Alors que le commissaire européen du Numérique Günther Oettinger va quitter son poste pour occuper la tête du budget européen, le Parti pirate alerte les internautes sur l’héritage qu’il va laisser. Il s’agit d’un ensemble de propositions qui pourraient menacer deux des bases fondamentales de l’internet, à savoir les liens et les téléchargements de fichiers.
Pour information, le Parti pirate (PP) est un parti politique fondé en France en 2006 et adhérent au Parti pirate international. Son programme se développe sur la base de la protection des droits et libertés fondamentales, aussi bien dans le domaine numérique qu'en dehors. Le Parti pirate international (PPI) est représenté au Parlement européen par l’Allemande Julia Reda, députée européenne depuis juillet 2014. C’est cette dernière qui a appelé les citoyens européens à demander à leurs représentants au Parlement de se joindre à elle pour bloquer les propositions faites par Oettinger.
D’après le Parti pirate, « ces propositions répondent aux exigences de certains éditeurs de presse de taxer les moteurs de recherche et les réseaux sociaux pour leur envoyer du trafic, ainsi qu'au souhait de l'industrie de la musique d'être soutenue dans leurs négociations avec YouTube. » Ces propositions pourraient avoir l’effet de rendre certaines habitudes sur internet et certains services usuels « illégaux, payants, à tout le moins, embourbés dans un flou juridique », explique le Parti pirate sur son site officiel. Mais quelles sont ces propositions ?
Droit d'auteur auxiliaire pour les éditeurs : droit de reproduction des publications de presse et de les rendre accessibles au public
Les propositions en question indiqueraient que la protection apportée par le droit de reproduction et le droit de rendre accessible un contenu au public doit être étendue aux éditeurs de publications de presse. Comme conséquence, le partage d’un extrait d’article de presse sans licence pourrait devenir illégal.
D’après le Parti pirate, partager un extrait d'article de presse sans licence d'un éditeur sera une infraction, et ce, même 20 ans après la publication de l'article et même si un lien vers la source est indiqué. Aucune distinction n’aurait été faite entre les usages commerciaux ou non.
Les internautes pourraient aussi avoir besoin d’une licence avant de tweeter certains titres d’actualités. « "Wir sind Papst" (Nous sommes Pape) est un célèbre titre du tabloïd allemand Bild », explique le Parti pirate. « À moins que la personne qui tweete ne paie une licence à l'éditeur de Bild, Axel Springer, tweeter ce titre de trois mots serait une violation du droit d'auteur et des droits voisins supplémentaires réclamés par les éditeurs ». Comme indique encore le Parti pirate dans son billet, Twitter pourrait affranchir les internautes de cette obligation, en réglant la note à leur place. Le réseau social pourrait par exemple payer une licence globale à une agence de collecte.
Des sites comme Facebook, Twitter, Reddit et bien d’autres services génèrent automatiquement des prévisualisations d’images et de textes lorsque vous y postez un lien. Avec les propositions de Günther Oettinger, ces prévisualisations pourraient également faire l'objet d'une licence si les liens dirigent vers une « publication de presse », ou un site de divertissement régulièrement mis à jour. Facebook et Twitter devraient donc désactiver cette fonctionnalité de leurs plateformes s’ils ne veulent pas payer pour les liens. Cela rendra toutefois leurs interfaces moins conviviales.
Conséquence : les moteurs de recherche devraient obtenir une licence pour référencer un site Web
Pour permettre aux utilisateurs de trouver des ressources à partir d’une requête, les moteurs de recherche se basent sur des « robots », encore appelés crawlers ou agents qui parcourent les sites à intervalles de temps réguliers et de façon automatique pour découvrir de nouvelles adresses (URL). Chaque page identifiée par les robots est ensuite indexée dans une base de données que les internautes vont interroger pour obtenir des ressources à partir de mots-clés.
Cette exploration du Web est toutefois rendue possible grâce à une exception au droit d’auteur qui exige que l’utilisation des données collectées soit licite. Si rendre accessibles les contenus de presse au public sans licence devient illégal, alors les moteurs de recherche pourraient avoir besoin de licence pour référencer des sites de presse. Dans le cas contraire, ils devront les déréférencer des résultats de recherche, ce qui devrait dans certains cas affecter la qualité des résultats affichés.
Le problème est que les sites de presse seront prêts à offrir une licence gratuite aux grands moteurs de recherche, sachant que leur référencement leur permet de générer un trafic important. Ce sont donc les plus petits moteurs de recherche qui seront exclus.
Obligation pour les services d’hébergement d’œuvres de surveiller les téléversements (upload) des utilisateurs.
Les services d’hébergement de « grandes quantités d’œuvres » auront l’obligation de surveiller tous les téléversements de leurs utilisateurs, à la recherche d'atteinte aux droits d'auteur ou aux droits voisins. D’après le Parti pirate, il ne s’agit toutefois pas seulement des sites d’hébergement de photos comme FotoCommunity (un réseau social pour photographes basé en Allemagne), où la violation des droits d’auteur est plus susceptible de se produire.
Cette mesure concernera également des sites comme GitHub, même s’ils ne sont en général pas associés à des violations de droit d’auteur. Pour FotoCommunity, cela passera par exemple par la mise en place d’un filtre pour comparer chaque image chargée sur la plateforme à une base de données d’images protégées. Pour le cas des services comme GitHub, le Parti pirate estime que cela reviendra à mettre en place « une technologie de filtrage pour répondre à un problème inexistant ».
Cette obligation d’analyser tous les téléversements des utilisateurs s’appliquerait aussi à des projets tels que Wikipédia qui sont à but non lucratif et qui ne permettent expressément que des téléversements de photos pour lesquelles une réutilisation publique est permise.
Ces propositions entrent dans le cadre d’une réforme du droit d'auteur et des droits voisins. D'après le Parti pirate, les sites comme le célèbre MegaUpload fermé par les autorités américaines pour violation massive de droits d’auteur ne seraient pas affectés par ces nouvelles restrictions. Ce serait donc la preuve que cette réforme cible les réseaux sociaux et moteurs de recherche afin de générer de l'argent pour les industries culturelles européennes.
Le Parlement et le Conseil européens ont commencé à étudier de la proposition d'Oettinger. À travers la campagne #SaveTheLink, soutenue par quatre députés européens y compris Julia Reda, le Parti pirate invite les internautes à contacter leurs députés pour rejeter le droit d'auteur auxiliaire pour les éditeurs (article 11) et la surveillance obligatoire des téléversements (article 13).
Source : Parti pirate
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Le , par Michael Guilloux
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