Bret Taylor, président indépendant du conseil d'administration de Twitter, a déclaré : « Le conseil d'administration de Twitter a mené un processus réfléchi et complet pour évaluer la proposition d'Elon en mettant délibérément l'accent sur la valeur, la certitude et le financement. La transaction proposée offrira une prime en cash substantielle, et nous pensons qu'elle est la meilleure voie à suivre pour les actionnaires de Twitter ».
Parag Agrawal, PDG de Twitter, a déclaré : « Twitter a un objectif et une pertinence qui ont un impact sur le monde entier. Profondément fier de nos équipes et inspiré par le travail qui n'a jamais été aussi important ».
Alors, qu'est-ce que Musk a l'intention de faire exactement sur Twitter ?
Nous avons une assez bonne idée de ses principales priorités sur la base de sa déclaration dans le communiqué de presse de lundi annonçant l'acquisition*:
« La liberté d'expression est le fondement d'une démocratie qui fonctionne, et Twitter est la place publique numérique où sont débattues des questions vitales pour l'avenir de l'humanité », a-t-il déclaré. « Je veux également rendre Twitter meilleur que jamais en améliorant le produit avec de nouvelles fonctionnalités, en rendant les algorithmes open source pour accroître la confiance, en vainquant les spambots et en authentifiant tous les humains ».
Musk, un utilisateur de longue date de Twitter avec plus de 80 millions d'abonnés, détaille ses sentiments à propos du service depuis des années maintenant. Voici ce que nous nous attendons à voir dans les changements sur Twitter si l'accord est approuvé par les régulateurs, sur la base de ses tweets passés.
1. Assouplissement de la modération du contenu
Musk a à plusieurs reprises qualifié Twitter de « la place publique de la ville » de l'ère moderne - l'équivalent numérique d'un forum public.
À cette fin, il a critiqué la décision de Twitter de bannir définitivement le compte de l'ancien président Donald Trump du site, à la suite de l'insurrection au Capitole américain le 6 janvier 2021.
« Beaucoup de gens vont être très mécontents de la haute technologie de la côte ouest en tant qu'arbitre de facto de la liberté d'expression », a tweeté Musk en réponse à la publication satirique chrétienne conservatrice The Babylon Bee, après avoir partagé un article satirique le 11 janvier 2021 intitulé « Dictateur fasciste maléfique censuré et démis de ses fonctions ».
D'ailleurs, dans ce même fil de discussion, un utilisateur lui suggérait en janvier 2021 d'acheter Twitter et de « l'envoyer dans l'espace »
Elon Musk pourrait même rétablir le compte Twitter de Trump, bien qu'il ne soit pas clair si l'ancien président utiliserait à nouveau le compte.
D'après les tweets de Musk, il semblerait qu'il fasse au moins pression pour une modération plus souple sur Twitter.
Il a démontré ce sentiment au moins une fois au cours des dernières semaines. En réponse aux utilisateurs de Twitter soulignant que les médias russes sont de la propagande, Musk a répondu qu’il pensait que toutes les sources d’information faisaient de la propagande dans une certaine mesure, et certaines le faisaient plus que d’autres. Aussi, Musk a déclaré que Starlink ne bloquerait pas les sources d'information russes de son réseau : « Certains gouvernements (pas l’Ukraine) ont demandé à Starlink de bloquer les sources d’information russes. Nous ne le ferons que sous la menace d’une arme », a tweeté Elon Musk. Et il a ajouté : « Désolé d'être un absolutiste de la liberté d'expression ».
2. Changements d'algorithme
Elon Musk entend rendre public les algorithmes de tri des contenus de Twitter, afin que chacun puisse comprendre comment ils fonctionnent. Ces programmes informatiques, qui définissent quels contenus vont être mis en avant en fonction du profil de chaque utilisateur, sont décriés par les régulateurs et les chercheurs pour leur opacité et leurs effets de bord négatifs (amplification des contenus clivants suscitant de nombreuses réactions, par exemple).
Le 24 mars, Elon Musk avait demandé si les algorithmes de Twitter devaient être passés en « open source », ce qui rendrait leur code accessible et modifiable. Ces logiciels gèrent notamment l’affichage des tweets jugés les plus pertinents et intéressants, en fonction notamment du nombre de personnes ayant interagi avec. L’utilisateur a toutefois le choix avec l’affichage traditionnel de Twitter, par ordre antéchronologique.
Jack Dorsey, le fondateur de Twitter, qui n’exerce plus aucune responsabilité dans l’entreprise, a déjà critiqué sa plateforme et suggéré des modifications. À ce message d'Elon Musk, il a répondu : « Le choix d’utiliser (ou non) l’algorithme de son choix devrait appartenir à l’utilisateur. »
Encore une fois, cette idée de Musk est liée à ses sentiments sur la liberté d'expression.
« Je crains que la partialité de facto dans "l'algorithme Twitter" n'ait un effet majeur sur le discours public », a déclaré Musk à un abonné. «*Comment savons-nous ce qui se passe réellement*?*»
Si cette mesure venait à être adoptée, elle devrait être bien accueillie par les pouvoirs publics. En Europe, Bruxelles estime que le Digital Services Act (législation sur les services numériques) améliore considérablement les mécanismes de suppression des contenus illicites et de protection effective des droits fondamentaux des utilisateurs en ligne, y compris la liberté d’expression. Elle renforce également la surveillance publique des plateformes en ligne, en particulier pour celles qui touchent plus de 10 % de la population de l’UE.
Concrètement, il s’agit :
- de mesures visant à lutter contre les biens, services ou contenus illicites en ligne, telles qu'un mécanisme permettant aux utilisateurs de signaler ces contenus, et aux plateformes de coopérer avec des « signaleurs de confiance » ;
- de nouvelles obligations en matière de traçabilité des entreprises utilisatrices sur les places de marché en ligne, qui aideront à repérer les vendeurs de marchandises illicites ;
- de garanties efficaces pour les utilisateurs, y compris la possibilité de contester les décisions de modération du contenu prises par les plateformes ;
- de mesures de transparence pour les plateformes en ligne concernant de nombreux aspects, y compris les algorithmes utilisés pour les recommandations ;
- de dispositions obligeant les très grandes plateformes à prévenir l'utilisation abusive de leurs systèmes en adoptant des mesures fondées sur les risques et en faisant réaliser des audits indépendants de leur système de gestion des risques ;
- de la possibilité, pour les chercheurs, d'avoir accès aux données clefs des plus grandes plateformes, afin de comprendre comment les risques en ligne évoluent ;
- d'une structure de contrôle permettant de remédier à la complexité de l’espace en ligne : les pays de l'UE joueront un rôle central et seront assistés par un nouveau comité européen des services numériques ; pour les très grandes plateformes, renforcement de la surveillance et du contrôle du respect de la législation par la Commission.
3. Suppression des spambots
Elon Musk n'a jamais caché son agacement face aux faux comptes qui pullulent sur la plateforme, notamment pour diffuser des arnaques aux cryptomonnaies. Par exemple, il a précédemment déclaré qu'il souhaitait se débarrasser des « spambot de crypto » - des comptes de spam faisant la promotion de ce qui semble être des escroqueries basées sur la cryptomonnaie; nombre d'escrocs utilisent d'ailleurs le nom et l'image du fondateur de Tesla pour mieux berner leurs victimes.
Musk a qualifié le problème de spam sur Twitter de « problème le plus ennuyeux » lié à l'utilisation du service. Il a même publiquement supplié Twitter de faire quelque chose à ce sujet. « Combien de temps cela doit-il durer ? » a-t-il demandé en février.
«Nous allons défaire les robots diffusant des spams et authentifier les comptes tenus par de véritables êtres humains», a-t-il indiqué jeudi.
Dans une interview du 14 avril à TED 2022, Musk a cité ce problème comme la première chose qu'il changerait en tant que nouveau propriétaire de Twitter. « Une priorité absolue que j'aurais serait d'éliminer les spambots et les scambots, ainsi que les armées de bots qui sont sur Twitter », a-t-il déclaré. « Ils rendent le produit bien pire ».
4. Le développement de services payants
Elon Musk estime que le modèle économique de Twitter est trop dépendant de la publicité et qu'il doit développer de nouvelles sources de revenus. Le réseau social en est conscient, et a sorti dans quelques pays l'abonnement Twitter Blue, qui permet de bénéficier de services supplémentaires pour l'équivalent de 2,50 euros par mois. Par exemple, Twitter Blue dispose actuellement d'une option « Annuler le tweet » qui retarde l'envoi des tweets jusqu'à 60 secondes.
Dans des messages qu'il a depuis supprimés, Elon Musk a estimé que le prix de l'abonnement était trop élevé et qu'il devait offrir d'autres avantages pour attirer davantage de clients. Par exemple, les abonnés ne devraient plus voir de publicités sur l'application. Ils devraient aussi bénéficier d'un signe distinctif sur leur avatar, comme une sorte de badge, afin de signaler qu'ils sont abonnés Premium.
5. L'ajout d'un bouton d'édition
Musk est en faveur du bouton d'édition que les utilisateurs de Twitter demandent depuis des années.
Il a soutenu l'espoir de longue date que Twitter ajoutera un jour une fonction d'édition à son service afin que les utilisateurs puissent corriger, à tout le moins, les fautes d'orthographe de base ou les liens erronés immédiatement après la publication. Ses plus de 80 millions d'abonnés ont massivement soutenu l'ajout de la fonction dans un sondage qu'il a réalisé le mois dernier.
Après que Musk a demandé aux utilisateurs s'ils souhaitaient un bouton d'édition, le PDG de Twitter, Parag Agrawal, a suggéré que les résultats du sondage de Musk pourraient influencer la politique de Twitter. « Les conséquences de ce sondage seront importantes. Veuillez voter avec soin », a écrit Agrawal. D'un autre côté, Jay Sullivan, vice-président de l'entreprise chargé des produits grand public, a déclaré que la société cherchait depuis l'année dernière à construire cette fonctionnalité « de manière sûre ». Selon lui, il y a un inconvénient potentiel dans la mesure où les gens pourraient modifier considérablement les tweets après qu'ils sont devenus viraux.
De plus, l'ancien PDG de Twitter, Jack Dorsey, était réticent à ajouter une telle fonctionnalité par le passé. En 2018, il a exprimé sa crainte qu'un bouton d'édition puisse permettre aux utilisateurs de modifier le sens d'un tweet après qu'il a été largement partagé, et en 2020, il a déclaré que Twitter n'ajouterait probablement jamais cette fonctionnalité. Si Twitter a depuis changé d'avis, Sullivan a indiqué qu'il y aura des contrôles pour éviter les « abus » : « sans des choses comme des limites de temps, des contrôles et la transparence sur ce qui a été édité, l'édition pourrait être utilisée à mauvais escient pour modifier l'enregistrement de la conversation publique ».
« Protéger l'intégrité de la conversation publique est notre priorité absolue lorsque nous abordons ce travail. Par ailleurs, cela prendra du temps et nous chercherons activement à obtenir des commentaires et des avis contradictoires avant de lancer ce bouton d'édition. Nous aborderons cette fonctionnalité avec soin et réflexion et nous partagerons les mises à jour au fur et à mesure », a déclaré Sullivan. Il faut noter que des préoccupations de ce type ont toujours été soulevées à propos des demandes de bouton d'édition. Toutefois, en 2017, Facebook, Medium, etc. permettent déjà aux utilisateurs de modifier leurs publications.
Et ces fonctionnalités n'ont pas été accompagnées d'abus généralisés. Andrew Bosworth, directeur technique de Meta, a écrit : « nous avons résolu ce problème sur Facebook depuis longtemps. Il suffit d'inclure un indicateur notifiant qu'il a été modifié ainsi qu'un journal des modifications. Si vous êtes vraiment inquiet au sujet des embeds, ils peuvent pointer vers une révision spécifique dans cet historique, mais avec un lien vers la dernière modification. Ce n'est pas un vrai problème ». Cependant, cela ne signifie pas que les abus sont inconnus.
Selon l'ancien responsable de la sécurité de Meta, Alex Stamos, la fonction de modification de Facebook a été utilisée de manière abusive par le passé, notamment pour faciliter une escroquerie aux cryptomonnaies.
Précisons que Twitter a récemment déclaré qu'il travaillait sur la fonctionnalité depuis un certain temps. « Non, l'idée ne nous est pas venue d'un sondage. Nous donnons le coup d'envoi des tests au sein des @TwitterBlue Labs dans les prochains mois pour apprendre ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas et ce qui est possible », a déclaré l'entreprise.
Sources : Elon Musk (1, 2, 3, 4)
Voir aussi :
Elon Musk a révélé que SpaceX se prépare à se défendre contre les cyberattaques et le brouillage des signaux il se refuse également à bloquer les sources d'information russes de son réseau
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