Vous êtes suivi, sur le web bien sûr, mais aussi dans la vie réelle : les applications de votre smartphone alimentent en permanence le marché de la publicité numérique, où les données y sont achetées et vendues par des fonds spéculatifs, des institutions financières et des spécialistes du marketing. Un nouvel article publié dans le New York Times souligne les énormes conséquences de ce système, avec des données de localisation extraites des manifestants qui ont saccagé le Capitole américain le 6 janvier, et divulguées par une source anonyme.
Une source a fourni au New York Times un ensemble de données, suivant les smartphones de milliers de partisans de Trump, de manifestants et de passants à Washington, D.C., le 6 janvier, alors que le rassemblement politique de Donald Trump se transformait en une violente insurrection. Au moins cinq personnes sont mortes à cause de l'émeute au Capitole. La clé pour traduire la foule en justice a été les détritus numériques de l'événement : données de localisation, photos géolocalisées, reconnaissance faciale, caméras de surveillance et crowdsourcing.
Les émeutes du Capitole sont une attaque choquante contre la république et un rappel malvenu de la fragilité de la démocratie américaine. Mais l'histoire nous rappelle que des événements soudains comme celui-là conduisent à une surenchère en faveur de la sécurité collective au détriment de la liberté individuelle. Et plus généralement, les données recueillies le 6 janvier sont une démonstration de la menace imminente pour los libertés que représente une économie de surveillance qui monétise les mouvements des justes comme des méchants.
« Ces données comprenaient des informations remarquables : un identifiant unique pour chaque utilisateur, lié à un smartphone. Cela a rendu encore plus facile la recherche de personnes, puisque l'identifiant prétendument anonyme pouvait être comparé avec d'autres bases de données contenant le même identifiant, ce qui nous permet de compléter en quelques secondes les vrais noms, adresses, numéros de téléphone, adresses e-mail et autres informations sur les propriétaires de smartphones ». Ces identifiants, expliquent les auteurs, sont appelés identifiants de publicité mobile, et ils permettent aux entreprises de suivre les personnes sur le web. « Ils sont censés être anonymes, et les propriétaires de smartphones peuvent les réinitialiser ou les désactiver complètement. Nos conclusions montrent que la promesse de l'anonymat est une farce », peut-on lire dans l’article.
De plus, l'utilisation de ces données ne semble pas du tout réglementée. Comme le souligne le Times, il n'existe pas de loi obligeant les entreprises à divulguer la durée et la nature de l'utilisation de ces données. Même si vous savez que vos enregistrements ont été vendus, vous ne pouvez pas demander leur suppression dans la plupart des États aux États-Unis. Cela signifie qu'une fois collectées, les données peuvent être achetées et vendues à perpétuité.
Ces données de localisation sont également quelque peu imprécises, ce qui n'est pas nécessairement une bonne chose. L'article du Times s'intéresse au cas d'un homme en particulier, Ronnie Vincent : il était présent lors de l'émeute du Capitole et ses données le placent probablement à l'intérieur du Capitole au moment où il était pris d'assaut. Il nie être entré au Capitole. Mais entre les mains des forces de l'ordre, par exemple, ces données pourraient être utilisées comme preuves dans une affaire pénale.
Dans une situation comme celle de l'émeute du Capitole, les lieux exacts sont importants. Quelques mètres peuvent faire la différence entre un participant qui a commis un crime grave et un spectateur. Si certaines données de localisation sont précises à quelques mètres près, d'autres ne le sont pas. Les sociétés de localisation peuvent travailler avec des données provenant de capteurs GPS, de signaux Bluetooth et d'autres sources. La qualité dépend des paramètres du téléphone et du fait qu'il soit connecté à un réseau Wi-Fi ou à une tour de téléphonie mobile. Des questions telles que la population et la densité des bâtiments peuvent parfois jouer un rôle dans la qualité des données.
Le rapport du Times est terrifiant pour un certain nombre de raisons, mais le pire est le peu de contrôle que les citoyens ordinaires, avons sur l'utilisation de nos données. Il n'y a pas moyen d'éliminer totalement le risque qu'un appareil mobile expose les données de localisation à quelqu'un qui essaie de le tracer, mais il y a des moyens de limiter les fuites et leurs causes. C'est le thème principal des directives publiées, il y a quelques mois, par l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA), qui a adressé ses conseils au personnel du ministère de la Défense et à d'autres programmes de sécurité nationale, mais a publié le document publiquement. Le guide explique les différents types d'informations de localisation qui peuvent être utilisés pour localiser les appareils mobiles et leurs utilisateurs. Il fournit également une analyse des idées fausses sur les données de localisation et recommande des moyens pour aider les utilisateurs à se protéger.
Source : New York Time
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Que pensez-vous de cette pratique qui consiste pour les agences publicitaires et même les agences d’application de la loi d’acheter les données de localisation sur le marché ?
À votre avis, existe-t-il encore une vie privée pour les utilisateurs de smartphones
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Ils ont pris d'assaut le Capitole et leurs applications mobiles les ont pistés
Des individus présents lors de ces émeutes sont identifiés grâce aux données de localisation de leurs smartphones
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Le , par Nancy Rey
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