Dans le monde des affaires, chacun y va de sa stratégie pour renflouer ses caisses. Certains par exemple choisissent de vendre tels ou tels biens de consommation. D’autres par contre préfèrent fournir des services aux consommateurs. Mais une chose est certaine, c’est que ces personnes qui fournissent des biens ou des services ont quelque chose à proposer aux utilisateurs.
À côté de ces catégories d’hommes d’affaires, nous avons une autre classe de personnes ou d’entreprises qui préfèrent bâtir leur modèle d’affaires sur l’acquisition de portefeuilles de brevets, non pas pour proposer des produits et services aux utilisateurs, mais plutôt pour faire valoir ces brevets devant les tribunaux. Ces personnes physiques ou morales communément appelées « ;patent trolls ;» ou plus simplement « ;chasseurs de brevets ;» sont légion dans le monde des affaires et particulièrement dans le monde des technologies où la valorisation d’un brevet peut avoir un retour sur investissement énorme. Ainsi, de nombreuses personnes n’hésitent pas à tenter leur chance en attaquant en justice des entreprises dotées de ressources financières importantes afin de renflouer leurs caisses.
Aux États-Unis en général, et plus précisément dans l’est du Texas, l’attrait de la manne financière générée par les brevets a donné lieu, à tort ou à raison, à de nombreux litiges ouverts contre de nombreuses entreprises pour violation de brevets. Selon une étude publiée dans un journal de la Stanford Law School, plus de 40 % de toutes les poursuites aux États-Unis en matière de brevets sont déposées dans l’Est du Texas et parmi celles-ci, 90 % sont portées par des chasseurs de brevets.
Conscient du modèle d’affaires que certains ont embrassé et qui est nuisible à plus d’un titre au développement technologique, nombreux sont ceux qui ont jusque-là appelé à une meilleure réglementation afin de limiter les procès fallacieux et par-delà assainir le monde des brevets. Mais ces appels sont restés lettre morte jusqu’à hier.
En effet, depuis hier, la Cour suprême des États-Unis a rendu son jugement dans le procès qui oppose l’entreprise de boisson TC Heartland LLC à l’entreprise agroalimentaire Kraft Heinz Co. Et dans ce jugement qui est en faveur de TC Heartland LLC, il est stipulé que des poursuites en matière de brevets ne peuvent être déposées que dans les tribunaux de juridictions où l’entreprise défenderesse est légalement constituée.
Pour mieux comprendre le dénouement de cette histoire, il faut savoir que Kraft a déposé une plainte contre Heartland dans une cour fédérale du Delaware en invoquant une violation de brevet pour ses arômes liquides. Heartland a souhaité transférer le procès dans l’Indiana où se trouve sa base, car elle déclare qu’elle n’a aucune présence dans le Delaware et réalise 98 % de ses ventes en dehors de cet état. Mais l’année dernière, une cour d’appel basée à Washington et jugeant les litiges liés aux brevets s’est rangée du côté de Kraft Heinz Co en expliquant que les litiges de brevets relèvent du jeu équitable et peuvent être ouverts dans n’importe quelle ville où l’entreprise ciblée vend ses produits.
L’affaire a donc été portée devant la Cour suprême qui a rendu son verdict en expliquant que les règles pour les poursuites judiciaires en matière de brevets n’ont pas changé, sont très précises et exigent que les plaintes soient déposées dans des tribunaux situés dans des juridictions où les entreprises qui auraient violé des brevets sont constituées.
Cette décision porte un coup dur aux chasseurs de brevets quand on sait que de nombreuses personnes et entreprises intentent des procès pour violation de brevet à tout-va contre les entreprises là où celles-ci n’ont aucune représentation. Cela occasionne des frais énormes pour ces entreprises qui doivent se défendre. Aussi, en appliquant cette décision comme une jurisprudence, les chasseurs de brevets sont obligés de se déplacer dans des districts où les entreprises attaquées en justice sont constituées, ce qui pour beaucoup va limiter les litiges de brevets qui n’ont aucun fondement juridique.
À côté de cette décision qui pourrait freiner le nombre de procès liés aux violations de brevets, nous rappelons toujours pour le même sujet des brevets que l’an dernier, une cour d’appel a invalidé des jugements prononcés contre Symantec et Trend Micro pour violation de trois brevets revendiqués par Intellectual Ventures. La raison avancée par la cour d’appel était l’inexistence d’une invention brevetable. La cour a au passage décrit la chasse aux brevets comme étant « ;le poids mort de l’économie nationale (américaine) ;» et une menace au premier amendement de la constitution américaine.
Avec ces différents jugements, l’administration américaine affiche clairement sa volonté d’en finir avec ceux qui ne veulent pas être productifs, mais attendent dans l’ombre avec des brevets dont les produits ne verront jamais le jour pour s’enrichir sur le dos des entreprises.
Toutefois, pour d’autres, toutes ces décisions ne suffiront pas à limiter le nombre de plaintes déposées par les chasseurs de brevets, car les gains sont trop importants pour que ces derniers se laissent dissuader par des contraintes géographiques.
En attendant de constater l’impact de cette décision et des autres par ailleurs sur le taux de faux procès ouverts, Kraft Heinz Co souligne pour sa part que cette récente décision n’aura aucun impact sur l’issue du procès qui devra se jouer sur le terrain de Heartland.
Source : Reuters, Télécharger le rapport de la décision de la Cour suprême (PDF)
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Suffira-t-elle à limiter le nombre de faux procès ouverts pour violation de brevets ;?
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Le , par Olivier Famien
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