
Neuralink est une société de neurotechnologie qui vise à créer des implants cérébraux pour traiter les maladies et intégrer de nouvelles capacités logicielles avancées au cerveau humain. Outre le traitement potentiel de maladies cérébrales telles que l'épilepsie et la maladie de Parkinson, le dispositif crânien agirait également comme une sorte de "couche numérique" qui fusionne la matière grise humaine avec des outils technologiques avancés. Elle teste déjà ses prototypes sur des animaux (singes et porcs). Plusieurs rapports font état d'un nombre élevé de décès parmi ces animaux, mais Musk affirme que la startup est prête pour des essais sur les humains.
Musk a affirmé que les implants cérébraux de Neuralink sont suffisamment sûrs pour être insérés dans son cerveau et celui des enfants. Cependant, un rapport détaillé publié jeudi par Reuters révèle que la Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis a rejeté la demande de Neuralink. Le rapport mentionne que la demande de Neuralink a été soumise à la FDA au début de 2022. Le refus serait lié au fait que les régulateurs avaient identifié des dizaines de problèmes qui devaient être résolus en premier, ainsi que des problèmes de sécurité concernant les projets de l'entreprise de Musk d'implanter des batteries au lithium à l'intérieur du corps humain.
Musk n'a jamais mentionné ce refus dans ces nombreuses déclarations affirmant que les essais cliniques étaient imminents. Moins d'un an après le refus, Musk a renouvelé sa promesse que les essais sur l'homme ne seraient plus qu'une question de mois sans d'autres d'explications. Mais le rapport estime qu'il est maintenant presque certain que Neuralink ne respectera pas la date du 7 mars 2023 que Musk avait fixée l'an dernier pour obtenir l'approbation de la FDA. Des sources au fait du dossier ont déclaré que c'était un "pari" que de fixer une date pour le début des essais sur des humains, compte tenu de l'opposition des autorités réglementaires.
En bref, les membres du personnel doutent que l'entreprise soit en mesure de résoudre ces problèmes à temps pour respecter les délais trop ambitieux de Musk. Mais les personnes interrogées par le média affirment que le PDG milliardaire serait remonté contre le personnel à cause de la situation. Selon le rapport, fin 2020 Musk a crié sa colère sur la lenteur de l'entreprise à obtenir l'approbation réglementaire jusqu'à environ 2 heures du matin. Certains ont déclaré qu'ils sont restés sous le choc. « Il [Musk] ne peut pas se rendre compte que ce n'est pas une voiture. C'est le cerveau d'une personne. Ce n'est pas un jouet », aurait déclaré l'une des sources.
En remontant plus loin en arrière, le rapport fait remarquer que Musk promet depuis au moins 2019 que les tests sur humains commenceraient de manière imminente. En 2020, il a promis que les essais de la puce cérébrale de l'entreprise, de la taille d'une pièce de monnaie, conçue pour permettre à terme aux patients handicapés de bouger et de communiquer à nouveau, démarreraient dans "moins d'un an". En février 2021, il a tweeté que l'entreprise travaillait avec la FDA pour commencer des essais sur l'homme plus tard cette année-là. Mais la demande n'avait pas encore été déposée. Dix mois plus tard, son calendrier est passé à "l'année prochaine".
Enfin, en décembre dernier, Musk a promis que les essais sur l'homme n'étaient que "dans six mois". Et selon les analystes, la partie est loin d'être terminée pour l'entreprise, car il s'agit d'un cas assez fréquent. Le rapport indique en effet que seuls deux tiers environ de toutes les demandes d'essais sur l'homme déposées auprès de la FDA sont approuvés après la première demande. Malgré les circonstances, Neuralink n'est pas techniquement tenue d'avouer que sa demande a été rejetée ni de donner les raisons. Aucune loi en vigueur aux États-Unis n'oblige la startup à expliquer publiquement pourquoi la FDA juge sa technologie non sécurisée pour l'homme.
Musk, en revanche, a fait des promesses extrêmement audacieuses sur l'avenir de la technologie qui ne tenaient pas compte de ces difficultés en coulisses. Cet aspect de l'homme d'affaires milliardaires n'est pas nouveau : Musk communiqué régulièrement depuis au moins 2015 sur l'arrivée imminente d'une technologie de conduite autonome complète pour les voitures Tesla, mais l'on attend toujours. Son logiciel Autopilot peine à satisfaire convenablement les exigences du niveau 2 de la conduite autonome. Mais encore, Musk est également connu pour ses prises de bec avec les régulateurs, qu'il considère en grande partie comme un obstacle.
Comme dans le cas de ses autres entreprises, notamment Tesla et SpaceX, l'approche de Musk a consisté, de manière générale, à "aller vite et à casser des choses". Dans le domaine médical, cependant, ce genre d'état d'esprit peut ne pas vous mener très loin. « Tout le monde dans l'industrie disait : "Oh, bon sang, ils vont se heurter à un mur de briques". Neuralink ne semble pas avoir l'état d'esprit et l'expérience nécessaires pour mettre cela sur le marché dans un avenir proche », a déclaré à Reuters Kip Ludwig, ancien directeur de programme pour l'ingénierie neuronale au National Institutes of Health (NIH) des États-Unis.
Un rapport publié en décembre dernier a révélé que Neuralink fait l'objet d'une enquête fédérale pour de potentielles violations de la législation américaine sur le bien-être des animaux, l'Animal Welfare Act. Un rapport d'enquête portant sur des documents et des sources internes suggère que les tests sur les animaux sont effectués trop rapidement, ce qui fait souffrir les animaux inutilement et cause leur mort. Neuralink aurait tué 1 500 animaux en quatre ans et est poursuivie pour cruauté envers les animaux. La précipitation dans les tests aurait conduit à des erreurs graves, ce que les régulateurs cherchent à éviter dans les cas des humains.
Aujourd'hui, Neuralink s'efforce d'obtenir davantage de données issues des essais sur les animaux pour apaiser les inquiétudes de la FDA. Mais l'entreprise risque de se heurter à d'autres obstacles réglementaires. Le mois dernier, un autre rapport a allégué que Neuralink pourrait avoir déplacé illégalement des agents pathogènes dangereux, enfreignant ainsi la loi fédérale. Et pendant ce temps, la startup Synchron, une concurrente de Neuralink, a déjà reçu le feu vert des régulateurs pour commencer les essais sur l'homme l'année dernière. Neuralink doit également faire face à d'importants bouleversements au sein de sa direction.
Les sources ont révélé que Musk lui-même est déjà très occupé par ses autres projets et accorde très peu d'attention à Neuralink. La société a clairement du pain sur la planche pour obtenir l'approbation de la FDA. Après tout, les risques encourus sont palpables : introduire un dispositif alimenté par une batterie dans le cerveau pour en stimuler certaines zones est assez invasif. Les dommages potentiels sur les participants aux tests pourraient être irréversibles.
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