PRISM : « United Stasi of America »
Pour un ancien haut-fonctionnaire les « donneurs d'alertes » sont les vrais patriotes et ils se multiplieront
Le 2013-06-26 11:30:44, par Gordon Fowler, Expert éminent sénior
Mise à jour du 26/06/13
Avant Bradley Manning et avant Edward Snowden, il y avait eu Daniel Ellsberg.
Dans les années 70, cet ancien haut-fonctionnaire et analyste militaire avait révélé, dans une affaire baptisée depuis les « Pentagon Papers », que le gouvernement américain intensifiait délibérément la guerre du Viêt Nam alors qu’il avait promis de faire le contraire.
Ce même Daniel Ellsberg vient de prendre sa plume pour défendre ceux que l’on appelle désormais les « donneurs d’alertes » et revenir sur l’affaire PRISM. Son texte, publié par le journal Le Monde, est à la fois radical, engagé et nuancé.
Radical car pour lui, « il n'y a jamais eu dans l'histoire américaine de fuite plus importante que la divulgation par Edward Snowden des programmes secrets de l'Agence de sécurité nationale américaine ».
Les révélations d’une cybersurveillance sans réel contrôle de la part d’une institution légale reviendraient purement et simplement à « un "coup d’État de l'exécutif" contre la Constitution ».
Pire, l’absence de débat au Congrès, alors qu’il était informé, montrerait « l'état misérable, dans ce pays, du système des contre-pouvoirs ».
Les États-Unis auraient-ils tourné le dos à leurs valeurs ? Daniel Ellseberg ne le croit pas, même si pour lui les amendements qui protègent les citoyens d'une intrusion du gouvernement dans leurs vies privées seraient quasiment du passé.
« À l'évidence, les États-Unis ne sont pas aujourd'hui un État policier », écrit-il. Mais laisser des structures espionner ses propres citoyens sans réel contre-pouvoir serait un danger que la démocratie ne pourrait pas se permettre.
Le haut fonctionnaire ne remet pas en cause la nécessité d’un « Secret-Défense ». Mais pour lui, ni Bradley Manning, ni Edward Snowden (ni lui) n’auraient divulgué d’informations de cette nature. Au contraire, la conscience démocratique d’Edward Snowden aurait fait qu’il « s'est engagé à ne pas divulguer la plus grande partie de ce qu'il aurait pu révéler ».
Daniel Ellsberg en 1971
Pas de remise en cause du Secret-Défense donc, mais Daniel Ellseberg n’accepte pas que la raison d’État puisse être évoquée pour couvrir des programmes qu’il qualifie d’« anticonstitutionnels ».
Et de citer un sénateur démocrate, Franck Church, qui dès les années 70 avertissait que des agences aux moyens puissants (dont la NSA) qui agiraient en dehors du cadre de la loi plongeraient le pays dans « des ténèbres d'où l'on ne revient pas ».
« Cela est désormais arrivé », affirme Daniel Ellsberg. NSA, FBI, CIA disposeraient aujourd’hui avec les technologies numériques « de pouvoirs de surveillance dont la Stasi n'aurait guère pu rêver […] Edward Snowden révèle que ladite communauté du renseignement est devenue the United Stasi of America ».
Derrière ce pessimisme et ses formules chocs, l’ancien haut-fonctionnaire montre aussi une certaine forme d'optimisme dans cette affaire PRISM. « La manière qu'a Edward Snowden de mettre sa vie en jeu pour que ces informations soient connues de tous [est] une possibilité inespérée de traverser ces ténèbres et d'en réchapper ».
L’ingénieur système, et avant lui Bradley Manning, sont pour Daniel Ellsberg des exemples de consciences individuelles, de responsabilité civique et de patriotisme qui vont certainement inspirer d’autres citoyens qui travaillent de près ou de loin sur une autre « activité dangereuse et anticonstitutionnelle ».
Certains font cependant remarquer que la fuite d’Edward Snowden risque de compromettre ce rôle de modèle. Son périple (Chine, Russie, Venezuela) et son exil en Équateur (s’il est avéré) seront certainement utilisés par ses détracteurs pour le présenter comme un traitre à la Nation, réfugié dans des pays ennemis des États-Unis. Une vision du « donneur d’alertes » à l’opposé de celle de Daniel Ellsberg.
Daniel Ellsberg qui, pour avoir livré 7 000 pages de textes et d'analyses secret-défense au New-York Times, avait subi une entreprise de discréditation.
Cette action de dénigrement - en plus des poursuites pour « vol, conspiration, espionnage et utilisation illégale de biens gouvernementaux » (les mêmes chefs d'accusation que ceux retenus contre Edward Snowden) - avait même été classée hautement prioritaire par Richard Nixon.
Il parait que l’Histoire ne se répète jamais. Mais que des fois, elle bégaie ?
Source : Le Monde
Et vous ?
Pensez-vous que les « donneur d’alertes » vont se multiplier ?
Ou que la lourdeur des sanctions et des moyens pour les retrouver vont au contraire les démotiver ?
Avant Bradley Manning et avant Edward Snowden, il y avait eu Daniel Ellsberg.
Dans les années 70, cet ancien haut-fonctionnaire et analyste militaire avait révélé, dans une affaire baptisée depuis les « Pentagon Papers », que le gouvernement américain intensifiait délibérément la guerre du Viêt Nam alors qu’il avait promis de faire le contraire.
Ce même Daniel Ellsberg vient de prendre sa plume pour défendre ceux que l’on appelle désormais les « donneurs d’alertes » et revenir sur l’affaire PRISM. Son texte, publié par le journal Le Monde, est à la fois radical, engagé et nuancé.
Radical car pour lui, « il n'y a jamais eu dans l'histoire américaine de fuite plus importante que la divulgation par Edward Snowden des programmes secrets de l'Agence de sécurité nationale américaine ».
Les révélations d’une cybersurveillance sans réel contrôle de la part d’une institution légale reviendraient purement et simplement à « un "coup d’État de l'exécutif" contre la Constitution ».
Pire, l’absence de débat au Congrès, alors qu’il était informé, montrerait « l'état misérable, dans ce pays, du système des contre-pouvoirs ».
Les États-Unis auraient-ils tourné le dos à leurs valeurs ? Daniel Ellseberg ne le croit pas, même si pour lui les amendements qui protègent les citoyens d'une intrusion du gouvernement dans leurs vies privées seraient quasiment du passé.
« À l'évidence, les États-Unis ne sont pas aujourd'hui un État policier », écrit-il. Mais laisser des structures espionner ses propres citoyens sans réel contre-pouvoir serait un danger que la démocratie ne pourrait pas se permettre.
Le haut fonctionnaire ne remet pas en cause la nécessité d’un « Secret-Défense ». Mais pour lui, ni Bradley Manning, ni Edward Snowden (ni lui) n’auraient divulgué d’informations de cette nature. Au contraire, la conscience démocratique d’Edward Snowden aurait fait qu’il « s'est engagé à ne pas divulguer la plus grande partie de ce qu'il aurait pu révéler ».
Daniel Ellsberg en 1971
Pas de remise en cause du Secret-Défense donc, mais Daniel Ellseberg n’accepte pas que la raison d’État puisse être évoquée pour couvrir des programmes qu’il qualifie d’« anticonstitutionnels ».
Et de citer un sénateur démocrate, Franck Church, qui dès les années 70 avertissait que des agences aux moyens puissants (dont la NSA) qui agiraient en dehors du cadre de la loi plongeraient le pays dans « des ténèbres d'où l'on ne revient pas ».
« Cela est désormais arrivé », affirme Daniel Ellsberg. NSA, FBI, CIA disposeraient aujourd’hui avec les technologies numériques « de pouvoirs de surveillance dont la Stasi n'aurait guère pu rêver […] Edward Snowden révèle que ladite communauté du renseignement est devenue the United Stasi of America ».
Derrière ce pessimisme et ses formules chocs, l’ancien haut-fonctionnaire montre aussi une certaine forme d'optimisme dans cette affaire PRISM. « La manière qu'a Edward Snowden de mettre sa vie en jeu pour que ces informations soient connues de tous [est] une possibilité inespérée de traverser ces ténèbres et d'en réchapper ».
L’ingénieur système, et avant lui Bradley Manning, sont pour Daniel Ellsberg des exemples de consciences individuelles, de responsabilité civique et de patriotisme qui vont certainement inspirer d’autres citoyens qui travaillent de près ou de loin sur une autre « activité dangereuse et anticonstitutionnelle ».
Certains font cependant remarquer que la fuite d’Edward Snowden risque de compromettre ce rôle de modèle. Son périple (Chine, Russie, Venezuela) et son exil en Équateur (s’il est avéré) seront certainement utilisés par ses détracteurs pour le présenter comme un traitre à la Nation, réfugié dans des pays ennemis des États-Unis. Une vision du « donneur d’alertes » à l’opposé de celle de Daniel Ellsberg.
Daniel Ellsberg qui, pour avoir livré 7 000 pages de textes et d'analyses secret-défense au New-York Times, avait subi une entreprise de discréditation.
Cette action de dénigrement - en plus des poursuites pour « vol, conspiration, espionnage et utilisation illégale de biens gouvernementaux » (les mêmes chefs d'accusation que ceux retenus contre Edward Snowden) - avait même été classée hautement prioritaire par Richard Nixon.
Il parait que l’Histoire ne se répète jamais. Mais que des fois, elle bégaie ?
Source : Le Monde
Et vous ?
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Traroth2Membre émériteNon, c'est exactement l'inverse. Dénoncer le comportement d'un gouvernement qui met en danger la liberté des citoyens est un acte de patriotisme. On ne le répétera jamais assez : Être un citoyen, ce n'est pas simplement fermer sa gueule !le 02/07/2013 à 11:18
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cahnoryMembre avertiOn ne peut appliquer le "secret défense" que si l'objet du secret est constitutionnel, révéler un acte anticonstitutionnel est du patriotisme/civisme.
Si le secret est anticonstitutionnel, le "secret défense" ne s'applique pas, il n'y a donc pas traitrise mais patriotisme/civisme.le 26/06/2013 à 14:06 -
calvaireExpert confirméDire que ce héros a été refusé partout dans les soi-disant pays démocratiques… qui sont en fait tous des vassaux de l’impérialisme américain et qui ont trop peur de la réaction de l’oncle Sam…
La Russie, qu’on aime ou pas, c’est souverain… Ce qui est loin d’être notre cas.le 27/09/2022 à 10:11 -
r0dExpert éminentDans cette histoire, tout le monde parle d'intérêt de pays. D'un état.
Il faut faire attention car d'une part, l'intérêt d'un pays ce n'est pas très clair. J'aurais tendance à dire que l'intérêt d'un pays, en vérité, c'est l'intérêt de la classe dominante dudit pays. Pensez-vous que les élites gouvernent dans l'intérêt du peuple ou selon ses propres intérêts?
D'autre part, l'intérêt d'un pays c'est bien beau, mais ne serait-il pas plus important de se préoccuper de l'intérêt de tout le monde, de tous les pays?le 09/07/2013 à 15:03 -
r0dExpert éminentJe suis internationaliste, et pourtant contre un gouvernement mondial. A vrai dire, je trouve que 60 millions de personnes c'est déjà trop pour un seul et unique gouvernement.
Le problème se situe dans la définition de gouvernement ainsi que dans l'échelle de grandeur (pas besoin de l'idée de nation dans mon raisonnement). La définition qui est la mienne est celle des lumières, et en particulier celle de Montesquieu: l'état est un outil qui applique les décisions prises par le peuple; l'état ne décide rien, il administre. Aujourd'hui c'est l'inverse, ona l'illusion qu'onchoisit des représentants qui prennent les décisions pour nous.
Or, pour que le peuple soit capable de prendre les décisions, il faut que:
1/ il soit parfaitement informé.
2/ l'échelle de l'état ne soit pas trop grande.
Car en effet, on ne peut pas trancher un problème dont on ne connait pas les tenants et les aboutissants. Et de même, à mon avis, on ne peut pas prendre une décision à 60 millions de personnes. Déjà que c'est difficile de se mettre d'accord quand on est deux...le 09/07/2013 à 16:27 -
NeckaraInactifDonc si mon gouvernement décide d'assassiner des journalistes dérangeants dans d'autres pays, je ne dis rien et je laisse couler, ce n'est pas à moi, simple citoyen du pays X, d'annoncer que mon gouvernement est responsable ?
Je dois donc me faire complice de ces meurtres ?
Ce type de raisonnement ne tient pas. De plus, si on le laisse faire, il continuera et le jour ou cela sera découvert, les tensions seront bien plus vives. C'est comme une épée de Damoclès qui grossirait et s'alourdirait au fils des années.
Puisque tu nous offre une comparaison avec un enfant de 5 ans, continuons alors :
J'ai 5 ans, mes parents enferment ma grande sœur dans une cage, la battent tout les jours et finissent par la tuer. Je ne dit rien, je ne vais tout de même pas dénoncer mes parents et finir à la rue.
Mes parents continuent alors avec ma petite sœur avec le même résultat.
Puis c'est finalement mon tour, mais il n'y a plus personne pour me sauver.
Si on laisse faire au gouvernement ce qu'il veut à l'étranger, on lui laisse une porte grande ouverte pour qu'il puisse faire ce qu'il veut dans son propre pays.
De plus, si on fait cela, les citoyen d'un autre pays peuvent également penser la même chose, ainsi on ouvre aussi une porte aux autres gouvernements à faire ce qu'ils veulent dans notre propre pays.le 10/07/2013 à 9:34 -
MuchosMembre expertJe suis fatigué de croire en mon action citoyenne et de dissuader mes proches de céder devant « le complot ». J'y crois encore, parce que je sais que le modèle actuel ne peut pas tenir, mais je suis fatigué…le 17/01/2014 à 18:42
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sevyc64ModérateurSi le langage est de plus en plus codé comme avec l'exemple du SMS, notre vocabulaire s’appauvrit de plus en plus. On utilise de moins en moins de mot différents dans la vie de tous les jours (la plus intéressante pour les espions).
J'ai entendu un linguiste dire, y a pas longtemps, qu'avec le langage sms, on n'utiliserait guère plus de 600 mots différents.
Avec l'appauvrissement du vocabulaire, il y a aussi l'appauvrissement des formules syntaxiques. On fait des phrases de plus en plus simple, de plus en plus courtes. Phénomène justement encore plus amplifié en sms.
Aussi paradoxal que ça puisse paraitre, si le sms est parfois difficile à comprendre pour nous humains, il serait au contraire bien plus facile à décoder et comprendre par des algorithmes que le langage naturel du fait même de sa pauvreté.le 18/01/2014 à 11:02 -
Ryu2000Membre extrêmement actifEdward Snowden et Julien Assange ont demandé à plusieurs pays de les accueillir, mais il n'y a que la Chine et la Russie qui ont eu le courage de le faire, les autres pays sont probablement terrorisé par les USA, donc ils n'ont pas voulu prendre le risque de protéger ces lanceurs d'alertes.
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L'état US est un bourreau. Peu de pays osent ne pas constamment aller dans son sens.
En ce moment les USA sont en train de perdre leur leadership, du coup ils deviennent plus agressif que d'habitude.le 27/09/2022 à 10:04 -
chivRédacteurLe fait que les américains espionnent tout le monde n'est pas vraiment une surprise et la réaction offusquée de nos dirigeants est assez grotesque. Comme si on ne s'en doutait pas auparavant.
Ce que je trouve plus choquant par contre c'est que depuis quelques semaines que PRISM fait parler de lui, nos dirigeants européens avaient bien peu réagis au fait que les américains espionnent l'ensemble des citoyens européens mais font un scandale quand ils découvrent que les bâtiments officiels sont sur écoute.
Alors comme ça des micros dans vos bureaux à Bruxelles c'est un scandale mais qu'on espionne 360 Millions de citoyens quotidiennement vous vous en foutez ? Hmm…le 01/07/2013 à 11:54