Developpez.com

Le Club des Développeurs et IT Pro

Europe : l'open source va-t-il être exclu des standards pour le Marché Numérique Unique ?

L'UE penche vers le modèle de licence FRAND

Le 2016-04-21 14:26:34, par Michael Guilloux, Chroniqueur Actualités
Dans le cadre de sa nouvelle stratégie pour le Digital Single Market (Marché Numérique Unique) présentée l’année dernière, la Commission européenne (CE) a décidé de faire de la normalisation des technologies de l’information et de la communication (TIC) la pierre angulaire.

Dans un rapport récemment divulgué et intitulé « ICT Standardisation Priorities for the Digital Single Market », la Commission européenne a alors défini ses priorités en matière de normes pour les TIC. Pour booster l’innovation, la CE envisage de créer de nouveaux standards pour la 5G, le Cloud computing, les technologies de données, l’internet des objets (IdO) et la cybersécurité.

La Commission européenne montre surtout son intention de vouloir mettre en place des « standards ouverts », qu’elle désigne également par « standards communs » ou « standards communs ouverts ». On peut par exemple lire que « les standards ouverts permettent l’interopérabilité et favorisent l'innovation et de faibles barrières à l'entrée sur le marché dans le Digital Single Market, y compris pour l'accès au contenu média, culturel et éducatif ». À plusieurs reprises dans son rapport, la Commission européenne fait également allusion aux « systèmes ouverts » ou « plateformes ouvertes ». Mais que veut-elle réellement dire par « standards ouverts » ?

Si la CE mentionne à peine l’open source dans son rapport, elle n’exclut cependant pas la collaboration avec les communautés open source notamment dans le domaine du cloud. Le rapport cite par exemple Cloud Foundry et OpenStack Foundation. Toutefois, à la fin de son rapport, la Commission indique que « la normalisation des TIC exige une politique de droit de propriété intellectuelle équilibrée, basée sur les termes de licence FRAND ».

La licence FRAND (fair, reasonable and non discriminatory) ou licence « équitable, raisonnable et non discriminatoire » essaie de concilier les brevets et les normes bien que ceux-ci semblent s’opposer en quelques points essentiels. En effet, si les normes visent à faire utiliser des technologies par le plus grand nombre, les brevets, quant à eux, confèrent un monopole à un acteur du marché.

Lorsqu’il s’agit de faire utiliser une technologie par le plus grand nombre, les licences open source semblent idéales et ont toujours essayé de remplir cette mission. Mais les organismes de normalisation ont trouvé une autre possibilité qui consiste à demander à une entreprise qui détient un brevet dit essentiel d’octroyer des licences d’utilisation à des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. Une licence est dite FRAND, lorsque les coûts de licence, les obligations légales ou toutes autres formes de contraintes associées ne sont pas trop importants pour constituer une barrière à l’utilisation.

Cette situation se produit lorsque le brevet est essentiel à une norme, c’est-à-dire dès lors qu’une de ses revendications couvre des spécifications obligatoires de cette norme, de sorte qu’un tiers ne peut mettre en œuvre des produits conformes à la norme sans contrefaire le brevet.

Visiblement, le modèle de licence FRAND semblerait donc s'opposer aux licences open source, puisqu’il peut traduire une licence propriétaire rendue moins contraignante pour favoriser l’utilisation de la technologie brevetée par un plus grand nombre. La question qui se pose surtout est de savoir quand une licence peut être estimée équitable, raisonnable et non discriminatoire.

Quelle place l’open source va-t-il donc occuper dans les nouveaux standards des TIC pour le Marché Numérique Unique ? L’open source va-t-il être exclu de la stratégie du Marché Numérique Unique de l’UE ? Le modèle de licence FRAND pourra-t-il booster l'innovation comme le souhaite la Commission européenne ? Pourquoi un tel choix ? Voici, entre autres, quelques questions que l'on pourrait bien se poser ?

Télécharger le rapport « Communication: ICT Standardisation Priorities for the Digital Single Market » sur le site de la Commission européenne

Et vous ?

Qu’en pensez-vous ?

Voir aussi :

Antitrust : la Commission européenne ouvre une procédure formelle d'examen contre Google sur son système d'exploitation Android
Antitrust : Bruxelles estime que Google abuse de sa position dominante avec Android dans la conclusion préliminaire de son enquête
  Discussion forum
38 commentaires
  • Uther
    Expert éminent sénior
    Pas vraiment, ce qui caractérise les patent trolls c'est justement qu'ils utilisent leurs brevet de manière non "FRAND", c'est a dire soit abusive (pas "Fair" soit déraisonable (pas "Raisonable) ou discriminatoire (pas "Non Discriminatory). Un exemple classique, c'est la société qui garde ces brevets sous le coude sans rien développer, sans en faire la publicité, puis un beau jour attaque une société qui les enfreint sans le savoir pour réclamer de gros dédommagements. Ou une société qui utilise ses brevets pour bloquer spécifiquement la concurrence en réclament des somme déraisonnables au vu de l’intérêt.

    Les licences d'utilisation de brevets dites FRAND permettent un accès à la technologie a tout le monde a condition de payer un montant, public, établi a l'avance, identique pour tous et reconnu comme raisonnable au vu de l'utilité de la technologie.

    Il n’empêche que FRAND ou pas, le modèle des brevets interdit tout simplement le logiciel libre. Un standard devrait être tout simplement être implémentable par tous sans surcoût donc sans brevet.
  • abriotde
    Membre chevronné
    Il n est pas question de logiciels propriétaire ou non mais de monopole pu de concurence. Les licences établissent de facto une situation de monopole et interdisent toute concurence. On le remarque avec Apple ou Oracle qui use d un brevet pour asphixier une concurence plus dynamique mais moins procédurière.
  • Uther
    Expert éminent sénior
    Envoyé par Grogro
    Je ne comprends pas l'orientation du titre de cette news, qui semble être contraire au corps de l'article.
    Le problème c'est que les brevets, même s'ils sont accessibles sous des licences dites FRAND, éliminent de facto le logiciel libre de l’équation vu qu'ils obligent de repayer à la redistribution.
    Si on veut des standards viables, il faut exiger qu'ils soient sans brevets du tout.
  • Grogro
    Membre extrêmement actif
    Je ne comprends pas l'orientation du titre de cette news, qui semble être contraire au corps de l'article.
  • xurei
    Membre averti
    Moi non plus je ne comprends pas grand chose. C'est quoi ce Marché Numérique Unique ? C'est pour qui ? Ca touche quoi ?

    Et surtout : qui va le suivre ? A part les quelques sociétés fortements politisées (banques, sociétés administrées par le gouvernement...) ?

    On dirait que la CE essaye encore de faire à sa guise sans rien comprendre à ce qu'ils essayent de réguler.
  • Elepole
    Membre éprouvé
    Envoyé par Grogro
    Je ne comprends toujours pas en quoi cela menace l'utilisation de l'open source sur des marchés publics, ni même quels sont les marchés concernés.
    Envoyé par Chauve souris
    Moi non plus je n'ai rien compris ! Mais, ça me rassure, je ne suis pas le seul. Donc pas encore bon pour Alzheimer
    C'est simple: une license FRAND ca se paye. Donc, disons que Open Office implémente un standard utilisant une technologie sous license FRAND. Bon, Open Office, ca appartient a orcale, donc no problem pour eux pour la payer. Bon, maintenant, moi petit pèquenot dans mon coin, je veut faire un fork de Open Office pour le porter sous Qt/C++ parce que je n'aime pas java, il faudrait que je paye aussi la license FRAND en question pour pouvoir distribuer le résultat de mon travaille, violant de ce fait l'un des principe de l'open source, et donc Open Office ne serait plus open source.

    Autrement dit, tous standard demandant le payement d'une license Frand ne peut être implémenter par un logiciel open source.

    tl:dr Les logiciel open source ne peuvent plus être open source si leur modification/publication est derrière une licence payante.
  • Grogro
    Membre extrêmement actif
    On résume, suite à la lecture de cet article : http://arstechnica.co.uk/tech-policy...ech-standards/
    Je pense avoir cerné le problème.

    La commission européenne, fidèle à sa tradition ordo-libérale, veut organiser et réglementer la concurrence sur un certain nombre de marchés publics. Pour gérer les projets publics IT à l'échelle de l'UE, elle choisit d'imposer une licence FRAND pour favoriser certains standards ainsi que l'interopérabilité. Le problème étant qu'imposer l'usage d'une licence FRAND interdit le gratuit, ce qui est bien au delà de la problématique de l'open-source ? Jusqu'à quelle granularité ?
  • Grogro
    Membre extrêmement actif
    Je ne comprends toujours pas en quoi cela menace l'utilisation de l'open source sur des marchés publics, ni même quels sont les marchés concernés.
  • Chauve souris
    Membre expert
    Moi non plus je n'ai rien compris ! Mais, ça me rassure, je ne suis pas le seul. Donc pas encore bon pour Alzheimer
  • jlliagre
    Modérateur
    Envoyé par TiranusKBX
    Et sache que Java est maintenant une part minoritaire de OpenOffice et LibreOffice
    et l'a toujours été. Je ne sais pas vraiment d'où vient cette idée reçue courante qu'OpenOffice a été écrit en Java car le code source est essentiellement, depuis le début du développement de StarOffice par StarDivision, basé sur un framework en C++. Le seul module qui utilise java de manière significative est Base. Toutes les autres utilisations de Java sont très accessoires.
    Il est donc possible de désactiver l'utilisation de la JVM sans perte de fonctionnalités avec Writer, Calc, Impress, etc. sauf bien sûr si l'on souhaite le support des macros en Java...