Au début de cette année, des informations ont fuité sur la fameuse Directive du Parlement européen et du Conseil sur le copyright, un projet de réforme des droits d’auteur dans le cadre du marché numérique unique. Deux articles dans le texte de l’UE avaient particulièrement provoqué pas mal de remous. Le premier, l’article 11, traitait du droit de reproduction des publications de presse et de les rendre accessibles au public. Le second, l’article 13, préconisait d’obliger les services d’hébergement d’œuvres à surveiller les téléversements (upload) de leurs utilisateurs, en mettant par exemple en place des technologies de filtrage des contenus.
Après plusieurs mois à discuter du projet de réforme en interne, le mois dernier, la présidence de l’UE a fini par faire des propositions de compromis concernant un certain nombre d’articles, y compris les plus controversés : les articles 11 et 13. Mais il semble qu’ils n’ont réussi qu’à faire en sorte que la réforme européenne sur le droit d'auteur soit encore plus nuisible que la proposition initiale de la Commission.
Pendant ce mois d’octobre, la proposition a été encore débattue au sein de l’UE. Et d’après une fuite relayée par l’eurodéputée Julia Reda qui milite pour la liberté d’Internet, trois gouvernements sont derrière le filtrage automatique des contenus mis en ligne par les internautes. Il s’agit de la France, l’Espagne et le Portugal. Les trois pays déclarent explicitement qu’ils veulent supprimer entièrement la protection des plateformes d’Internet, qui aujourd’hui ne sont pas responsables du contenu que leurs utilisateurs publient. Il faut en effet noter qu’en vertu de l'article 14 de la directive sur l'e-commerce, certaines plateformes de partage de contenu bénéficient de l’exemption de responsabilité légale du matériel téléchargé par leurs utilisateurs.
Pour contraindre les entreprises d’Internet à surveiller ce que leurs utilisateurs mettent en ligne, le texte proposé pour l'article 13 par les trois pays veut donc rendre obligatoire pour les plateformes en ligne de « prendre des mesures appropriées et proportionnées, en ce qui concerne leur public et leurs revenus, pour assurer la protection des œuvres » même si ces plateformes « sont éligibles à l'exemption de responsabilité prévue à l'article 14 [de la directive sur le commerce électronique] ».
Comme l’explique Julia Reda, cela veut dire que chaque application, chaque site Internet et chaque start-up permettant aux utilisateurs de mettre en ligne du contenu et d’offrir « des fonctionnalités comme la catégorisation, la recommandation ou des playlists » pourraient être directement poursuivis en justice pour n’importe quelles infractions au droit d’auteur que commettraient leurs utilisateurs.
Cette proposition défendue par la France va également susciter un problème qui a été souligné dans une récente lettre conjointe signée par 27 organisations de la société civile de toute l'Europe : « L'obligation de filtre de contenu mis en ligne proposée permettra de construire un système où les citoyens seront confrontés à des plateformes d'Internet qui bloquent la mise en ligne de leur contenu, même si c'est une utilisation parfaitement légale du contenu sous copyright. »
La proposition de la France, de l’Espagne et du Portugal a été ajoutée à l'ordre du jour de la réunion du 18 octobre du groupe de travail du Conseil de l'UE sur le droit d'auteur par l'actuel président estonien du Conseil. Le groupe de travail, comme tant d'autres impliqués dans la prise de décision au sein du Conseil, publie les ordres du jour de ses réunions, mais ne produit aucun compte rendu public.
D’après Julia Reda, ces trois gouvernements prétendent représenter l’intérêt de leurs citoyens alors qu’ils présentent ce projet. Si vous vivez en France, en Espagne, ou au Portugal, mais que vous ne supportez pas cette proposition, elle vous invite donc à le dire à vos élus, sachant que le projet final devrait être adopté avant la fin de l’année.
Sources : Julia Reda, State Watch
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UE : la France et deux autres pays militent pour le filtrage automatique des contenus mis en ligne
Dans le cadre de la réforme sur le droit d'auteur
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Le , par Michael Guilloux
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