Donald Trump et la CIA auraient discuté de l'assassinat de Julian Assange
Un rapport publié dimanche fait des révélations sur comment l'administration Trump a traqué Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, et les différents plans envisagés pour lui mettre le grappin dessus. Selon le rapport, des cadres de la CIA (Central Intelligence Agency) sous l'administration Trump auraient élaboré des plans secrets pour kidnapper, voire assassiner, Julian Assange, après que le site Web a publié en ligne des outils de piratage sensibles de l'agence. En effet, les outils et la série de documents connus sous le nom de "Vault 7" publiés par WikiLeaks entre 2016 et 2017 ont été considérés comme la "plus grande perte de données de l'histoire de la CIA".
À la suite de cette fuite de données, de hauts responsables de l'agence auraient demandé des "croquis" et des "options" sur la façon d'enlever ou d'assassiner Assange en réponse. Ces affirmations ont été faites dans le cadre d'une enquête récemment publiée par Yahoo News, comprenant des entretiens avec 30 anciens responsables américains. L'ancien directeur de la CIA Mike Pompeo et certains hauts responsables de l'agence auraient mené la croisade contre Assange en 2017. Les plans de Pompeo se sont intensifiés cette année-là lorsque le gouvernement américain a entendu qu'Assange pourrait tenter de s'échapper de l'Équateur pour la Russie.
La possibilité qu'Assange s'envole pour la Russie aurait incité la CIA à prévoir plusieurs scénarios pour l'intercepter. Ainsi, une proposition aurait impliqué de tirer dans les pneus de son avion si Assange tentait de fuir vers la Russie depuis Londres. Selon les témoignages recueillis, parmi les propositions qui ont été suggérées par les cadres de l'agence figurent des scénarios qui semblent tout droit sortis d'un film de James Bond : d'éventuelles fusillades dans les rues de Londres, de l'écrasement d'une voiture sur le véhicule qui le transporte, etc. Ils auraient même demandé à leurs homologues britanniques de participer à la mission.
Un ancien haut fonctionnaire de l'administration a déclaré que les Britanniques étaient d'accord avec ce plan. En sus, un ancien haut responsable du contre-espionnage a déclaré que les discussions sur le sort réservé à Assange avaient eu lieu "aux plus hauts niveaux de l'administration Trump et qu'il ne semblait pas avoir aucune limite". Il a ajouté que Pompeo et les dirigeants de l'agence étaient complètement détachés de la réalité parce qu'ils étaient tellement gênés par la fuite Vault 7. « Ils voyaient du sang », a déclaré le fonctionnaire. Selon ce dernier, les responsables de l'agence et l'administration Trump étaient prêts à tout pour avoir Assange.
Environ cinq semaines après le début des dossiers Vault 7, en avril 2017, Pompeo s'est adressé à WikiLeaks au Center for Strategic and International Studies (CSIS), un groupe de réflexion de Washington, pour ses premières remarques publiques en tant que directeur de la CIA de Trump. Il a accusé WikiLeaks d'être une agence de renseignement hostile qui a infiltré la CIA pour voler des informations confidentielles. « WikiLeaks marche comme un service de renseignement hostile et parle comme un service de renseignement hostile et a encouragé ses adeptes à trouver des emplois à la CIA afin d'obtenir des renseignements », a-t-il déclaré.
« Il est temps d'appeler WikiLeaks pour ce qu'il est vraiment : un service de renseignement hostile non étatique souvent soutenu par des acteurs étatiques comme la Russie », a-t-il ajouté.
Comment Assange est-il devenu une cible prioritaire pour les États-Unis
Auteur de révélations très compromettantes sur l'armée américaine, Assange a fait l'objet d'une impressionnante chasse à l'homme pendant près d'une décennie par les États-Unis avant de se retrouver finalement dans les mailles de la justice britannique en avril 2019. En effet, Assange a fondé WikiLeaks en 2006 en tant qu'organisation non gouvernementale à but non lucratif. L'ONG dispose d'un site qui permet aux lanceurs d’alerte de divulguer des documents relatifs à des scandales de corruption, d’espionnage et de violations des droits de l'homme perpétués par des États.
WikiLeaks garde toujours ses sources secrètes. En outre, malgré son nom, il ne fonctionne pas comme un wiki. Le site est à la fois ouvert et sécurisé, les lecteurs ne possédant pas les autorisations appropriées ne pouvaient pas modifier le contenu de WikiLeaks. Mais ce n'est pas tout. Il emploie des technologies cryptographiques de pointe pour assurer la sécurité du site ; il se serre de processus mathématiques et de chiffrement extrêmement sophistiqués pour assurer le caractère privé, l’anonymat et l’impossibilité d’identification. Il associe des versions remaniées de Freenet, de Tor ou de PGP à des logiciels de conception maison.
WikiLeaks pense notamment ainsi être « étanche aux attaques politiques et légales » et, en ce sens, « impossible à censurer ». WikiLeaks s'est attirée la fureur du gouvernement américain pour la première fois en 2010. En juillet 2010, l'ONG a publié des milliers de pages de rapports et de documents, environ 750 000 documents classés "secret défense" par la CIA. Les analyses ont révélé que des milliers d’entre eux concernent les activités militaires et diplomatiques américaines en Irak et en Afghanistan. Mais Assange est poursuivi par les États-Unis pour espionnage et complotisme, et trouve refuge à Londres, à l'ambassade de l'Équateur.
Barack Obama, le président américain d'alors, et son vice-président Joe Biden auraient discuté avec leurs homologues de la Grande-Bretagne de l'extradition d'Assange vers les États-Unis. Selon les témoignages, le ministère de la Justice d'Obama avait finalement décidé de ne pas demander l'extradition d'Assange au motif que les activités d'Assange et de WikiLeaks étaient trop proches des activités journalistiques protégées par le premier amendement de la Constitution américaine. WikiLeaks a de nouveau attiré l'attention après avoir publié des courriels piratés de la campagne présidentielle 2016 de la démocrate Hillary Clinton et d'un conseiller clé.
Selon Clinton et certains de ses partisans, cela a été un facteur de sa défaite électorale face au républicain Donald Trump. Puis, en 2017, le site a commencé Vault 7 et s'est attiré l'ire des responsables de l'administration Trump. Quelques semaines seulement après son entrée en fonction en janvier 2017, l'administration Trump a déposé une série d'accusations criminelles de plus en plus sévères, accusant Assange de participer au complot de piratage de Chelsea Manning, une ancienne analyste du renseignement de l'armée. Les témoignages font état de ce que la capture d'Assange faisait régulièrement l'objet de débat sous l'ère Trump.
Et, après avoir été protégé par l'État de l'Équateur pendant environ sept ans, Assange a vu son statut d'exilé politique révoqué en avril 2019 par le nouveau président équatorien Lenin Moreno. Devenu un citoyen lambda, Assange a été immédiatement arrêté par la police londonienne et placé dans la prison de haute sécurité de Belmarsh. Le fondateur de WikiLeaks est toujours en prison à Londres alors que les tribunaux britanniques débattent d'une demande d'extradition des États-Unis pour violation de l'Espionage Act. Les prochaines audiences liées à la demande d'extradition d'Assange vers les États-Unis sont prévues entre le 26 et le 27 octobre.
La CIA a eu du mal à prouver ses allégations à l'endroit d'Assange
Si la CIA pouvait légitimer WikiLeaks en tant que service de renseignement hostile non étatique, cela signifiait qu'elle pouvait la traiter comme elle traite les ennemis étrangers. Cependant, les témoignages ont révélé que l'agence a eu du mal à prouver que WikiLeaks conspirait avec le Kremlin, ce qui a entravé ses tentatives de planifier la capture ou le meurtre d'Assange. Un ancien haut responsable du contre-espionnage a déclaré : « Il y a eu beaucoup de débats juridiques : agissaient-ils en tant qu'agent russe ? Il n'était pas clair qu'ils le faisaient, alors la question était de savoir s'ils pouvaient être considérés comme une entité hostile ».
Un autre ancien responsable a déclaré : « Néanmoins, peu après son discours, Pompeo a demandé à un petit groupe d'officiers supérieurs de la CIA de déterminer l'art du possible en ce qui concerne WikiLeaks. Il [Pompeo] a dit : "Rien n'est hors limites, ne vous autocensurez pas. J'ai besoin d'idées opérationnelles de votre part. Je m'occuperai des avocats à Washington" ». De plus, les sources affirment qu'en l'espace de quelques mois, les espions de l'agence ne se sont pas limités à Assange et ont commencé à cibler d'autres membres du personnel de WikiLeaks par des stratégies de "contre-espionnage offensif".
Ces actions consisteraient à paralyser son infrastructure numérique, perturber ses communications, introduire des informations préjudiciables dans l'organisation pour déclencher des luttes internes et même voler les appareils électroniques des membres de WikiLeaks. Selon les sources de l'enquête, certaines de ces propositions ont pu se concrétiser, car Andy Müller-Maguhn, un pirate informatique allemand impliqué dans le projet Vault 7, a fait plusieurs déclarations en décembre 2020 sur son passage chez WikiLeaks. Par exemple, il a affirmé que quelqu'un avait essayé de s'introduire dans son appartement.
Il a aussi ajouté qu'il avait été suivi par des "personnages mystérieux" et que son téléphone chiffré avait été mis sur écoute. Les personnes interrogées dans le cadre de l'enquête ont également déclaré que Pompeo était obsédé par Assange et WikiLeaks. « WikiLeaks était une véritable obsession pour Pompeo. Après Vault 7, Pompeo et [la directrice adjointe de la CIA, Gina] Haspel voulaient se venger d'Assange », a déclaré un ancien responsable de la sécurité nationale de l'administration Trump. De même, Pompeo et d'autres responsables du renseignement auraient discuté de l'enlèvement d'Assange à l'ambassade par le biais d'un processus connu sous le nom de "restitution".
Cela consiste à l'emmener dans un pays tiers avant de le ramener aux États-Unis. « L'idée était de s'introduire dans l'ambassade, de le [Assange] sortir et de l'emmener là où nous le voulons », a déclaré l'ancien responsable du renseignement. Selon ce dernier, l'idée est apparue à certains comme "ridicule". « Ce n'est pas le Pakistan ou l'Égypte, nous parlons de Londres », a-t-il déclaré. Par ailleurs, un autre ancien haut responsable du contre-espionnage a confié : « Il y a eu une discussion avec les Britanniques sur le fait de tendre l'autre joue ou de détourner le regard lorsqu'une équipe de gars est entrée et a effectué une restitution ».
« Mais les Britanniques ont dit : "Pas question, vous ne ferez pas ça sur notre territoire, ça n'arrivera pas" », a-t-il ajouté. De son côté, Barry Pollack, l'avocat américain d'Assange a déclaré : « En tant que citoyen américain, je trouve absolument scandaleux que notre gouvernement envisage d'enlever ou d'assassiner quelqu'un sans aucune procédure judiciaire simplement parce qu'il a publié des informations véridiques ». « J'espère et je m'attends à ce que les tribunaux britanniques tiennent compte de ces informations, ce qui renforcera leur décision de ne pas extrader vers les États-Unis », a ajouté Pollack.
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