Boeing fait l'objet de multiples enquêtes depuis 2019, lorsqu'un avion Max exploité par Ethiopian Airlines s'est écrasé cinq mois seulement après qu'un autre avion appartenant à l'Indonésie, Lion Air, a plongé dans la mer. Les enquêteurs ont découvert qu'à ces deux occasions, un capteur défectueux a provoqué un déclenchement erroné du système automatique anti-décrochage, le « Maneuvering Characteristics Augmentation System » (MCAS), forçant l'avion à piquer du nez. Les pilotes de Lion Air et d'Ethiopian Airlines se sont battus pour redresser leurs jets, mais ont été dépassés par le système automatique à chaque fois qu'ils ont essayé.
Un rapport, publié en septembre 2020, a mis en évidence des défaillances dans la conception de l'avion et une relation trop étroite entre la compagnie et le régulateur. Boeing a caché des défauts de conception de son jet 737 Max aux pilotes et aux autorités de réglementation alors qu'il s'efforçait de faire certifier l'avion comme étant apte à voler, selon l’enquête.
Le rapport de la commission parlementaire a examiné les défauts d'ingénierie et de conception technique de Boeing, en particulier dans le développement du nouveau logiciel de contrôle MCAS. Après 17 mois d'enquête, il a indiqué comment Boeing a tenté de minimiser la formation nécessaire des pilotes pour piloter le nouveau Max, qui était sorti en toute hâte pour tenter de concurrencer l'Airbus A320neo.
Le rapport a révélé que la compagnie avait réussi à persuader la FAA de ne pas classer le système anti-décrochage comme « critique pour la sécurité », ce qui signifie que de nombreux pilotes ne connaissaient même pas son existence avant de piloter le Max. La Commission a aussi détaillé les hypothèses erronées et dépassées que les ingénieurs ont faites sur la façon dont les pilotes réagiraient dans une telle crise et comment Boeing n'a pas installé un système d'alerte qui aurait pu avertir l'équipage, entre autres défaillances techniques.
Le rapport a regretté qu’une « culture de la dissimulation » chez Boeing ait contribué aux échecs : « Dans plusieurs cas critiques, Boeing a dissimulé des informations cruciales à la FAA, à ses clients et aux pilotes de 737 MAX ». Mais il y a eu des problèmes au sein de la FAA également. « Le fait qu'un avion conforme ait souffert de deux crashs mortels en moins de cinq mois est la preuve évidente que le système réglementaire actuel est fondamentalement défectueux et doit être réparé », selon le rapport.
Selon l’enquête, « [Les deux crashs] ont été l'horrible point culminant d'une série d'hypothèses techniques erronées des ingénieurs de Boeing, d'un manque de transparence de la part de la direction de Boeing et d'une surveillance grossièrement insuffisante de la [Federal Aviation Administration] - le résultat pernicieux de la mainmise réglementaire de la part de la FAA en ce qui concerne ses responsabilités d'exercer une surveillance rigoureuse sur Boeing et de garantir la sécurité du public voyageur ».
« Les faits exposés dans ce rapport font état d'une série inquiétante de mauvais calculs techniques et d'erreurs de jugement troublantes de la part de Boeing en matière de gestion. Il met également en lumière de nombreux manquements à la surveillance et aux responsabilités de la FAA qui a joué un rôle important dans les crashs des 737 Max », lit-on dans le rapport de 238 pages qui détaille comment Boeing a tenté de minimiser les tests réglementaires.
Boeing était au courant du problème du 737 MAX
Le constructeur américain avait nié qu’il était au courant des problèmes qu’avait le 737 MAX, mais les messages que se sont échangés les pilotes Mark A. Forkner et Patrik Gustavsson en 2016 et révélés en octobre 2019 ont prouvé le contraire. L’un deux, Mark A. Forkner, alors pilote technique en chef du Boeing 737, disait dans l’un de ses messages envoyés à Patrik Gustavsson que le MCAS s'engageait « comme un fou », en qualifiant le problème de « flagrant ». Il a aussi abordé le fait que Boeing avait induit en erreur la Federal Aviation Administration (FAA).
« J'ai donc essentiellement menti aux organismes de réglementation (sans le savoir) », a-t-il écrit. Forkner s’est, semble-t-il, rendu compte de ses erreurs après avoir pratiqué des tests techniques sur le 737 Max et son logiciel MCAS dans un simulateur. À son tour, Patrik Gustavsson lui avait répondu que « ce n'était pas un mensonge », ajoutant « personne ne nous a dit que c'était le cas ». Ces messages en date de 2016, un an avant la certification du 737 Max, montrent que Boeing a menti, mais aussi, qu'il a induit la FAA en erreur quant à la sécurité de son aéronef.
Le Wall Street Journal a déclaré qu'il n'était pas clair à quelles charges Forkner ferait face.
Le 737 MAX a été officiellement certifié en mars 2017, mais a été immobilisé dans le monde entier pendant 20 mois à la suite des accidents d'octobre 2018 et de mars 2019, qui ont fait 346 morts. Le MAX a été autorisé à voler à nouveau fin 2020, une fois le logiciel MCAS modifié.
En plus du MCAS qui a connu une amélioration, d’autres mises à jour supplémentaires sans rapport avec les accidents ont également été apportées. Il s’agit notamment de la modification de certains câblages pour répondre aux exigences de la FAA, ce qui a nécessité d’installer deux mises à jour logicielles supplémentaires. Par ailleurs, eu égard aux améliorations apportées à l’appareil, les pilotes des compagnies aériennes qui disposent du 737 Max doivent effectuer une formation avant de prendre à nouveau les commandes de l’appareil. En outre, chaque avion Max sera soumis à une inspection interne et à un vol de préparation avant de transporter des passagers. Ce sont toutes ces mesures associées à d’autres qui ont incité la FAA à accorder son autorisation pour la remise en service du 737 Max. Elle a depuis été rejointe par des régulateurs au Brésil.
Boeing a reconnu sa responsabilité dans la tromperie des régulateurs et a accepté de payer plus de 2,5 milliards de dollars pour régler certaines poursuites.
Un avocat de Forkner, David Gerger, n'a pas répondu aux demandes de commentaires du Journal. Gerger a déclaré dans le passé que Forkner, un pilote et vétéran de l'Air Force, ne mettrait pas les pilotes ou les passagers en danger.
Le Journal avait précédemment rapporté que les procureurs se concentraient sur Forkner et un deuxième ex-pilote de Boeing, Patrik Gustavsson, qui traitait également avec la FAA.
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