
l’Europe va-t-elle affaiblir le chiffrement des communications ?
En août dernier, le ministre français de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et son homologue allemand Thomas de Maizière ont présenté une initiative franco-allemande sur la sécurité intérieure en Europe, dans le but de renforcer la lutte contre le terrorisme. La question du chiffrement était l’une des plus importantes, alors que les deux ministres ont appelé à prendre des mesures contre la généralisation du chiffrement des communications, de sorte qu’elle ne fasse pas obstacle au bon déroulement des enquêtes judiciaires.
La semaine dernière, Thomas de Maizière et le successeur de Cazeneuve, Bruno Le Roux, ont porté cette initiative au niveau européen. Les ministres de l'Intérieur français et allemand ont en effet appelé à une législation européenne en octobre 2017. Dans leur déclaration conjointe, ils invitent implicitement Bruxelles à trouver des moyens de contourner le chiffrement des communications par voie électronique lors des enquêtes judiciaires et administratives, « tout en garantissant la fiabilité des systèmes hautement sécurisés ».
« La lutte contre le terrorisme requiert de donner les moyens juridiques aux autorités européennes afin de tenir compte de la généralisation du chiffrement des communications par voie électronique lors d'enquêtes judiciaires et administratives », ont-ils écrit dans un document adressé à Bruxelles. « La Commission européenne doit veiller à ce que des travaux juridiques et techniques soient menés dès maintenant pour étudier la possibilité de définir de nouvelles règles à la charge des prestataires de services de communication par voie électronique tout en garantissant la fiabilité des systèmes hautement sécurisés », ajoutent-ils.
La question à se poser est de savoir si l’Europe va soutenir cette initiative contre le chiffrement. Il y a en effet de quoi être inquiet vu qu’un porte-parole de la Commission européenne a apporté un certain soutien au projet porté par Thomas de Maizière et Bruno Le Roux. « La technologie de chiffrement ne devrait pas empêcher les services chargés de l'application de la loi ou d'autres autorités compétentes d'intervenir dans l'exercice légal de leurs fonctions », a-t-il soutenu.
L’Europe pourrait donc chercher à résoudre une équation complexe : comment les fournisseurs de services en ligne devraient-ils fournir aux autorités chargées de l'application de la loi l'accès à des données d'utilisateur qui sont censées être chiffrées de bout en bout.
L’introduction de portes dérobées semble donc être la solution envisagée, mais l’Europe a déjà exprimé par le passé une forte opposition aux backdoors dans les chiffrements. Fin décembre, l’agence de l'UE pour la sécurité des réseaux et de l'information (ENSIA) a par exemple mis en garde contre les dangers à emprunter cette direction. Les portes dérobées poseront de sérieux risques pour la sécurité globale et la confidentialité des communications, en laissant les systèmes en ligne plus vulnérables à tout type d'attaques. Un peu plus tôt en France, l'ANSSI s’est également dit en faveur du chiffrement et contre l'installation de portes dérobées, dans une missive adressée à plusieurs ministères.
Sources : Déclaration conjointe de Thomas de Maizière et Bruno Le Roux, Computer & Communications Industry Association
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