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P2P : 2 millions de dollars d'amende infligés à une mère de famille

Américaine, est ce que cela vous paraît suffisant ?

Le 2009-06-21 08:32:57, par Pierre Louis Chevalier, Expert éminent sénior
P2P : 2 millions de dollars d'amende infligée à une mère de famille américaine

A l'annonce du verdict jeudi, Jammie Thomas a eu le souffle coupé, raconte Ars Technica. La communauté Internet aussi. Cette Américaine de 32 ans a été condamnée à verser 1,92 million de dollars aux quatre majors de l'industrie du disque, pour avoir téléchargé sur Kazaa... 24 chansons. Soit $80.000 par titre (Wired publie la playlist le plus chère de l'histoire).

Le site Mashable dénonce une décision «ridicule», Gizmodo, une cour «qui a perdu sa tête», et dans une immense majorité, les lecteurs d'Ars Technica, Wired, Cnet s'en prennent à la RIAA, l'association qui défend les intérêts du disque aux Etats-Unis. Mais au-delà d'une indignation (légitime ou pas, chacun tranchera) face au montant, des experts remettent en question le caractère constitutionnel de ce verdict.

Une amende 10 fois supérieure au premier procès

Avant d'aller plus loin, plusieurs détails doivent être rappelés. Jammie Thomas comparaissait devant une cour civile. Elle a donc été condamnée par un jury de 12 personnes –des menteurs ou des citoyens parfaits, raille Ars Technica, tous ayant juré lors de leur sélection n'avoir jamais téléchargé illégalement une chanson.

Il s'agissait de son second procès. Elle avait été condamnée lors du premier, en 2007, à une amende de 220.000 dollars. Il s'agit du seul cas parmi les 30.000 entamés par la RIAA à être allé jusque devant un jury, tous les autres ayant préféré trouver un accord à l'amiable avec l'industrie. A l'annonce du verdict, jeudi, la RIAA a précisé que son offre d'un accord à l'amiable –dont on ignore les termes– était toujours sur la table. Il semble cependant que la mère de famille considère plutôt un appel.

Le juge demande une modification du copyright act

Lors du premier épisode, le juge lui-même avait annulé le verdict et demandé la tenue d'un nouveau procès. Motif: il estimait qu'il s'était peut-être un peu avancé en expliquant au jury que «le simple fait de télécharger une chanson et la rendre disponible au partage constituait un délit de distribution». Pour cela, explique-t-il dans les 44 pages de sa décision, une diffusion est nécessaire –point qui ne semble pas avoir été prouvé par les experts.

Dans un système américain qui ne repose pas sur un code civil, mais sur un système de common law (basé principalement sur les décisions précédentes), ce qui caractérise une distribution fait débat, plusieurs cours ayant rendu des décisions divergentes.

Mais surtout, le juge appelait le Congrès à modifier le «Copyright Act», selon lequel l'amende pour un internaute téléchargeant illégalement de la musique peut aller de $750 à $150.000 par chanson. Le juge se livrait à un petit calcul. 24 chansons (retenues pour le procès, initialement, la plainte portait sur 1700 titres) = 3 CD, soit 54 dollars. L'amende de $220.000 = 5.000 fois le coût d'un achat. Et même s'il reconnaissait «la légitimité d'infliger une amende supérieure à la valeur des biens», cette dernière allait peut-être «au-delà du caractère dissuasif».

Riposte graduée

C'est le même juge Davis qui officiait lors de ce second procès. Il sera intéressant de voir sa réaction après une amende cette fois-ci 10 fois supérieure. Pourquoi une telle sévérité? D'après Ars Technica, qui a suivi tout le procès, il semble que Jammie Thomas n'ait pas arrangé son cas, jurant

* être innocente (alors qu'elle a rapporté son disque dur, mystérieusement endommagé, au SAV, après avoir reçu son injonction)
* n'avoir jamais entendu parler de Kazaa (alors qu'un compte était bien lié à son ordinateur, sur son profil protégé par un mot de passe).

Dans tous les cas, un avocat de l'Electronic Frontier Fondation (une organisation qui œuvre à «défendre les libertés dans le monde digital»), estime que Jammie Thomas possède de bonnes cartouches pour attaquer le caractère non constitutionnel du verdict. A plusieurs reprises, la Cour suprême a en effet invalidé des décisions, au motif que les amendes était «largement excessives».

La RIAA s'est gardé de fanfaronner à l'annonce du verdict. Depuis décembre 2008, l'organisation a en effet annoncé abandonner les actions en justice contre les internautes individuels. A la place, elle tente de passer des accords avec les fournisseurs d'accès, afin que ceux-ci procèdent à une «riposte graduée» très hadopienne, allant jusqu'à la coupure de connexion.

Problème, certains refusent catégoriquement. D'autres, comme AT&T, acceptent un rôle «éducatif» en envoyant des avertissements, mais ne veulent pas jouer les gendarmes –et perdre un client– en suspendant sa connexion. En avril dernier, le Congrès a commencé à réfléchir au problème. Le réalisateur Steven Soderbergh est même venu plaider pour une riposte graduée... citant l'exemple français.

En France, la peine maximum pour ce type d'infraction est de 3 ans de prison et 300.000 euros d'amende. A 2 millions de dollars, estimez-vous comme Gizmodo que la cour américaine a «perdu la tête»? Source
Qu'en pensez-vous ?
  Discussion forum
23 commentaires
  • kmaniche
    Membre chevronné
    A 2 Millions de $ c'est vraiment trop.

    Une question: Peut-on vraiment prouver si une personne à télécharger du contenu (c), sachant que celui-ci utilise une connexion Wifi, facilement piratable ?

    Je crois aussi que la décision de la cour servira plus comme une leçon pour les autres internautes.
  • Marco46
    Expert éminent sénior
    C'est mal de critiquer une décision de justice (bon encore que c'est les USA) mais là franchement faut arrêter la moquette ...
  • Jérémie A.
    Membre confirmé
    Le juge était complètement déchiré quand il a rendu son verdict ?
    Et je suppose que la RIAA doit encore se "féliciter" de ce "magistrale" coup porté au "piratage international".
  • Remizkn
    Membre averti
    Chère la playlist! C'est très franchement abusé surtout que pour des maisons de disques pour qui 3 tubes téléchargés illégalements n'ont pas tellement d'importances...
  • Tommy31
    Membre chevronné
    Envoyé par Remizkn
    Chère la playlist! C'est très franchement abusé surtout que pour des maisons de disques pour qui 3 tubes téléchargés illégalements n'ont pas tellement d'importances...
    J'ai pas suivi l'affaire, mais peut être que différentes circonstances ont pesées lourds dans le verdict. Ainsi, si le téléchargement simple est un degré, la mise en partage délibérée et illicite d'œuvres protégées en est un autre bien supérieur.
    Mais il faut bien reconnaître le côté démesuré de l'amande.
  • zaventem
    Membre expérimenté
    Quelques éléments (a prendre avec les réserves d'usages) qui peuvent expliquer la sanction
    That might sound like no big deal until you realize that Thomas-Rasset later provided this new hard drive—and not the one in the machine during the alleged February infringement—to investigators and to her own expert witness. It becomes an even bigger deal when you realize that she swore under oath—twice—that she had replaced the hard drive in 2004 (a full year earlier) and that it had not been changed again since.
    at several points telling Tim Reynolds that he was characterizing her earlier deposition remarks incorrectly. In every case, Reynolds opened up the deposition, read out the particular passage, and forced her to admit that yes, she had said those things already under oath.
    Thomas-Rasset even claimed to have never heard of KaZaA before this case began, despite the fact that the "tereastarr@KaZaA" account has clearly been linked to her cable modem and despite having written a paper on Napster in college—a paper in which she concluded that Napster's original incarnation was legal under US law.
    http://arstechnica.com/tech-policy/news/2009/06/jammie-thomas-takes-the-stand-admits-to-major-misstep.ars

    What about the letter from Charter in April 2005 telling her that it had received a subpoena related to her account—a letter sent by FedEx, not through the postal service. Thomas-Rasset said she had thrown it out without reading the contents, thinking it to be some updated privacy policy or terms of service document.
    http://arstechnica.com/tech-policy/news/2009/06/thomas-testimony-ends-with-tears-anger-swedish-death-metal.ars
  • lelutin
    Membre habitué
    En clair, c'est pas une débutante dans le p2p mais elle est très bête d'être sur kazaa. En suite, comme il est dit, elle a pas joué franc jeux (les jurés aussi certainement mais c'est pas eux sur le banc).
    le montant est certes ridiculement démesuré mais elle mérite le rendu de culpabilité...
    Et puis finalement qu'elle prenne un pret à taux variable pour changer de voiture de maison ou pour payer son amende sera pareil, elle sera ruinée au bout de 2 ans; c'est les states, quoi
    non blague à part, j'aurais fait la même chose pour le DD et franchement, le criminel c'est le juge.

    ps: nous on a luc Besson, Eux... Soderbergh (mince je l'aimais bien)...
    Peut-être ont-ils créer un fond de pension commun basé sur la perception de % des amendes dans le but de réaliser leur projets...
  • Remizkn
    Membre averti
    Faut pas abuser, les artistes ne sont pas non plus(surtout ceux sous l'aile de ce genre de maisons de disques)en manque d'argent, ils n'en gagnent pas autant qu'ils devraient, c'est le seul soucis. Elle, la femme truande aurait pu être punis d'une somme de quelques milliers, mais enfin plusieurs millions(surtout que l'on sait ce que ça va engendrer pour sa vie...).
  • Furikawari
    Inactif
    Envoyé par Remizkn
    Faut pas abuser, les artistes ne sont pas non plus(surtout ceux sous l'aile de ce genre de maisons de disques)en manque d'argent, ils n'en gagnent pas autant qu'ils voudraient, c'est le seul soucis.
  • fnobb
    Membre éprouvé
    Envoyé par Remizkn
    Faut pas abuser, les artistes ne sont pas non plus(surtout ceux sous l'aile de ce genre de maisons de disques)en manque d'argent, ils n'en gagnent pas autant qu'ils devraient, c'est le seul soucis. Elle, la femme truande aurait pu être punis d'une somme de quelques milliers, mais enfin plusieurs millions(surtout que l'on sait ce que ça va engendrer pour sa vie...).
    comme dit la pub "Nous n'avons pas les mêmes valeurs"