
En août dernier, la Corée du Sud a adopté un projet de loi écrit pour empêcher les principaux propriétaires de plateformes comme Google et Apple de limiter les développeurs d'applications aux systèmes de paiement intégrés. Le projet de loi a été adopté à 180 voix contre zéro, faisant de la Corée du Sud la première grande puissance économique à adopter une telle législation.
Le projet de loi sud-coréen offrira la possibilité aux utilisateurs de choisir un système de paiement lors de l'achat d'applications.
« Cette loi va certainement créer un précédent pour d'autres pays, ainsi que pour les éditeurs d'applications et les créateurs de contenu du monde entier », a déclaré à l'AFP Kang Ki-hwan, de la Korea Mobile Internet Business Association.
Cet amendement à la loi est un coup dur pour Google et Apple qui exigent tous deux que les achats intégrés ne transitent que par leurs systèmes, au lieu des processeurs de paiement externes, permettant aux grandes enseigne de la technologie de percevoir une commission allant jusqu'à 30%.
L'amendement a été apporté au Telecommunications Business Act de la Corée du Sud, et elle pourrait avoir un impact important sur la façon dont le Play Store de Google et l'App Store d'Apple font des affaires à l'échelle mondiale.
Aucune des deux sociétés n'en était satisfaite. Dans un communiqué, Google a défendu ses frais de service, qui, selon lui, « aident à garder Android gratuit » et donnent aux développeurs « les outils et la plateforme mondiale pour accéder à des milliards de consommateurs dans le monde ».
« Tout comme cela coûte de l'argent aux développeurs de créer une application, cela nous coûte de l'argent de créer et maintenir un système d'exploitation et une boutique d'applications », a déclaré un porte-parole de Google. « Nous réfléchirons à la manière de nous conformer à cette loi tout en maintenant un modèle qui prend en charge un système d'exploitation et une boutique d'applications de haute qualité, et nous partagerons davantage dans les semaines à venir ».
Apple pour sa part a fait le communiqué suivant :
« Le projet de loi sur les entreprises de télécommunications exposera les utilisateurs qui achètent des biens numériques à d'autres sources à un risque de fraude, sapera la protection de leur vie privée, rendra difficile la gestion de leurs achats et des fonctionnalités telles que "Demander à acheter" et le contrôle parental deviendront moins efficaces. Nous pensons que la confiance des utilisateurs dans les achats de l'App Store diminuera à la suite de cette proposition, ce qui entraînera moins d'opportunités pour les plus de 482 000 développeurs enregistrés en Corée qui ont gagné plus de 8 550 milliards de KRW à ce jour avec Apple ».
Les lobbyistes des deux sociétés auraient fait valoir auprès de responsables américains que la législation coréenne viole un accord commercial, car elle cherche à contrôler les actions des sociétés basées aux États-Unis.
Le Play Store de Google a généré près de 6 000 milliards de wons (4,3 milliards d'euros) de recettes en 2019, soit 63% des ventes totales d'applications dans le pays, suivies par l'App Store d'Apple qui a représenté 24,4%, selon les données du ministère des Sciences de Séoul.
La loi entrera en vigueur ce mois-ci
Les règles, appelées ordonnance d'application, entreront en vigueur le 15 mars. Elles précisent que la loi interdit « l'acte d'imposer un mode de paiement spécifique à un fournisseur de contenu mobile » en utilisant injustement le statut d'opérateur du marché des applications, a déclaré dans un communiqué le régulateur de la Commission coréenne des communications (KCC).
« Afin d'empêcher le contournement réglementaire indirect, les types et les normes d'actes interdits ont été établis aussi étroitement que possible dans le cadre délégué par la loi », a déclaré le président du KCC, Han Sang-hyuk.
Les actes interdits incluent les opérateurs du marché des applications qui retardent injustement l'examen du contenu mobile ou refusent, retardent, restreignent, suppriment ou bloquent l'enregistrement, le renouvellement ou l'inspection du contenu mobile qui utilise des méthodes de paiement tierces.
Les amendes potentielles pour les infractions iront jusqu'à 2% d'un revenu annuel moyen provenant de pratiques commerciales connexes, selon les règles.
Le duopole Apple-Google dans le viseur de plusieurs régulateurs dans le monde
La Corée du Sud n'est pas le seul pays qui essaie de faire plier les grandes enseignes américaines de la technologie à sa volonté. La Russie par exemple exige que les appareils tournant sur Android ou iOS soient vendus avec des applications préinstallées créées par des développeurs russes, et l'Australie envisage de réglementer des services comme Apple Pay et Google Pay. Aux Etats-Unis, trois sénateurs ont proposé en août une loi visant à réguler les deux firmes dominantes et contraindre le duopole Google-Apple à s'ouvrir beaucoup plus à la concurrence. Les parlementaires européens discutent également d'une telle loi.
Mais la nouvelle législation sud-coréenne pourrait finir par créer un précédent mondial.
Apple et Google ont tous deux essayé d'éviter de telles actions en modifiant les politiques de leurs vitrines de téléchargement. Google a déclaré que cela ne prendrait que 15% du premier million de dollars des développeurs au lieu de 30%. Apple a présenté son App Store Small Business Program, qui a réduit de moitié la part perçu par Apple auprès des développeurs gagnant moins d'un million de dollars par an sur sa boutique. Apple a également accepté de laisser les développeurs informer leurs utilisateurs des options de paiement en dehors de l'App Store, en utilisant les adresses e-mail que les utilisateurs leur ont fournies. Auparavant, une application serait supprimée de l'App Store si elle contournait les systèmes de paiement d'Apple et les commissions d'achat in-app.
Il faut préciser que le terme de cette décision d'Apple ne permettrait pas aux développeurs d'informer les utilisateurs sur les options d'achat non App Store au sein des applications elles-mêmes, nécessitant que cette communication ait lieu en dehors des applications. Sous cette proposition d'Apple, les créateurs d'applications pourraient contacter les clients à l'aide d'adresses e-mail et de numéros de téléphone obtenus dans leurs applications et leur dire comment acheter des abonnements et d'autres contenus numériques sur les propres sites Web des développeurs ou ailleurs.
Apple n'autorise actuellement pas les développeurs à « utiliser les informations de contact (e-mails, numéros de téléphone, etc.) obtenues dans une application pour contacter leur base d'utilisateurs en dehors de l'application », ce qui « empêche effectivement les développeurs d'alerter leurs clients sur d'autres options de paiement », rappellent les plaignants. « Le règlement proposé lève cette restriction, et il le fait pour toutes les catégories d'applications ». L'éditeur propose donc de lâcher un peu de lest.
La situation d'Apple aux Pays-Bas
Dans une décision publiée la veille de Noël, l'Autorité néerlandaise des consommateurs et des marchés (ACM) a déclaré que les conditions qui s'appliquent aux fournisseurs d'applications de rencontres – qui sont les mêmes pour tous les développeurs – étaient déraisonnables. Il a ordonné à Apple de rectifier sa politique et de permettre aux développeurs d'applications de rencontres d'offrir aux utilisateurs d'autres options de paiement, à l'int...
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