pour implanter son nouveau centre de recherche sur l'intelligence artificielle, ce qui va permettre de créer plus de 100 emplois ; une nouvelle dont s'est réjoui Emmanuel Macron sur Twitter.
Mais ce n'est pas tout. Fujitsu a également décidé d'étendre ses activités de recherche en IA en France. Et pendant ce temps, Microsoft investit 30 millions de dollars sur trois ans en France afin de développer une « IA de confiance » dans l'Hexagone. La firme de Redmond annonce en effet la création d’Impact IA, « un collectif de réflexion et d’action », et le lancement de Compétences IA, « un programme national fondé sur l’acquisition de compétences autour de l’IA, du cloud et du code pour tous. » D'après Reuters, l’objectif de Microsoft, d'ici trois ans, est de sensibiliser et former 400 000 personnes, tous profils confondus, avec, à la clé, la création de 3000 nouveaux emplois au sein de l’écosystème numérique français. « Nous sommes convaincus que la France dispose d’atouts majeurs pour contribuer activement et positivement au développement de technologies de l’intelligence artificielle dans le respect et l’intérêt de l’Humain », a expliqué Carlo Purassanta, président de Microsoft France dans un communiqué.
Sources : Le Parisien, La Tribune, Le Monde, Reuters (Annonce Microsoft), Reuters (Annonce Google), Blog DeepMind, Communiqué de Fujitsu
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Avec ces investissements, vous attendez-vous à un chômage tendant vers zéro dans le numérique dans quelques années ?
Macron veut investir 1,5 milliard d'euros dans l'intelligence artificielle,
Mais exclut l'idée de doubler les salaires suggérée par Cédric Villani
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Le , par Michael Guilloux
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