Pour une API qui était jusque-là disponible gratuitement, les chiffres donnent le vertige. À côté de cette première formule qui semble être, à tout le moins, « la formule économique », nous avons un forfait moyen qui donne accès à 100 millions de tweets pour 125 000 dollars par mois ou 1,5 million de dollars par an. Et enfin la formule premium qui permet d’accéder à 200 millions de tweets après avoir déboursé 210 000 $ par mois ou 2,52 millions de dollars par an. Twitter aurait commencé à envoyer des emails aux utilisateurs de son API en leur indiquant que ce nouveau plan tarifaire prendra effet dans quelques mois.
Here's the docs. "Large package" is $210,000 a month, or $2.5 million a year (tip @techmeme) https://t.co/RfGyWqpIgF pic.twitter.com/xuBiCBzoe7
— Chris Stokel-Walker ~ @stokel@infosec.exchange (@stokel) March 10, 2023
Twitter fournit actuellement un accès gratuit limité à son API, ainsi que des niveaux premium et évolutif pour les développeurs qui ont besoin de lever les restrictions d’accès aux points de terminaison et de débloquer des fonctionnalités d’entreprise supplémentaires. Aussi, même si Twitter ne divulgue pas publiquement le prix de ses niveaux professionnels de l’API, certaines indiscrétions estiment que les frais commencent à 99 dollars par mois et augmentent en fonction du niveau d’accès requis. Sur cette base, de nombreux utilisateurs ne s’attendaient pas à voir une telle majoration du prix pour l’accès à cet API. Pour les abonnés au forfait le moins cher, le nombre de règles à travers lesquelles ils peuvent filtrer les données de l’API Real Time PowerTrack de l’application sera plafonné à 25 000, et le nombre de requêtes de l’API Full Archive Search sera plafonné à 50 000. En outre, le nombre d’analyses que ces derniers pourront également faire via l’API d’activité de compte sera également limité à 5 000, et il y aura un maximum de 20 requêtes par minute pour le point de terminaison de l’API d’engagement qui permet aux chercheurs de voir à quel point les tweets se portent en termes d’engagement.
Pour encore mieux comprendre la décision " incompréhensible " de Twitter, il faut préciser que lorsque le réseau fournissait son API gratuitement, les chercheurs, universitaires, entreprises et organisations avaient accès à 1 % de tous les tweets de la plateforme. Maintenant qu’ils doivent payer, le plus petit forfait leur donne accès à seulement 0,3 % de la production mensuelle des tweets, ce qui signifie qu’il est loin d’être un instantané complet de l’activité sur la plateforme. Pour Nir Grinberg, professeur adjoint au Département de génie logiciel et des systèmes d’information de l’Université Ben Gourion en Israël « cela semble être une augmentation très forte pour une infime quantité de données. Il y a quelques mois, 1 % de Twitter était gratuit. Maintenant, Twitter offre 0,3 % pour un demi-million de dollars [par an] », « C’est juste fou. Honnêtement, je ne sais pas qui pourrait budgétiser cela ». Pour investir plus d’un demi-million de dollars dans une API, il faut impérativement avoir un retour sur investissement. Un tel budget n’est pas à la portée de toutes les entreprises encore moins aux chercheurs ou universitaires. « Je ne sais pas s’il y a un universitaire sur la planète qui pourrait se permettre 42 000 dollars par mois pour Twitter », déclare Jeremy Blackburn, professeur adjoint à l’université de Binghamton à New York et membre de l’iDRAMA Lab, qui analyse les discours de haine sur les réseaux sociaux. — y compris sur Twitter.
“I don’t know if there’s an academic on the planet who could afford $42,000 a month for Twitter,” says @jhblackb, which was not a unique sentiment https://t.co/RfGyWqpIgF
— Chris Stokel-Walker ~ @stokel@infosec.exchange (@stokel) March 10, 2023
Elissa M. Redmiles, membre du corps professoral de l’Institut Max Planck pour les systèmes logiciels en Allemagne, est du même avis que Jeremy Blackburn et trouve que les nouveaux prix sont prohibitifs. « C’est probablement en dehors de tout budget académique dont j’ai jamais entendu parler », ajoute-t-elle. Kenneth Joseph, professeur adjoint à l’Université de Buffalo et l’un des auteurs d’un article récent analysant une journée dans la vie de Twitter, affirme de son côté que la nouvelle tarification tue effectivement sa carrière. « 42 000 $, ce n’est pas quelque chose que je peux payer pour un seul mois de manière raisonnable », dit-il. « Cela détruit totalement toute opportunité de faire de la recherche dans cet espace sur lequel j’ai bâti ma carrière ».
D’un point de vue profane, l’on se demande si au-delà de la volonté de renflouer les caisses de l’entreprise, Twitter n’a pas d’autres desseins cachés. En effet, pour certains, ce type de système de tarification pour l’accès à l’API serait conçu pour éliminer la possibilité d’une recherche indépendante sur la plateforme en plus de générer des revenus à l’entreprise. Que cela soit avéré ou pas, cela pourrait pousser les chercheurs à explorer le Web pour contourner ces restrictions. Des suggestions pointent déjà vers Twint qui permettrait de récupérer les tweets et prendrait en charge les proxys. Il serait également multithread. Cependant, un énorme problème est qu’il est susceptible de ne plus fonctionner en cas de changement au niveau du site.
Toutefois, il n’est pas certain que tout le monde puisse trouver des solutions (financières ou techniques) qui leur donnent accès aux API de Twitter. Dans pareil cas, la décision de Twitter pourrait se retourner contre elle, car de nombreux utilisateurs pourraient se tourner vers d’autres plateformes, même si pour l’heure le réseau est beaucoup utilisé par les journalistes, des politiciens de haut rang et de décideurs, ce qui constitue un espace privilégié pour analyser les discours des élites.
Source : Twitter
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