Les législateurs de l'UE ont déclaré l'année dernière leur intention de taxer les cryptomonnaies et un premier projet de loi vient d'être proposé dans ce sens. Selon le projet de loi, les entreprises de cryptomonnaies seront tenues de s'enregistrer auprès des autorités fiscales du bloc des 27. L'UE prévoit de forcer les entreprises de cryptomonnaies à donner aux autorités fiscales des détails sur les avoirs de leurs clients. En outre, le projet de loi vise également à taxer les plateformes d'échange de jetons non fongibles (NFT) et les entreprises étrangères de cryptomonnaies qui ont des clients dans l'UE. Le projet de loi fait toutefois l'objet de controverses.
Bruxelles et les ministres des Finances de l'UE ont entamé au début de l'année des discussions sur une taxe européenne sur les cryptomonnaies. Des sources au fait des plans de l'UE ont rapporté que les discussions sur la fiscalité indiquent que les décideurs politiques ont l'intention de mettre au pas le marché volatil et opaque des cryptomonnaies. Rien que l'année passée, un marché baissier a effacé plus de 2 000 milliards de dollars de la valeur totale du marché des cryptoactifs. Cette situation a été suivie par l'effondrement spectaculaire de la bourse américaine de cryptomonnaies FTX (et ses 130 filiales) qui a laissé plus d'un million de créanciers lésés.
Les décideurs politiques de l'UE craignent que l'absence de règles stricte ne rende les grandes banques et les gestionnaires de fonds vulnérables à des pertes massives et soudaines sur le marché. L'Europe a ouvert la voie en matière de réglementation des cryptomonnaies, qui offrent à leurs utilisateurs un degré élevé d'anonymat. Fin juin 2022, les législateurs bruxellois ont adopté un règlement unique pour le marché, appelé MiCA, qui entrera en vigueur en 2024. Les décideurs européens affirment qu'un régime fiscal unique permettrait aux opérateurs et aux entreprises de cryptomonnaies d'opérer encore plus facilement dans les 27 juridictions de l'UE.
Un projet de loi de l'UE, daté du 5 mai, a révélé que l'UE prévoit de forcer les entreprises de cryptomonnaies à donner aux autorités fiscales des détails sur les avoirs de leurs clients. Le projet de loi sur le partage des données, basé sur un modèle de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), devrait être approuvé par les ministres des Finances de l'UE cette semaine, et permettra aux autorités fiscales de partager des données au sein du bloc des 27. Le projet de loi fait écho à la tentative de la Commission européenne visant à empêcher les résidents de l'UE de cacher des cryptomonnaies à l'étranger pour les soustraire au fisc.
Une taxe européenne sur les cryptomonnaies n'est pas imminente, mais les travaux sont en cours et s'appuient sur les discussions que les fonctionnaires du Trésor ont eues au printemps 2022 à huis clos à Toulouse, en France. L'UE doit d'abord introduire de nouvelles mesures qui obligeraient les sociétés de cryptomonnaies à collecter et à partager avec les autorités fiscales toutes les informations relatives aux personnes ou aux entreprises qui possèdent des actifs numériques dans l'UE. Le fisc aura ainsi une vision claire de qui possède quoi sur le marché. Forte de ces informations, l'UE pourrait ensuite introduire une taxe sur les cryptomonnaies.
Les partisans de la taxe affirment qu'une taxe sur les cryptomonnaies favoriserait l'émergence d'un cadre fiscal harmonisé pour les cryptoactifs. « Les difficultés liées à la classification, à l'évaluation et à l'administration des cryptoactifs posent des défis aux organisations fiscales qui cherchent à les taxer de manière équitable et efficace. L'UE travaille main dans la main avec les États membres pour faciliter et encourager le partage des meilleures pratiques concernant la taxation des cryptoactifs », a déclaré en novembre un porte-parole de la Commission lorsqu'il a été interrogé sur une éventuelle taxe européenne sur les cryptoactifs.
La Commission européenne devrait mettre en place un registre des opérateurs de cryptoactifs d'ici à décembre 2025, avançant ainsi d'un an une précédente échéance, et les règles s'appliqueront à partir du 1er janvier 2026. Le projet de loi, connu sous le nom de huitième directive sur la coopération administrative (DAC8), inclut les plateformes d'échange de NFT qui peuvent être utilisées pour le paiement ou l'investissement, et les fournisseurs basés à l'extérieur du bloc, mais qui ont des clients dans l'UE. Selon le texte, les entreprises de cryptomonnaies d'outre-mer peuvent rendre compte aux autorités étrangères qui respectent les normes de l'UE.
Le règlement sur les marchés des cryptoactifs (Market in Crypto Assets - MiCA) est le règlement de l'UE régissant l'émission et la fourniture de services liés aux cryptoactifs et aux stablecoins. Le règlement MiCA couvre les émetteurs et les prestataires de services, dans le but de protéger les consommateurs et les investisseurs tout en garantissant la stabilité financière et en soutenant l'innovation. Le MiCA définit un cryptoactif comme "une représentation numérique d'une valeur ou de droits qui peuvent être transférés et stockés électroniquement, en utilisant la technologie du grand livre distribué ou une technologie similaire".
Les gouvernements de l'UE utilisent une multitude d'impôts différents qui ciblent la richesse, le revenu et les gains en capital avec des taux variés allant de zéro à 33 %. Par exemple, le Portugal appliquera à partir de cette année un régime fiscal national sur les cryptomonnaies qui imposera un taux de 21 % aux sociétés. Les particuliers qui tirent un revenu inférieur ou égal à 200 000 euros du marché des cryptomonnaies ne seront soumis qu'à un taux d'imposition effectif de 8 %. Cela dit, les spéculateurs qui encaissent les gains réalisés sur le marché des cryptomonnaies en moins d'un an s'exposent à une taxe qui devrait aller jusqu'à 28 %.
Un tel paysage représente un énorme casse-tête logistique pour les entreprises et les bourses de cryptomonnaies qui souhaitent tirer pleinement parti du règlement de l'UE lorsqu'il entrera en vigueur en 2024. Un porte-parole de Crypto.com, l'une des bourses américaines en ligne qui étendent leurs services en Europe, a appelé à "un régime fiscal convivial, qui s'aligne sur la réalisation réelle des principes de revenu et prend en compte la croissance du secteur des cryptoactifs et les avantages économiques potentiels qu'il apporterait". Le MiCA est la première et unique législation de ce type dans le monde et ouvre la voie à d'autres juridictions.
Le MiCA établit une distinction entre les "cryptomonnaies" d'une part et les "jetons" d'autre part. Il fixe également des exigences pour les émetteurs de cryptoactifs et les fournisseurs de services de cryptoactifs (CASP). Les émetteurs de cryptoactifs doivent fournir des informations complètes et transparentes sur les cryptoactifs qu'ils émettent et se conformer aux règles de divulgation et de transparence. Les fournisseurs de services de cryptoactifs doivent être enregistrés et mettre en œuvre des mesures de sécurité et de lutte contre le blanchiment d'argent. La mise en place d'une taxe sur les cryptomonnaies est également à l'étude aux États-Unis.
Enfin, notons que dans le cas du MiCA, un amendement qui visait à limiter la preuve de travail (PoW) pour les cryptomonnaies a été écarté du vote. La disposition aurait pu obliger les mineurs de cryptomonnaies telles que le Bitcoin à se tourner vers des mécanismes plus respectueux de l'environnement dans toute l'UE, mais elle n'a donc pas été prise en compte. L'année dernière, le projet Etherum est passé à la preuve d'enjeu (proof of stake), une alternative plus écologique à la preuve de travail.
Source : texte du projet de loi (PDF)
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Les entreprises devront divulguer des détails sur les avoirs des clients aux autorités fiscales
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Le , par Bill Fassinou
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