L'initiateur du projet Mozilla vient de qualifier les cryptomonnaies de schéma de Ponzi. C’est une espèce de redite en termes de posture dans le lot des observateurs des cryptomonnaies. Elle divise cependant sur un certain nombre d’aspects. L’une des questions qui font surface est celle de l’utilisation du terme Ponzi. Ce dernier est-il adapté comme qualificatif des cryptomonnaies de façon générale ?
Sa sortie fait suite à la récente adoption des paiements en cryptomonnaies par la fondation Mozilla dans le cadre de son financement. Jamie Zawinski – créateur du navigateur Netscape et auteur du nom Mozilla comme nom de code interne de ce dernier – se positionne avec autorité : « Bonjour, je suis sûr que celui qui gère ce compte n'a aucune idée de qui je suis, mais j'ai fondé @mozilla et je suis ici pour dire "allez vous faire foutre". Toutes les personnes impliquées dans le projet devraient éprouver une honte terrible de cette décision de s'associer à des escroqueries de Ponzi qui incinèrent la planète. »
Sa sortie se fait dans un contexte de comparaisons entre le dollar (dont les banquiers font l’éloge de la stabilité) et le secteur relativement nouveau des monnaies cryptographiques. « La raison pour laquelle le dollar a une valeur est que le gouvernement américain a un monopole légal sur la production du dollar. Dans le monde des monnaies virtuelles et des cryptomonnaies, il existe des milliers de ces pièces de monnaie de type ordure. Des gens se sont littéralement fait escroquer pour des dizaines de milliards de dollars et la SEC s'est vue obligée de s’impliquer dans la répression de ce phénomène », indique le président de la Banque de la Réserve fédérale américaine.
De la même manière, le développeur Haskell Stephen Diehl, auteur de What I Wish I Knew When Learning Haskell, estime que Bitcoin est le Ponzi postmoderne :
« Un stratagème classique de Ponzi est une fraude financière dans laquelle des individus effectuent des manipulations bancaires ainsi que des manipulations des états comptables pour payer continuellement de nouveaux investisseurs grâce à d'anciens investisseurs tout en maintenant l'illusion des rendements. En termes économiques, investir dans un système de Ponzi est un jeu à somme négative et est une forme de jeu comme le poker ou la roulette. Le jeu est une consommation et contrairement aux entreprises productives, rien de valeur n'est créé à partir du processus. Il y a une réserve d'argent fixe et chaque personne qui fait un profit le fait nécessairement au détriment de quelqu'un d'autre qui perd. Tout gagnant unique est nécessairement payé par plusieurs perdants. Les jeux à somme négative ne génèrent pas, dans l'ensemble, de la richesse ou de l'utilité et redistribuent simplement les fonds d'entrée à différents participants. Il y a un rendement attendu négatif de s'engager dans cette classe d'activités. »
« Dans le programme de vingt ans de Bernie Madoff, de nombreux investisseurs ont vraiment gagné de l’argent et investir dans des projets de Ponzi au bon moment peut en effet vous rendre très riche. Certaines personnes deviennent également extrêmement riches en jouant à la roulette, mais ce n'est pas le cas de la majorité et vous n'entendrez jamais parler de ceux qui ont tout perdu. C'est l'essence de la raison pour laquelle les stratagèmes de Ponzi sont illégaux et considérés comme une forme de fraude, ils sont une forme de jeu d'argent qui dépend de l'asymétrie de l'information et de la collusion où le reste de la société supporte les coûts et les externalités négatives pour aider les victimes lorsque la musique s'arrête inévitablement et qu'il n'y a plus de chaises. »
« Bitcoin n'est pas différent. L'achat d'un bitcoin, c'est acheter une entrée dans une base de données comptable, une collection de bits extrêmement coûteuse. Il n'a aucune manifestation dans le monde réel, ne produit rien, n'a pas d'actifs, de revenus, de clients, de trésorerie ou de dividendes. La valeur actuelle nette du bitcoin est nulle et ne peut jamais être différente de zéro. Cette valeur provient uniquement d’une forme de spéculation récursive, une illusion selon laquelle davantage de victimes viendront à spéculer, perpétuant ainsi l’escroquerie et faisant monter la “valeur “ spéculée plus haut. C'est un contrat à terme avec un sous-jacent sur la crédulité humaine, un pari qu'il y aura plus d'imbéciles à l'avenir pour payer les imbéciles actuels. Einstein a dit un jour : “ Deux choses sont infinies : l'univers et la stupidité humaine ; et je ne suis pas sûr pour ce qui concerne l'univers“ et dans l'étrange monde à l'envers d'aujourd'hui, vous pouvez désormais investir dans la thèse d'Einstein et cela s'appelle bitcoin. »
« Une réserve de valeur ne peut pas être basée uniquement sur la foi en une réserve inépuisable d'imbéciles prêts à payer monotonement davantage pour quelque chose indéfiniment. Il devrait être intuitivement évident pour chaque écolier que ce jeu de chaises musicales ne peut pas durer éternellement et ne durera pas. La réalité a une manière de s'affirmer et à un moment donné, ce schéma épuisera le bassin des imbéciles qui se retrouveront en train de prendre une part pathétique dans l'illusion collective d'une non-monnaie totalement inutile dans le monde réel. Les bitcoins sont totalement inadaptés à des fins monétaires, ils ne soutiennent aucune activité économique, ne sont pas adaptés aux transactions en tant qu'unité d'échange et ne peuvent jamais remplir aucune fonction au-delà d'une bulle spéculative vide. »
« Cette nouvelle classe d'escroquerie diverge de ce Ponzi classique d'une manière significative et juridiquement importante. Au lieu des salles enfumées, nous avons le brouillard d'obscurantisme post-vérité induit par notre nouveau paysage médiatique qui se nourrit d'illusion, de méfiance envers les experts et de confusion comme moyen d'obscurcir le mécanisme sous-jacent du schéma de redistribution des richesses. C'est l'essence de la raison pour laquelle nous appelons cette fraude un schéma "postmoderne" les investisseurs sophistiqués comprennent parfaitement le mécanisme de la fraude et toutes les opérations sont effectuées en public, mais la fraude dépend de l'ignorance collective ou de l'excès de confiance sur le fait que des individus pourront jauger leur temps de sortie du marché correctement tandis que d'autres ne le feront pas. Ce n'est pas différent de l'erreur des joueurs qui croient d'une manière ou d'une autre que leur rotation de la roulette est en quelque sorte bénie par la chance. »
Le bitcoin et autres Dogecoin remplissent-ils les critères d’un schéma de Ponzi ?
Y a-t-il dans le cas des monnaies cryptographiques une structure de paiement qui garantit que l’argent d’investisseurs spécifiques est transféré à d’anciens investisseurs sur la base de leur ancienneté ? De Bitcoin à Dogecoin en passant par Ethereum, le constat est le même : le fait d’acheter tôt ne garantit pas de faire une plus-value au moment où l’investisseur sera désireux de procéder à une revente. Tout est une question de cotation à un instant t. Ainsi, un investisseur qui fait l’acquisition de l’euro contre des dollars à un moment où la cotation est faible peut en tirer une plus-value à un moment plus favorable de l’évolution des cours.
Le bitcoin a cours légal au Salvador depuis la mi-parcours de l’année précédente. Le projet de loi du président Nayib Bukele du Salvador afin de donner cours légal au bitcoin dans son pays a fait l’objet d’approbation le 9 juin par le Congrès du pays. Par 62 voix sur 84, le Salvador devient le premier pays à approuver une loi donnant cours légal au bitcoin. Cette dernière a pour objet la régularisation du bitcoin comme monnaie à cours légal, sans restriction avec pouvoir libératoire, illimité dans toute transaction. La valeur d’une monnaie repose sur la confiance qu’on lui accorde. Quel avenir pour le bitcoin et les autres cryptomonnaies si d’autres pays suivent l’exemple du Salvador ?
Et vous ?
Le terme Ponzi est-il adapté comme qualificatif pour les monnaies cryptographiques ?
Que pensez-vous de la décision du Salvador d'adopter le bitcoin comme monnaie légale ? Est-ce un exemple à suivre ?
Voir aussi :
Le bitcoin et d'autres cryptomonnaies basés sur l'algorithme Proof of Work sont un cauchemar suivant les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance, selon Timothy Swanson
Les pirates informatiques à l'origine d'une présumée attaque par ransomware contre Kia exigent des*millions de dollars en bitcoins, plusieurs services en ligne de la société auraient été touchés
Le bitcoin atteint une capitalisation boursière de 1000 milliards de dollars alors que le coût de la cryptomonnaie continue de grimper
La plupart des cadres financiers ne prévoient pas de détenir le bitcoin comme actif d'entreprise, d'après une enquête de Gartner, seuls 5 % prévoient de le faire en 2021
L'initiateur du projet Mozilla critique la fondation pour l'adoption des paiements en cryptomonnaies dans le cadre de son financement
Et ravive le débat sur la plus-value sociale du bitcoin et cie.
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Le , par Patrick Ruiz
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