Dans une conférence de presse livrée le lundi 10 avril, Emmanuel Macron s’est fait partisan des portes dérobées et autres mesures visant à affaiblir le chiffrement. Il s’est en effet insurgé contre le fait que « les grands groupes de l'Internet aient refusé de communiquer leurs clés de chiffrement ou de donner accès au contenu » sous prétexte « qu'ils ont garanti contractuellement aux clients que leurs communications étaient protégées ». Mais s’agit-il vraiment d’un refus ou d’une impossibilité technique ? Autrement dit, Emmanuel Macron aurait-il une méconnaissance du fonctionnement du chiffrement ou voudrait-il tout simplement l’affaiblir ?
Quoi qu’il en soit, le candidat à l’élection présidentielle a promis que si les Français le mènent à l’Élysée, « la France lancera dès l'été une initiative majeure en direction des grands groupes de l'Internet, pour qu'ils acceptent une procédure de réquisition légale de leurs services cryptés en matière de lutte contre le terrorisme ».
Il semble toutefois qu’Emmanuel Macron se soit avancé devant les médias sans consulter son équipe En Marche ! qui compte en son sein, Mounir Mahjoubi, ancien président du Conseil national du numérique. Rappelons-le, celui qui est directeur de la campagne numérique d’Emmanuel Macron s’était déjà opposé à l’affaiblissement du chiffrement l’an dernier, dans une tribune publiée par Le Monde.
Toujours sur le point « lutte contre le terrorisme et numérique », Emmanuel Macron a dit vouloir mettre fin aux propagandes djihadistes en ligne. Pour cela, il a proposé d’avoir une discussion franche avec les grands groupes de l’Internet pour qu’ils s’engagent à retirer les contenus de propagande djihadiste, sans délai. Cela signifie toutefois qu’il ne tient pas compte du dispositif légal déjà en place.
Au lendemain de la conférence de presse du candidat, l’équipe En Marche ! d’Emmanuel Macron a rebondi sur les déclarations de son candidat à travers une tribune sur son site officiel de campagne. Mounir Mahjoubi et Didier Casas, conseiller d’Emmanuel Macron pour les questions régaliennes, ont essayé de recadrer les propos de leur candidat à travers ce qu’ils ont appelé « compléments d’information ».
Concernant le retrait des contenus dangereux, Mounir Mahjoubi et Didier Casas n’osent pas avouer que leur candidat a tenté d'enfoncer une porte ouverte. Ils rappellent en effet qu'un dispositif légal est déjà en place, mais la proposition d'Emmanuel vise à assurer que les mesures prévues par la loi soient effectivement appliquées. « La loi prévoit d’ores et déjà des mécanismes par lesquels on peut demander aux fournisseurs de prestations Internet ou aux opérateurs de communications électroniques de retirer de la toile des contenus qui seraient choquants, provocants ou de nature à heurter les sensibilités. Sont visés en particulier les contenus produits ou diffusés par certaines mouvances djihadistes ou tenant d’un islam radicalisé », ont-ils écrit, avant d’ajouter : « Nous savons que des efforts importants ont été consentis par les différents acteurs. La proposition [d’Emmanuel Macron] consiste à garantir l’effectivité de ces mesures en veillant qu’après un signalement, le retrait soit effectué sans délai. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour limiter au maximum l’œuvre destructrice de la propagande. »
Pour ce qui est de la question du chiffrement, ils affirment « qu’il n’est évidemment pas dans les intentions d’Emmanuel Macron de porter atteinte aux principes de fonctionnement des méthodes de communication moderne basées sur le chiffrement ». Ici cependant, ils veulent traiter le problème selon qu’il s’agit d’un chiffrement de bout en bout ou non.
De manière générale, « la position de principe d’Emmanuel Macron repose tout à la fois sur l’attachement absolu au secret des correspondances et le souhait que les services de sécurité puissent accéder au contenu des informations échangées par des terroristes ou des personnes surveillées ». Autrement dit, ils n’ont rien contre le chiffrement des informations échangées sur les réseaux ou les messageries instantanées. Mais s’il s’agit de communications de personnes surveillées ou de terroristes, les services de sécurité doivent pouvoir y accéder sans problème. « Dans un pays démocratique et un État de droit, le respect des libertés ne doit pas empêcher la garantie de la sécurité des citoyens », ont-ils affirmé. Ils précisent d’ailleurs qu’un tel accès est déjà autorisé par la loi lorsqu’il s’agit des opérateurs de télécommunications traditionnels. La proposition d’Emmanuel Macron est donc de parvenir à un dispositif comparable pour les prestataires de services numériques.
Mounir Mahjoubi et Didier Casas soulignent encore que « dans le cas des informations chiffrées par le prestataire lui-même, la proposition ne consiste pas à obtenir la communication des clés de chiffrement utilisées par les prestataires de service numérique, mais d’accéder aux contenus préalablement déchiffrés par eux-mêmes. » Ce mécanisme ne marche toutefois pas lorsqu’il s’agit de chiffrement de bout en bout, le prestataire de service ne disposant pas des clés de déchiffrement des messages. Dans ce cas-ci, ils estiment que ces messageries disposent quand même d’autres informations qui peuvent être essentielles aux enquêtes. Voilà pourquoi les entreprises de messagerie doivent avoir l’obligation de coopérer avec les services de sécurité.
Source : En Marche !
Chiffrement : l'équipe En Marche ! fait marche arrière sur les déclarations d'Emmanuel Macron
Avec ses compléments d'information
Chiffrement : l'équipe En Marche ! fait marche arrière sur les déclarations d'Emmanuel Macron
Avec ses compléments d'information
Le , par Michael Guilloux
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