Certaines personnes connaissent peut-être ENS, le "Ethereum Name Service", qui se veut un équivalent web3 du DNS. Si vous avez vu des personnes dont le nom d'utilisateur se termine par .eth, il s'agit d'une adresse ENS. Le problème est que .eth n'est pas un domaine de premier niveau fonctionnel et que de nombreux services s'appuient sur eth.link pour faire apparaître ces enregistrements DNS sur d'autres services.
Cependant, le domaine eth.link n'est loué que pour une durée déterminée et doit être renouvelé. L'ENS DAO a tweeté que le propriétaire du domaine, Virgil Griffith, était "indisponible". Ils veulent dire par là qu'il purge actuellement la première de ses cinq années de prison pour avoir aidé la Corée du Nord à échapper aux sanctions américaines. Avec « l'indisponibilité » de Griffith, le projet s'est retrouvé à la merci de GoDaddy. Bienvenue sur le web3 décentralisé qui a été promis à tous !
Bien que GoDaddy ait précédemment autorisé une autre personne à renouveler le domaine au nom de Griffith, ils ont annulé cette décision et disent maintenant qu'ils ont l'intention d'autoriser l'expiration du domaine le 5 septembre.
L'ENS DAO a publié une série de tweets exhortant les gens à passer à un autre service, compte tenu du risque que le domaine puisse être récupéré. « Si le nom expire et est acquis par une personne mal intentionnée, les dommages qu'elle pourrait causer par hameçonnage sont considérables - veuillez donc mettre à jour vos liens et alerter immédiatement vos utilisateurs du problème », ont-ils écrit.
Lorsque les membres de la communauté ENS DAO se rendent sur son site Web eth.link, tout ce qu'ils voient maintenant est une page vide avec une bannière verte d'avis d'expiration de domaine en haut.
En effet, la seule personne habilitée à renouveler le domaine, Virgil Griffith, purge une peine de 63 mois de prison pour avoir aidé des Nord-Coréens à utiliser des cryptomonnaies pour contourner les sanctions et n'a pas été en mesure de renouveler le domaine depuis la prison. Selon un avis du registraire de domaine GoDaddy publié vendredi sur son site Web, eth.link a expiré le 26 juillet et devrait revenir dans un registre de domaine le 5 septembre, où il sera à gagner pour quiconque est capable de le prendre.
L'ENS DAO est une organisation autonome décentralisée (DAO) qui régit le protocole Ethereum Name Service, une version Web3 d'un fournisseur de service de nom de domaine. ENS est le protocole derrière les nombreux noms .eth qui sont apparus dans la communauté Ethereum. Les utilisateurs ont acheté des noms .eth comme moyen de posséder leurs propres domaines. Les noms ENS peuvent ensuite être liés à l'adresse de votre portefeuille, ce qui permet aux utilisateurs d'envoyer et de recevoir plus facilement des cryptos (au lieu d'avoir à taper une adresse Ethereum longue et complexe).
Selon Khori Whittaker, directeur exécutif de l'ENS, « Virgil Griffith, qui travaillait à la Fondation Ethereum lors du lancement de l'ENS, a été l'un des premiers contributeurs au protocole ENS. Parce que ENS est un protocole sans autorisation, n'importe qui peut créer des dApps dessus, ce qui est le cas pour l'implication de Virgil avec eth.link. Il a acheté le domaine et créé une application qui résout les domaines ENS. »
Le DAO s'est appuyé sur le site eth.link pour fournir un accès aux informations sur tous les noms ENS. L'ENS DAO conseille déjà à ses utilisateurs de passer à eth.limo, un autre domaine géré par la communauté.
Selon un tweet du compte Twitter de l'ENS DAO, le PDG d'EasyDNS, Mark Jeftovic, avait précédemment conclu un accord pour renouveler l'adresse de domaine pour une autre année avant que le fournisseur de domaine ne décide de cesser d'honorer l'accord "soudainement" et "sans préavis".
« Des événements comme celui-ci montrent finalement l'importance des systèmes de dénomination décentralisés », a déclaré Whittaker. « Après le renouvellement de eth.link, GoDaddy a décidé de "réexpirer" le domaine, révélant le pouvoir et le contrôle de cet ancien système de nommage. En revanche, n'importe qui peut prendre en charge un domaine ENS en payant pour son renouvellement ou son extension ».
L'ENS a connu une croissance accélérée au cours de la dernière année, atteignant 2 millions d'enregistrements de noms de domaine le 17 août. Il a fallu 5 ans à l'ENS pour enregistrer son premier million de noms, mais seulement 3,5 mois pour atteindre 2 millions de noms.
L'expert en cryptomonnaie
Pour mémoire, Virgil Griffith, 39 ans, est titulaire d'un doctorat de l'Institut de technologie de Californie. Il est chercheur en blockchain et a participé au développement de la blockchain Ethereum. Selon les documents judiciaires, Griffith aurait commencé à formuler des plans dès 2018 pour fournir des services à des individus en RPDC en y développant et finançant des infrastructures de cryptomonnaies, notamment pour miner des cryptomonnaies. Le DOJ a déclaré que Griffith savait que la RPDC pouvait utiliser ces services pour se soustraire aux sanctions américaines et les éviter, et pour financer son programme d'armes nucléaires et d'autres activités "illicites".
Conformément à l'IEEPA et à l'Executive Order 13466, il est interdit aux personnes américaines d'exporter des biens, des services ou des technologies vers la RPDC sans une licence de l'Office of Foreign Assets Control (OFAC) du département américain du Trésor.
De même, le 18 mars 2016, le Président des États-Unis a émis le décret 13722 qui interdisait « l'exportation ou la réexportation, directe ou indirecte, des États-Unis ou par un américain, indépendamment de l'endroit où il est situé, de tout bien, service ou technologie à la Corée du Nord » et aussi « toute approbation, financement, facilitation ou garantie fournie par un américain, indépendamment de l'endroit où il est situé, d'une transaction amorcée par une personne étrangère qui pourrait être interdite par cette section si elle était effectuée par un américain ou sur le sol américain ».
Pourtant, en avril 2019, Griffith se serait rendu en RPDC pour assister et faire une présentation à la "Pyongyang Blockchain and Cryptocurrency Conference". Cependant, alors que le département américain d'État lui avait refusé l'autorisation de se rendre en RPDC, Griffith a fait des présentations à la conférence sur les cryptomonnaies de la RPDC et aurait adapté son message au public de la RPDC.
Ce qui était en violation des sanctions contre la RPDC. Selon le DOJ, lors de la conférence sur les cryptomonnaies de la RPDC, Griffith et ses co-conspirateurs ont donné des instructions sur la façon dont la RPDC pourrait utiliser la blockchain et les cryptomonnaies pour blanchir de l'argent et échapper aux sanctions. Les présentations de Griffith auraient été approuvées par des responsables de la RPDC et porteraient essentiellement sur la manière dont la blockchain, en particulier les contrats intelligents, pouvait être utilisée au profit de la RPDC, notamment dans le cadre des négociations sur les armes nucléaires avec les États-Unis.
Précisons que Griffith fit peu d'efforts pour cacher ses projets de voyage. Il a tweeté une photo de ses documents de voyage et s'est volontairement entretenu avec le FBI après son voyage. Il a même donné la permission aux autorités d'inspecter son téléphone portable.
Selon le gouvernement fédéral, les communications électroniques de Griffith montrent clairement son intention de violer les lois américaines sur les sanctions. Quand une personne lui a demandé par message électronique pourquoi le régime nord-coréen était intéressé par la cryptomonnaie, il a écrit « probablement pour éviter les sanctions... qui sait ? »
Plus tard, il a annoncé à un ami son plan d’aider à envoyer 1 unité de cryptomonnaie (probablement 1 Ether, soit 134 euros à l'époque) entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Son correspondant a demandé « n'est-ce pas une violation des sanctions ? » Griffith a répondu « oui », selon le gouvernement américain.
Griffith et ses co-conspirateurs auraient également répondu à des questions spécifiques sur les technologies comme la blockchain et les cryptomonnaies pour le public de la RPDC, y compris des personnes qui, selon Griffith, travaillaient pour le gouvernement nord-coréen. Selon les documents judiciaires, lorsque Griffith voulait se rendre en RPDC, l'expert en cryptomonnaies a demandé à recevoir son visa de voyage sur un papier séparé et non sur son passeport américain, probablement pour éviter de créer des preuves matérielles de son voyage en Corée du Nord. Griffith aurait également essayé de recruter d'autres Américains pour la même cause.
Selon les procureurs, Griffith a déclaré lors de l'une de ces présentations que "la caractéristique la plus importante des blockchains est qu'elles sont ouvertes". À la suite de ces événements, Griffith, qui travaillait en tant que développeur de projets spéciaux et chercheur scientifique pour la Fondation Ethereum, a été arrêté en novembre 2019 par le FBI. « Il ne fait aucun doute que la Corée du Nord constitue une menace pour la sécurité nationale de notre pays, et le régime a montré à maintes reprises qu'il ne reculera devant rien pour ignorer nos lois dans son propre intérêt », a déclaré le procureur américain Damian Williams.
« Griffith a admis devant le tribunal avoir pris des mesures pour échapper aux sanctions, qui sont en place pour empêcher la RPDC de construire une arme nucléaire. La justice a été rendue avec la sentence prononcée », a-t-il ajouté. En septembre 2021, Griffith a plaidé coupable à un chef d'accusation de complot visant à violer les sanctions internationales contre la Corée du Nord. Bien que le crime ait entraîné une peine maximale de 20 ans, l'accord de plaidoyer de Griffith avec les procureurs fédéraux a ramené la peine à une fourchette de 63 à 78 mois - environ cinq à six ans et demi.
Outre les années d'emprisonnement, Griffith a également été condamné à trois ans de liberté surveillée et à une amende de 100 000 dollars.
Virgil Griffith est connu entre autres pour son implication en 2003 dans un procès avec l'éditeur américain de logiciel Blackboard, dont il menaçait d'exposer publiquement les lacunes de son système. Le 14 aout 2007 il a lancé un logiciel utilitaire, WikiScanner (qui disparaîtra en 2011). Cet outil permettait de retracer les modifications d’articles Wikipédia à partir de comptes non enregistrés jusqu’à leur adresse IP d’origine et d’identifier les sociétés ou organisations auxquelles ils appartenaient. Selon la BBC, WikiScanner a permis de révéler que certaines des modifications apportées à Wikipédia proviennent d’ordinateurs appartenant au Democratic Congressional Campaign Committee, à la CIA, au Vatican entre autres.
En 2008, Griffith a conçu avec Aaron Swartz (informaticien, écrivain, militant politique et hacktiviste américain qui mettra fin à ses jours le 11 janvier 2013 à l’âge de 26 ans) le proxy Tor2web.
Depuis 2014, il s’engage plus activement dans la cryptomonnaies.
Sources : GoDaddy, ENS DAO
Et vous ?
Qu'en pensez-vous ?
Voir aussi :
Le développeur Virgil Griffith risque 20 ans de prison, après avoir participé à une conférence sur la blockchain en Corée du Nord, pour complot au profit du pays
Un service de nom de domaine Web3 pourrait perdre son adresse Web car le développeur qui peut le renouveler est en prison
Eth.link a expiré le 26 juillet et sera disponible pour achat le 5 septembre
Un service de nom de domaine Web3 pourrait perdre son adresse Web car le développeur qui peut le renouveler est en prison
Eth.link a expiré le 26 juillet et sera disponible pour achat le 5 septembre
Le , par Stéphane le calme
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !